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Protection sociale complémentaire dans la fonction publique : de nouveaux droits pour les agents publics

Ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 est relative à la protection sociale complémentaire (PSC) dans la fonction publique

Prise en application de la loi de transformation de la fonction publique (loi n° 2019-828 du 6 août 2019), l’ordonnance n° 2021-175 du 17 février 2021 est relative à la protection sociale complémentaire (PSC) dans la fonction publique. Les employeurs publics seront tenus, comme dans le privé, de financer au moins 50 % de la complémentaire santé des agents publics quel que soit leur statut.

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Depuis le 1er janvier 2016, tous les salariés du privé doivent pouvoir bénéficier d’une mutuelle santé collective d’entreprise. Jusqu’à présent, la loi n’imposait pas aux employeurs publics ni l’obligation de participation, ni le montant de celle-ci.

La mise en place d’une PSC deviendra, entre 2022 et 2026 selon les cas, obligatoire pour tous les employeurs publics, avec certaines dispositions spécifiques pour la fonction publique territoriale.

📊 Selon une enquête IFOP pour la MNT (baromètre réalisé auprès de 301 décideurs représentatifs des collectivités territoriales - directeurs des ressources humaines, directeurs généraux des services et élus -, réalisé du 23 novembre au 7 décembre 2020, selon la méthode des quotas), ce sont respectivement 78% et 66% des collectivités interrogées qui participent déjà au financement, respectivement, de la prévoyance et de la complémentaire santé de leurs agents : pour ces deux risques, ce sont des hausses de 9 et 10 points par rapport à la précédente étude de 2017. Par ailleurs, le montant de cette participation moyenne est en légère augmentation : de 11,40 à 12,20 euros par mois et par agent en prévoyance, de 17,10 à 18,90 euros en santé. Globalement, 76% des décideurs interrogés se positionnaient en faveur d’une participation obligatoire de la part des collectivités à la PSC des agents, une proportion qui n’a pas changé en quatre ans. 97 % des décideurs qui participent se déclarent satisfaits de la procédure de participation qu’ils ont choisie (98 % sont satisfaits en prévoyance, contre 91 % en 2017 ; 96 % sont satisfaits en santé, contre 90 % en 2017).

Quelles sont les nouvelles obligations des collectivités en matière de protection sociale complémentaire santé des agents ?

Les collectivités auront l’obligation de participer, a minima à hauteur de 50 % d’un montant de référence qui sera fixé par décret, au financement des garanties de protection sociale complémentaire destinées à couvrir les frais occasionnés par une maternité, une maladie ou un accident auxquelles souscrivent les agents qu’elles emploient. Ces garanties sont au minimum celles définies au II de l’article L. 911-7 du code de la sécurité sociale à savoir :

1° La participation de l’assuré aux tarifs servant de base au calcul des prestations des organismes de sécurité sociale, prévue au I de l’article L. 160-13 du code de la sécurité sociale pour les prestations couvertes par les régimes obligatoires (prise en charge de l’intégralité du ticket modérateur - soit la part des dépenses de santé qui n’est pas remboursée par l’Assurance maladie - sur les consultations, actes et prestations remboursables par l’assurance maladie, sous réserve de certaines exceptions) ;

2° Le forfait journalier hospitalier en cas d’hospitalisation (article L. 174-4 du code de la sécurité sociale) ;

3° Les frais exposés, en sus des tarifs de responsabilité, pour les soins dentaires prothétiques ou d’orthopédie dentofaciale et pour certains dispositifs médicaux à usage individuel admis au remboursement.

📌Il s’agit là de garanties minimales. Ces garanties peuvent être négociées plus favorablement au sein de chaque collectivité au même titre que la participation de l’employeur : celle-ci ne peut être inférieure à 50 % mais rien n’interdit d’aller au-delà. Elle peut même aller jusqu’à une prise en charge totale. Attention cependant : la part payée par l’employeur au titre des cotisations d’assurance santé doit être incluse dans le revenu imposable des agents ce qui peut avoir des conséquences sur leur tranche d’imposition et sur leur quotient familial. Ces contrats seront éligibles aux mêmes dispositions fiscales et sociales que ceux dont bénéficient les salariés du privé dans des conditions qui ne peuvent être fixées dans l’ordonnance mais qui seront à inscrire en loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale. A condition qu’il y ait eu un accord collectif majoritaire imposant une adhésion obligatoire de l’agent.

La double procédure de participation des employeurs (labellisation et convention de participation), est-elle préservée dans la fonction publique territoriale ?

