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Dark store et Dark Kitchen : le régime juridique enfin précisé

Dernière mise à jour le 31/03/2023

Le régime juridique des locaux qui servent de stockage pour des livraisons à domicile est enfin précisé. Un décret et un arrêté du 22 mars 2023 viennent d’être publiés au JO, le lendemain d’une décision du Conseil d’Etat donnant raison à la ville de Paris.

La livraison expresse à domicile des commandes passées via une application dédiée est généralement assurée par des coursiers, depuis des « dark stores », souvent d’anciens magasins transformés pour l’occasion en entrepôts. Il en est de même pour la livraison de repas à partir de « dark kitchens » qui sont des formes de restaurants un peu particuliers puisqu’ils ne reçoivent aucun client sur place, pas même pour de la vente à emporter. Dans les deux cas, il s’agit de lieux de stockage. Leur nature juridique restait cependant incertaine.

Après une réunion de concertation organisée conjointement, le 6 septembre 2022, par les ministres de la Ville et du Commerce, les élus locaux attendaient une clarification du régime applicable à ces entrepôts qui ne disent pas leur nom.

Un contentieux opposant la ville de Paris à deux enseignes

De fait c’est bien la qualification d’entrepôt qu’avait retenue la ville de Paris pour contraindre deux enseignes de dark stores de remettre les locaux, qui étaient à l’origine des commerces traditionnels, dans leur état d’origine, dans un délai de trois mois sous astreinte.

Le juge des référés du tribunal administratif de Paris avait suspendu ces décisions émettant un doute sérieux quant à leur légalité au motif qu’il ressortait des pièces du dossier que le changement de destination en cause n’avait pas impliqué de travaux. Dans une décision rendue le 23 mars 2023, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance et donne raison à la ville de Paris.

En effet les locaux exploités « qui étaient initialement des locaux utilisés par des commerces, sont désormais destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises, afin de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs à bicyclette. Ils ne constituent plus, pour l’application des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme, tels que précisés par l’arrêté du 10 novembre 2016 cité ci-dessus, des locaux " destinées à la présentation et vente de bien directe à une clientèle " et, même si des points de retrait peuvent y être installés, ils doivent être considérés comme des entrepôts au sens de ces dispositions. »

En outre l’occupation des locaux « ne correspond pas à une logique de logistique urbaine qui, en application des dispositions du plan local d’urbanisme de Paris, pourrait les faire entrer dans la catégorie des " constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif ", mais a pour objet de permettre l’entreposage et le reconditionnement de produits non destinés à la vente aux particuliers dans ces locaux, ce qui correspond à une activité relevant de la destination " Entrepôt ", telle que définie par le même plan local d’urbanisme. »

La ville de Paris était ainsi en droit d’exiger des sociétés requérantes le dépôt d’une déclaration préalable et pouvait légitimement leur opposer les dispositions de l’article UG.2.2.2 du règlement du plan local d’urbanisme interdisant la transformation en entrepôt de locaux existants en rez-de-chaussée sur rue au changement de destination opéré.

Un décret et un arrêté

Toujours est-il que le lendemain de la décision du Conseil d’Etat, un décret et un arrêté du 22 mars 2023 ont été publiés au journal officiel et abondent dans le même sens : les "Dark stores" sont bien des entrepôts et les "Dark kitchens" une catégorie spécifique. Afin d’éviter toute ambigüité juridique, source d’insécurité, dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme.

Petite vidéo pédagogique (4’) de Me Eric Landot sur ce sujet


Ainsi une nouvelle sous-destination « cuisine dédiée à la vente en ligne » est créée dans la destination « autres activités des secteurs primaire, secondaire et tertiaire » (article R. 151-28 5° du code de l’urbanisme).

A ne pas confondre donc avec la sous-destination “ restauration ” qui recouvre désormais explicitement les « constructions destinées à la restauration sur place ou à emporter avec accueil d’une clientèle » [1].

La destination de construction “autres activités des secteurs primaire, secondaire ou tertiaire” prévue au 5° de l’article R. 151-27 du code de l’urbanisme comprend désormais les cinq sous-destinations suivantes :
 industrie ;
 entrepôt ;
 bureau ;
 centre de congrès et d’exposition ;
 cuisine dédiée à la vente en ligne.

La sous-destination “ entrepôt ” recouvre :
 les constructions destinées à la logistique, au stockage ou à l’entreposage des biens sans surface de vente ;
 les points permanents de livraison ou de livraison et de retrait d’achats au détail commandés par voie télématique ;
 ainsi que les locaux hébergeant les centres de données.

La sous-destination “ cuisine dédiée à la vente en ligne ” recouvre les constructions destinées à la préparation de repas commandés par voie télématique. Ces commandes ont nécessairement lieu à distance mais peuvent être soit livrées au client, soit récupérées sur place.

Le décret n° 2023-195 du 22 mars 2023 modifie d’autres dispositions d’urbanimse intéressant les collectivités


 l’ajout de la mention du secteur primaire dans la destination « autres activités des secteurs secondaire et tertiaire » ;

 la modification de la liste des sous-destinations afin de créer une nouvelle sous-destination « lieux de culte » dans la destination « équipements d’intérêt collectif et services publics » ;

 la correction, dans la nomenclature des servitudes d’utilité publique annexée au livre Ier de la partie réglementaire du code de l’urbanisme, d’une erreur de référence aux articles du même code concernant les servitudes de passage sur le littoral et l’intégration dans cette nomenclature d’une catégorie de servitude d’utilité publique prévue au code de l’environnement relative aux ouvrages et infrastructures nécessaires à la prévention des inondations ;

 l’ajout dans la liste des annexes au plan local d’urbanisme de quatre nouvelles annexes :

  • la carte de préfiguration des zones soumises au recul du trait de côte établie dans les conditions définies à l’article L. 121-22-3 ;
  • les périmètres où la pose de clôtures est soumise à déclaration préalable ;
  • les périmètres où le ravalement de façades est soumis à déclaration préalable ;
  • les périmètres où le permis de démolir a été institué.

Conseil d’État, 23 mars 2023, N° 468360

Décret n° 2023-195 du 22 mars 2023 portant diverses mesures relatives aux destinations et sous-destinations des constructions pouvant être réglementées par les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu

Arrêté du 22 mars 2023 modifiant la définition des sous-destinations des constructions pouvant être réglementées dans les plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu

[1Arrêté du 22 mars 2023 modifiant en ce sens l’article 3 de l’arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et les règlements des plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu.