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Loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure : quels impacts pour les collectivités territoriales ?

Dernière mise à jour le 12 février 2022

Tour d’horizon des principales dispositions de la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

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Consommation de produits psychoactifs et responsabilité pénale

Adoptée dans le prolongement de l’affaire Sarah Halimi, la loi limite l’irresponsabilité pénale en cas de trouble mental résultant de la consommation volontaire de produits psychoactifs.

Selon l’article 122-1 du code pénal, « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes. » Le second alinéa précise que « la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable » mais que toutefois, la juridiction doit tenir compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime.

Ce qui change avec la loi du 24 janvier 2022  :

1° La règle reste celle de l’irresponsabilité pénale de principe en cas d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement de l’intéressé ou le contrôle de ses actes. Mais une exception est prévue si l’accusation démontre que la consommation de produits psychoactifs a été prise volontairement pour commettre l’infraction ou en faciliter la commission.

« Le premier alinéa de l’article 122-1 n’est pas applicable si l’abolition temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit résulte de ce que, dans un temps très voisin de l’action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l’infraction ou une infraction de même nature ou d’en faciliter la commission. »

2° La diminution de peine prévue par l’article 122-1-2 du code pénal est également écartée « en cas d’altération temporaire du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit lorsque cette altération résulte d’une consommation volontaire, de façon illicite ou manifestement excessive, de substances psychoactives. »

3° La loi crée trois nouvelles infractions d’intoxication volontaire qui répriment la personne qui s’est intoxiquée délibérément avec des produits psychoactifs avant de perdre tout discernement et de commettre un meurtre ou des violences, faits pour lesquels elle a été pénalement reconnue irresponsable (Art. 221-5-6, 222-18-4 et 222-26-2 du code pénal).

💥 L’occasion de rappeler que la consommation de substances psychoactives (produits stupéfiants ou alcool) qui ont altéré le discernement d’un agent ne constitue pas une cause d’exonération de sa responsabilité disciplinaire. Exemples :

🔹Cour administrative d’appel de Nantes 22 mai 2018 N°16NT02180 : la cour valide la révocation d’un agent qui s’est absenté durant 6 jours sans autorisation ni justification, a par ailleurs transmis des arrêts de travail avec retard, a refusé de se soumettre à un test d’alcoolémie, en méconnaissance du règlement intérieur pour la prévention du risque lié à l’alcool de la collectivité, enfin n’a pas utilisé les lève-containers lors d’une tournée de ramassage des en méconnaissance des consignes du service, consignes qu’il a au surplus violemment contestées auprès de son supérieur hiérarchique. La cour estime que la sanction n’est pas disproportionnée dès lors que l’agent a pu rencontrer à plusieurs reprises un fonctionnaire du service hygiène, sécurité et bien-être du travail, puis le médecin du travail, et qu’il avait déjà fait l’objet d’une exclusion temporaire de fonctions de six mois pour des faits similaires.

🔹Cour administrative d’appel de Nantes, 12 mai 2017  : exclusion temporaire de deux mois d’un responsable de cuisine dont l’état d’ébriété a été constaté à deux reprises (notamment lors d’un repas des aînés ruraux), qui a tenu des propos irrespectueux répétés à l’égard des élus et qui a commis des manquements dans le respect de l’hygiène en cuisine.

🔹Conseil d’État, 12 mars 2010, N° 316969 : révocation d’un agent qui au cours d’une fête alcoolisée s’est rendue coupable d’attouchements sexuels. La circonstance qu’il ait bu et pris des anti-dépresseurs ayant altéré son discernement ne constitue pas une cause d’exonération.

🔹Cour administrative d’appel de Lyon, 19 avril 2011, n° 10LY003883 : révocation justifiée d’une attachée territoriale qui s’est rendue en état d’ébriété au bureau de vote lors d’une élection présidentielle. Peu importe que l’intéressée n’était pas en fonction au moment des faits, ni qu’aucun contrôle d’alcoolémie n’ait été effectué, la matérialité étant suffisamment établie par une attestation du brigadier-chef de la police municipale qui a raccompagné l’intéressée vers la sortie.