Oui : l’article 88-2 de la loi du 26 janvier 1984 est modifié afin de conserver par dérogation* le dispositif existant de labellisation dans le versant de la fonction publique territoriale et d’élargir le champ des contrats ou règlements éligibles à la participation financière de l’employeur territorial. Sont éligibles à la participation des collectivités territoriales et de leurs établissements publics les contrats mettant en œuvre les dispositifs de solidarité. Cette condition est attestée par la délivrance d’un label dans les conditions prévues à l’article L. 310-12-2 du code des assurances, ou vérifiée dans le cadre de la procédure de mise en concurrence. Ces contrats sont proposés par les organismes suivants :
1° Mutuelles ou unions relevant du livre II du code de la mutualité ;
2° Institutions de prévoyance relevant du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ;
3° Entreprises d’assurance mentionnées à l’article L. 310-2 du code des assurances.

Afin d’assurer à leurs agents la couverture complémentaire de l’un ou l’autre ou de l’ensemble des risques mentionnés au I de l’article 22 bis de la loi du 13 juillet 1983 , les collectivités territoriales et leurs établissements publics ont la faculté de conclure une convention de participation avec un des ces organismes, à l’issue d’une procédure de mise en concurrence transparente et non discriminatoire permettant de vérifier que les dispositifs de solidarité sont mis en œuvre. Dans ce cas, les collectivités et leurs établissements publics ne peuvent verser d’aide qu’au bénéfice des agents ayant souscrit un contrat faisant l’objet de la convention de participation

*La loi du 13 juillet 1983 modifiée par l’ordonnance (article 22 bis III de la loi) précise que la participation financière des employeurs publics est en principe réservée aux contrats ou règlements à caractère collectif ou individuel sélectionnés au terme d’une procédure de mise en concurrence. Les contrats ou règlements sélectionnés doivent être conformes aux règles des contrats solidaires et responsables prévus par le code de la sécurité sociale et garantissent la mise en œuvre de dispositifs de solidarité entre les bénéficiaires, notamment en faveur des retraités et des familles.
Quelles sont les obligations des collectivités pour la prévoyance des agents ?

Le deuxième alinéa du I du nouvel article 22 bis de la loi du 13 juillet 1983 permet aux employeurs publics de participer au financement de la protection sociale complémentaire en matière de « prévoyance ». C’est une faculté pour l’employeur public "standard" mais une obligation pour les collectivités territoriales qui doivent participer à hauteur a minima de 20 % d’un montant de référence fixé là aussi par décret (à paraître).

Il s’agit de la couverture complémentaire en sus des droits issus du régime de sécurité sociale obligatoire ou du statut des agents publics concernés, des conséquences essentiellement pécuniaires liées aux risques d’incapacité de travail, d’invalidité, d’inaptitude ou de décès des agents publics.

La prévoyance, kézako ❓
En assurance, la prévoyance désigne les contrats et garanties qui couvrent les risques sociaux liés à la personne en cas d’arrêt de travail. Ce dernier peut être temporaire ou définitif notamment : accidents de la vie quotidienne ou maladies causant une incapacité de travail, une invalidité, voire un décès. Quel que soit l’événement, l’intérêt des contrats de prévoyance est d’assurer le maintien des revenus de la personne et de sa famille. En complément de la mutuelle santé, dont le rôle est de compléter le remboursement de la Sécurité sociale uniquement sur la partie soins (après un accident par exemple), la prévoyance permet de venir en aide financièrement à l’assuré dans son quotidien et en compensant notamment les pertes de revenus de l’assuré en cas d’impossibilité de travailler, lui permettant ainsi de maintenir son niveau de vie dans des circonstances difficiles.

Les agents contractuels sont-ils concernés ?

Oui : l’article 1er de l’ordonnance prévoit l’extension de l’application des dispositions du nouvel article 22 bis de la loi de 1983 aux agents contractuels en modifiant l’article 32 de la même loi.
Ce même article dispose que les dispositions du nouvel article 22 bis peuvent être rendues applicables aux agents que les personnes publiques emploient et qui ne relèvent pas du champ d’application de la loi de 1983. La liste de ces agents sera fixée par décret en Conseil d’Etat.

📌Les retraités peuvent souscrire un contrat faisant l’objet d’une convention de participation conclue par leur dernière collectivité ou établissement public d’emploi.

L’adhésion pour les agents au contrat collectif de complémentaire santé pourra-t-elle être rendue obligatoire ?

Oui. L’ordonnance prévoit à la suite d’une négociation collective avec accord majoritaire, la possibilité de mettre en place des contrats collectifs à adhésion obligatoire. En effet lorsqu’un accord majoritaire valide la souscription par un employeur public d’un contrat collectif pour la couverture complémentaire, cet accord peut prévoir la souscription obligatoire des agents à tout ou partie des garanties que le contrat collectif comporte. Des cas de dispense, notamment pour les agents déjà couverts par un contrat ou règlement collectif en qualité d’ayant-droit seront néanmoins fixés dans les décrets d’application.

