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Transfert automatique des pouvoirs de police aux présidents des EPCI : modalités et droit d’opposition des maires

Dernière mise à jour le 07/10/2020

Dans un certain nombre de domaines, l’exercice d’une compétence par un EPCI à fiscalité propre entraîne un transfert automatique des pouvoirs de police correspondants. Sauf opposition du maire dans un délai de six mois suivant l’élection du président de l’EPCI. La loi du 22 juin 2020 et l’ordonnance du 16 septembre 2020 ont apporté quelques modifications en la matière.

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Le président de l’EPCI peut-il exercer le pouvoir de police si la commune n’exerce pas la compétence correspondante ?

Non. Le transfert des pouvoirs de police au président de l’EPCI n’est possible que pour autant que la compétence est exercée par l’établissement public de coopération intercommunale. Le maire reste donc titulaire de ses pouvoirs de police pour toutes les compétences qui ne sont pas exercées par l’intercommunalité, sous réserve des pouvoirs de police spéciale qui peuvent appartenir dans certains cas au préfet.

🛑 Une atténuation à cette règle est prévue par l’article L5217-3 du CGCT : le président d’une métropole (tous les EPCI ne sont donc pas concernés) est compétent pour exercer le pouvoir de police (circulation et stationnement) sur les voies intercommunales hors agglomération, à l’image du droit applicable pour les routes départementales (compétence du président du conseil départemental hors agglomération).

Dans quels domaines le transfert des pouvoirs de police est-il automatique ?

Dans six domaines, dès lors que l’intercommunalité exerce une compétence, le pouvoir de police du maire corrélatif est transféré automatiquement au président de l’EPCI :

🔸 police de l’assainissement (compétence assainissement) ;

🔸 police des déchets ménagers (compétence de la collecte des déchets ménagers) ;

🔸 police de l’accueil et de l’habitat des gens du voyage (compétence de réalisation d’aires d’accueil ou de terrains de passage des gens du voyage) ;

🔸 circulation et du stationnement (compétence voirie) ;

🔸 délivrance des autorisations de stationnement sur la voie publique aux exploitants de taxi (compétence voirie) ;

🔸 police des bâtiments menaçant ruine, de la sécurité des ERP à usage d’hébergement et de la sécurité des occupants d’immeubles collectifs à usage d’habitation (compétence habitat).

📌 Quand l’EPCI exerce la compétence voirie, le président de l’EPCI exerce la police de la circulation et du stationnement sur l’ensemble des voies publiques, qu’elles soient communales ou intercommunales, reconnues ou non d’intérêt communautaire à l’intérieur et à l’extérieur des agglomérations.

Le transfert de la délivrance des autorisations de stationnement aux exploitants de taxi est distinct de celui de la police du stationnement et de la circulation, bien qu’il soit nécessaire dans les deux cas que la compétence voirie soit exercée par l’intercommunalité. Cela signifie qu’en exerçant son droit d’opposition au transfert un maire peut décider de conserver l’une ou l’autre de ces deux prérogatives.

Le président d’un syndicat de communes peut-il exercer le pouvoir de police correspondant à la compétence exercée par le groupement ?

En principe non : le transfert des pouvoirs de police n’est envisagé que pour les seuls EPCI à fiscalité propre. Une dérogation est prévue pour les groupements de communes compétents en matière de collecte des déchets ménagers. Ainsi le président d’un syndicat de communes compétent pour la collecte des déchets ménagers exerce automatiquement le pouvoir de police corrélatif sauf opposition dans les délais d’un ou plusieurs maires des communes membres de groupement. Depuis la loi du 10 février 2020 relative à l’économie circulaire, les membres du groupement de communes peuvent aussi (transfert facultatif) décider de transférer au président du groupement, les pouvoirs de police relatifs à lutte contre les dépôts sauvages de déchets (article L. 541-3 du code de l’environnement).

Le maire peut-il s’opposer au transfert des pouvoirs de police dans les domaines où le transfert est automatique ?

Oui dans le délai de six mois qui suit l’élection du président de l’EPCI ou du groupement de communes (s’agissant des pouvoirs de police relatifs aux déchets).
Si le prédécesseur du président de l’EPCI exerçait le pouvoir de police pour lequel le maire s’oppose au transfert, la notification de l’opposition au nouveau président de l’établissement public de coopération intercommunale (même si le président sortant est reconduit dans ses fonctions) ou du groupement de collectivités territoriales met fin au transfert.

🛑 Attention :
 si le maire décide de conserver le pouvoir de police, il accepte aussi indirectement d’endosser les responsabilités corrélatives pour une compétence qui est exercée par l’intercommunalité ;
 le pouvoir d’opposition d’un maire ouvre un droit à renonciation du président de l’EPCI qui peut décider de ne pas exercer son pouvoir de police pour l’ensemble des communes membres.

Le conseil municipal doit-il délibérer si le maire souhaite s’opposer au transfert des pouvoirs de police au président de l’EPCI ?