Les agents et les élus peuvent aussi engager leur responsabilité pénale en cas de commission d’infractions, notamment lorsqu’ils conduisent des véhicules en état d’ébriété ou sous l’emprise de stupéfiants (ce sont des circonstances aggravantes en cas de poursuites pour homicide et blessures involontaires). Ils sont alors soumis au régime de droit commun. Illustrations :

🔹 Tribunal de correctionnel de Nice, ordonnance pénale, 25 juin 2014

Condamnation d’un fonctionnaire départemental pour conduite en état d’ivresse et excès de vitesse au volant d’un véhicule de service conduit en dehors du service et sans autorisation... Le véhicule a été complètement détruit par la violence du choc. Le fonctionnaire est condamné à 900 euros d’amende, à l’obligation d’accomplir un stage de sensibilisation à la sécurité routière et à une suspension du permis de conduire pour une durée de huit mois. L’autorité territoriale a par ailleurs prononcé la révocation de l’agent. Les juridictions administratives (CAA Marseille, 13 avril 2018, N° 16MA04742) valident la sanction relevant un manquement grave de l’agent à ses obligations professionnelles et ses antécédents (l’agent avait été alerté, à la suite de faits antérieurs similaires, à plusieurs reprises par l’administration sur le caractère fautif de ses agissements, notamment par des notes ainsi que dans ses fiches de notation).

🔹 Tribunal correctionnel du Havre, 1 août 2017

Condamnation d’un policier municipal (commune de moins de 10 000 habitants) pour violences avec arme, par véhicule, à l’encontre d’un livreur dont le véhicule était stationné en partie sur un passage piéton. Le ton était monté après que le contrevenant avait remarqué l’haleine chargée du policier municipal qui avait consommé de l’alcool lors de la pause déjeuner. L’automobiliste verbalisé avait menacé d’appeler la gendarmerie pour venir faire constater l’état d’ébriété du policier. Le jeune livreur s’était placé devant le véhicule pour empêcher le policier de quitter les lieux. Mais le policier municipal ne s’arrêtait pas et le jeune livreur s’était retrouvé sur le capot du véhicule... Il pourra finalement sauter du véhicule en marche 300 mètres plus loin à la faveur d’un ralentissement. La chute lui a occasionné une entorse et une contusion à une épaule. Le policier municipal est condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et à cinq ans d’interdiction d’exercer.

🔹 Tribunal de correctionnel de Bourg-en-Bresse, 1er avril 2021
Condamnation d’un agent (commune de moins de 10 000 habitants) pour menaces et outrage sur plainte de plusieurs élus et agents de la collectivité. Sur son compte Facebook il a nommément désigné des élus et des agents de la commune en les menaçant (soulignant qu’il savait très bien manier une arme) et en les injuriant. Vivant mal son arrêt maladie consécutif à son addiction à l’alcool, il a reconnu les faits expliquant qu’il était alcoolisé lorsqu’il a posté les messages. Il est condamné à six mois d’emprisonnement assortis d’un sursis probatoire de deux ans et à 500€ d’amende. Il devra en outre verser à chacun des neuf plaignants la somme de 300€ pour leur préjudice moral et une somme globale de 750€ pour les frais de justice.

Violences volontaires contre les forces de l’ordre au sens large (dont les policiers municipaux et garde champêtre) et les pompiers

Un nouvel article 222-14-5 est inséré dans le Code pénal visant à réprimer plus sévèrement les violences exercées contre certains fonctionnaires ou militaires. Outre les gendarmes et fonctionnaires de la police nationale sont aussi concernés les policiers municipaux, les garde-champêtres et les sapeurs-pompiers professionnels ou volontaires. Les peines encourues sont alors de :
1° De sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende, si elles ont entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ;
2° De cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, si elles ont entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou si elles n’ont pas entraîné d’incapacité de travail.