🙋‍♀️ Une autre ordonnance publiée le même jour (ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021) est précisément relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique. Elle :
 définit les autorités compétentes pour négocier et les domaines de négociation ;
 fixe les modalités d’articulation entre les différents niveaux de négociation ainsi que les conditions dans lesquelles des accords locaux peuvent être conclus en l’absence d’accords nationaux ;
 définit les cas et conditions dans lesquels les accords majoritaires disposent d’une portée ou d’effets juridiques et, le cas échéant, en précisant les modalités d’appréciation du caractère majoritaire des accords, leurs conditions de conclusion et de résiliation et en déterminant les modalités d’approbation qui permettent de leur conférer un effet juridique.
📝 Les décrets d’application en négociation
Les décrets d’application seront cruciaux et devraient être le fruit des négociations avec les partenaires sociaux. La négociation pour la territoriale devrait s’engager dès le mois de mars avec un groupe de travail préparatoire puis un document de méthode. Une seconde réunion, en juin, devrait concerner les textes réglementaires (Complémentaire santé : toutes les questions à régler pour la FPT, Claire Boulland, Gazette des communes, 12 février 2021). Les décrets d’application devront notamment fixer :
1° Les conditions de participation de la personne publique au financement des garanties de protection sociale complémentaire en l’absence d’accord valide ;
2° Les dispositifs de solidarité entre les bénéficiaires mentionnés au III du nouvel article 22 bis de la loi de 1983 et les modalités de prise en compte des anciens agents non retraités ;
3° Les cas de dispense, notamment à l’initiative de l’agent, de l’obligation de souscription lorsque cette modalité d’adhésion au contrat collectif ou au règlement collectif est prévue par un accord majoritaire en application du II du nouvel article 22 bis de la même loi. Sont particulièrement visés par cette disposition les agents déjà couverts par un contrat ou règlement collectif en qualité d’ayant-droit.
Les dispositions réglementaires qui seront prises seront déclinées dans chacune des fonctions publiques afin de tenir compte de leurs spécificités.

Les centres de gestion pourront-ils proposer aux communes des conventions ?

Oui il s’agit même d’une obligation : les centres de gestion doivent conclure, pour le compte des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et afin de couvrir pour leurs agents, au titre de la protection sociale complémentaire des conventions de participation. Comme avant la publication de l’ordonnance, les collectivités doivent donc préalablement mandater les centres de gestion. Ces conventions peuvent être conclues à un niveau régional ou interrégional selon les modalités déterminées par le schéma régional ou interrégional de coordination, de mutualisation et de spécialisation. Mais les collectivités n’auront pas d’obligation d’adhésion à ces conventions et conserveront le choix du conventionnement direct ou de la labellisation.

💬Nouvel article 25-1 de la loi du 26 janvier 1984

« Les centres de gestion concluent, pour le compte des collectivités territoriales et de leurs établissements publics et afin de couvrir pour leurs agents, au titre de la protection sociale complémentaire, les risques mentionnés au I de l’article 22 bis de la loi du 13 juillet 1983 précitée, des conventions de participation avec les organismes mentionnés au I de l’article 88-2 de la présente loi dans les conditions prévues au II du même article. Ces conventions peuvent être conclues à un niveau régional ou interrégional selon les modalités déterminées par le schéma régional ou interrégional de coordination, de mutualisation et de spécialisation mentionné à l’article 14.

Les collectivités et établissements publics peuvent adhérer aux conventions mentionnées à l’alinéa précédent pour un ou plusieurs des risques que ces conventions sont destinées à couvrir, après signature d’un accord avec le centre de gestion de leur ressort. »

Quelles sont les échéances pour l’entrée en vigueur de ces nouvelles obligations dans la fonction publique territoriale ?

📅 Le 1er janvier 2025 pour la prévoyance.
📅 Le 1er janvier 2026 pour la complémentaire santé.

En tout état de cause, afin de préserver les situations juridiquement constituées, et notamment les conventions de participation en cours (uniquement celles qui sont en cours au 1er janvier 2022), les dispositions de l’ordonnance ne sont applicables aux employeurs publics qu’au terme des conventions en cours qu’ils ont le cas échéant conclues.

🚨Le nouvel article 88-4 de la loi de 1984 prévoit la tenue d’un débat sur les garanties de protection sociale complémentaire dans les six mois qui suivent le renouvellement général des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics. En ce qui concerne les nouvelles assemblées élues, ce délai ne pouvait être tenu. C’est pourquoi l’ordonnance prévoit que les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics doivent organiser un débat sur la protection sociale complémentaire dans le délai d’un an à compter de la publication de l’ordonnance soit avant le 18 février 2022.

Ordonnance n° 2021-174 du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique

🗣Le rapport

[1Photo : Deniz Altindas sur unsplash