Non : le pouvoir de police est une compétence propre du maire sur laquelle le conseil municipal n’a pas à interférer. En pratique le maire doit prendre un arrêté pour formaliser son opposition et le notifier au président de l’EPCI. Il doit publier l’arrêté et le transmettre au contrôle de la légalité. Le maire peut s’opposer en bloc à tout transfert des pouvoirs de police ou choisir "à la carte" les pouvoirs de police qu’il entend conserver bien que la compétence soit exercée par l’intercommunalité.

Le président de l’EPCI peut-il s’opposer au transfert des pouvoirs de police ?

Oui dans un délai de 7 mois à compter son élection dès lors qu’un ou plusieurs maires se sont opposés au transfert de police. Le président doit alors notifier sa décision (régulièrement publiée et transmise en préfecture) à l’ensemble des maires des communes membres sa renonciation. Dans ce cas, le transfert des pouvoirs de police n’a pas lieu ou, le cas échéant, prend fin à compter de cette notification, sur l’ensemble du territoire de l’établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales. Et ce y compris dans les communes où le maire ne s’était pas opposé au transfert.

🛑 Depuis la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 (article 11) l’élection du nouveau président ne déclenche plus le transfert automatique des pouvoirs de police spéciale à son profit. La loi institue désormais une période transitoire dans l’exercice des pouvoirs de police en décalant la date du transfert automatique 6 mois après l’installation du conseil communautaire. Mais si le pouvoir de police était exercé par l’ancien président de l’EPCI, il continue de l’être par le nouveau sauf opposition d’un ou plusieurs maires. Deux hypothèses doivent donc être distinguées :
 ou bien le pouvoir de police était déjà exercé à l’échelon intercommunal, et il continue de l’être après l’élection du nouveau président de l’EPCI sauf pour les communes où le maire exerce son droit d’opposition ;
 ou bien le pouvoir de police n’était jusqu’ici pas exercé par le président de l’intercommunalité, auquel cas le transfert (dans les 6 domaines visés et uniquement si la compétence corrélative est exercée par l’EPCI) ne sera effectif que six mois après l’installation du nouveau conseil communautaire.
Dans les deux hypothèses, à la fin de cette période de 6 mois, face à l’opposition d’un ou plusieurs maires, le président dispose d’un délai d’un mois pour notifier sa renonciation aux maires pour le transfert de l’exercice des pouvoirs de police.

Le maire est-il dessaisi de toute prérogative si le pouvoir de police est transféré ?

Non. Le maire reste toujours titulaire de son pouvoir de police générale (article L2212-2 du code général des collectivités territoriales) et peut prendre les mesures de police rendues nécessaires par un danger grave et imminent. En effet l’exercice par une autre autorité (préfet ou président d’EPCI) d’un pouvoir de police spéciale, ne dessaisit pas le maire de son pouvoir de police générale en cas de situation d’urgence.

📌Le maire doit être informé des mesures de police prises par le président de l’EPCI : lorsque le président de l’établissement public de coopération intercommunale prend un arrêté de police, il doit le transmettre pour information aux maires des communes concernées « dans les meilleurs délais ».

Le conseil communautaire peut-il décider un transfert de pouvoirs de police dans d’autres domaines pour ceux où le transfert est automatique ?

Oui dans trois hypothèses :

🔸 sécurité des manifestations culturelles et sportives organisées dans des établissements communautaires ;

🔸 défense extérieure contre l’incendie ;

🔸 la police de la lutte contre les dépôts sauvage de déchets (depuis la loi du 10 février 2020).

Le transfert est alors décidé par arrêté du ou des représentants de l’Etat dans le ou les départements concernés, après accord de tous les maires des communes membres et du président de l’établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités. Il y est mis fin dans les mêmes conditions. Dans les communautés urbaines, une majorité qualifiée suffit pour pouvoir opérer ce transfert : il faut alors une majorité des deux tiers au moins des maires de communes membres dont la population représente plus de la moitié de la population totale, ou de la moitié des maires de communes membres dont la population représente plus des deux tiers de la population totale.

Qu’est-ce que change l’ordonnance du 16 septembre 2020 ?

L’ordonnance du 16 septembre 2020 modifie les pouvoirs du maire et du président de l’EPCI en matière de police de l’habitat à compter du 1er janvier 2021 (voir ici pour une présentation de cette réforme). L’ordonnance réduit pour la police de l’habitat la possibilité pour le président de l’EPCI de renoncer à l’exercice du pouvoir de police : dans ce domaine (à compter du 1er janvier 2021) cette faculté de renonciation ne sera possible que si au moins la moitié des maires des communes membres se sont opposés au transfert de plein droit, ou si les maires s’opposant à ce transfert représentent au moins la moitié de la population de l’établissement. Dans les cinq autres domaines de transfert automatique, l’opposition d’un seul maire suffit toujours pour autoriser le président de l’EPCI à renoncer à l’exercice de son pouvoir de police.

[1Photo : Anton Ivanchenko sur Unsplash