Les mêmes peines sont encoures si les violences sont exercées sur leur conjoint, sur leurs ascendants ou leurs descendants en ligne directe ou sur toute autre personne vivant habituellement à leur domicile.

Encore faut-il cependant que la qualité de la victime soit apparente ou connue de l’auteur pour que la circonstance aggravante puisse être retenue.

Répression des refus d’obtempérer et lutte contre les rodéos urbains

Les peines encourues pour un refus d’obtempérer sont doublées pour être portées à deux ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende (article L. 233-1 du code de la route). Elles sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque les faits ont été commis dans des circonstances exposant directement les personnes à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.

Les rodéos urbains sont également plus sévèrement punis :

 Le fait d’adopter, au moyen d’un véhicule, une conduite répétant de façon intentionnelle des manœuvres constituant des violations d’obligations particulières de sécurité ou de prudence prévues par les dispositions législatives et réglementaires du code de la route dans des conditions qui compromettent la sécurité des usagers de la route ou qui troublent la tranquillité publique est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
 Les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 30 000 € d’amende lorsque les faits sont commis en réunion.
 Les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende :
1° Lorsqu’il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire que la personne a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants ou lorsque cette personne a refusé de se soumettre aux vérifications ;
2° Lorsque la personne se trouvait sous l’empire d’un état alcoolique ou lorsque cette personne a refusé de se soumettre aux test de dépistage ;
3° Lorsque le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire exigé par la loi ou le règlement ou que son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu.-
 Les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende en cas de cumul d’au moins deux de ces circonstances.
 Est passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende le fait d’inciter autrui à commettre des rodéos, d’organiser un rassemblement pour en commettre ou d’en faire la promotion.

💥En cas de récidive la peine de confiscation du véhicule sera désormais obligatoirement prononcée sauf décision contraire du juge spécialement motivée. Toujours en cas de récidive l’annulation du permis de conduire est de plein droit, avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis pendant une durée ne pouvant excéder dix ans.

Usage des drones : les polices municipales exclues

L’usage des drones équipées de caméras est possible à des finalités de police administrative pour assurer :
 La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés, en raison de leurs caractéristiques ou des faits qui s’y sont déjà déroulés, à des risques d’agression, de vol ou de trafic d’armes, d’êtres humains ou de stupéfiants, ainsi que la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords immédiats, lorsqu’ils sont particulièrement exposés à des risques d’intrusion ou de dégradation ;
 La sécurité des rassemblements de personnes sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public ainsi que l’appui des personnels au sol, en vue de leur permettre de maintenir ou de rétablir l’ordre public, lorsque ces rassemblements sont susceptibles d’entraîner des troubles graves à l’ordre public ;
 La prévention d’actes de terrorisme ;
 La régulation des flux de transport, aux seules fins du maintien de l’ordre et de la sécurité publics ;
 La surveillance des frontières, en vue de lutter contre leur franchissement irrégulier - Le secours aux personnes.

Les images ne peuvent être recueillies à l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. Lorsque l’emploi de ces dispositifs conduit à visualiser ces lieux, l’enregistrement doit être immédiatement interrompu. Toutefois, lorsqu’une telle interruption n’a pu avoir lieu compte tenu des circonstances de l’intervention, les images enregistrées sont supprimées dans un délai de quarante-huit heures à compter de la fin du déploiement du dispositif, sauf transmission dans ce délai dans le cadre d’un signalement à l’autorité judiciaire, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.

Une demande doit être adressé au préfet de département ou, à Paris, du préfet de police, qui s’assure du respect des règles. Le Conseil constitutionnel a censuré la disposition qui autorisait les forces de l’ordre en cas d’urgence à recourir pendant quatre heures aux drones sans autorisation préalable du préfet.

L’usage de drones est également possible à des finalités judiciaires pour les nécessités d’une enquête ou d’une instruction portant sur les crimes et certains délits (punis d’au moins trois ans d’emprisonnement), sur une personne disparue ou en fuite sur autorisation du procureur de la République ou d’un juge d’instruction.

💥 Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions qui visaient à permettre aux polices municipales d’utiliser à titre expérimental des drones afin d’assurer la sécurité lors des manifestations sportives, récréatives ou culturelles.

Usage de caméras embarquées dans des véhicules : pour les SDIS oui, mais pas pour les polices municipales

 Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection des personnes et des biens, et aux seules fins d’assurer la sécurité de leurs interventions, les agents de la police nationale, les agents des douanes, les militaires de la gendarmerie nationale, les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires des services d’incendie et de secours (SDIS) ainsi que les personnels des services de l’Etat et les militaires des unités investis à titre permanent de missions de sécurité civile peuvent procéder, au moyen de caméras embarquées dans leurs véhicules, embarcations et autres moyens de transport fournis par le service, à un enregistrement de leurs interventions dans des lieux publics lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances ou au comportement des personnes concernées.

 L’enregistrement ne peut être permanent et ne peut être déclenché que lorsque les conditions ci dessus sont réunies. Il ne peut se prolonger au-delà de la durée de l’intervention.

 Les caméras sont fournies par le service et le public est informé, par une signalétique spécifique apposée sur le moyen de transport, que celui-ci est équipé d’une caméra. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas aux véhicules ne comportant pas d’équipements ou de dispositifs de signalisation spécifiques et affectés à des missions impliquant l’absence d’identification du service concerné (véhicules banalisés).

 Un signal visuel ou sonore spécifique doit indiquer si un enregistrement est en cours, sauf si les circonstances de l’intervention l’interdisent.

 Lorsque la sécurité des agents est menacée, les images captées et enregistrées au moyen de caméras embarquées peuvent être transmises en temps réel au poste de commandement du service concerné et aux personnels impliqués dans la conduite et l’exécution de l’intervention.

 Lorsqu’une telle consultation est nécessaire pour assurer la sécurité de leurs interventions ou pour faciliter l’établissement fidèle des faits lors des comptes rendus d’interventions, les personnels participant à l’intervention peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent dans ce cadre. Les caméras sont équipées de dispositifs techniques permettant de garantir l’intégrité des enregistrements jusqu’à leur effacement et la traçabilité des consultations lorsqu’il y est procédé dans le cadre de l’intervention.

 L’autorité responsable doit tenir un registre des enregistrements réalisés pour chaque véhicule, embarcation ou autre moyen de transport équipé d’une caméra. Le registre précise les personnes ayant accès aux images, y compris, le cas échéant, au moyen d’un dispositif de renvoi en temps réel.

 Les caméras embarquées dans les véhicules, embarcations et autres moyens de transport ne peuvent comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale. Ces dispositifs ne peuvent procéder à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisé avec d’autres traitements de données à caractère personnel.

 Hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, les enregistrements comportant des données à caractère personnel sont conservés sous la responsabilité du chef du service dont relève le dispositif embarqué, pendant une durée maximale de sept jours à compter de la fin du déploiement du dispositif, sans que nul ne puisse y avoir accès, sauf pour les besoins d’un signalement dans ce délai à l’autorité judiciaire, sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale.

 Comme pour les drones, les caméras embarquées sont employées de telle sorte qu’elles ne visent pas à recueillir les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées. Lorsque l’emploi de ces caméras conduit à visualiser de tels lieux, l’enregistrement est immédiatement interrompu. Toutefois, lorsqu’une telle interruption n’a pu avoir lieu compte tenu des circonstances de l’intervention, les images enregistrées sont supprimées dans un délai de quarante-huit heures à compter de la fin du déploiement du dispositif, sauf transmission dans ce délai dans le cadre d’un signalement à l’autorité judiciaire, sur le fondement du même article 40.

💥Comme pour l’utilisation des drones, les polices municipales sont exclues du dispositif.

Loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure

[1Photo : Clovis Wood Photography sur Unsplash