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Loi ALUR, quelques chiffres et des lettres...

Par Pierre VILLENEUVE, Directeur des affaires juridiques, de l’évaluation et du contrôle interne, Vice-président de l’Association Nationale des Juristes Territoriaux (ANJT)

ALUR : quatre lettres pour une triple ambition, favoriser l’accès au logement, lutter contre l’habitat indigne et rénover l’urbanisme. En partenariat avec la Revue Lamy des Collectivités Territoriales, retrouvez une analyse de Pierre Villeneuve.

Quelques chiffres : 177 articles, 169 pages au Journal officiel
du 25 mars 2014, plus de 100 décrets annoncés. Des
lettres : PLU, PLUI, SCOT, ZAC, COS, DAC, PIM, EPFR...
le droit de la construction et de l’urbanisme recèle de nombreux
acronymes comme autant de mystères renvoyant à sa complexité
et à son aridité.

ALUR, quatre lettres pour une triple ambition, favoriser l’accès au
logement, lutter contre l’habitat indigne et rénover l’urbanisme.
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un
urbanisme rénové, dite « loi ALUR », vient parachever – provisoirement
– l’édifice législatif initié depuis l’été 2013.

Sur la base d’une habilitation législative – loi n° 2013-569 du 1er juillet
2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature
législative pour accélérer les projets de construction –, le Gouvernement
adoptait à l’automne dernier plusieurs ordonnances
visant à favoriser le développement de logement en permettant au
cas par cas de déroger aux règles du plan local d’urbanisme (PLU)
ainsi qu’aux règles de densité de construction [1].
Bien que présentée et construite comme l’aboutissement de ce
cycle législatif sur le volet rénovation de l’urbanisme, la loi ALUR
nécessitera pour les collectivités territoriales d’incessants allers-retours
entre le Code général des collectivités territoriales et le Code
de l’urbanisme, afin d’appréhender autant que possible les effets
annoncés de cette rénovation sur le champ de leurs compétences
ou domaines d’interventions.

La mise en place d’un Plan local d’Urbanisme Intercommunal
(PLUI) confirme si besoin était l’émergence du phénomène intercommunal
qui, après la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation
de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles
concurrence plus fortement encore l’échelon communal
 [2]. Les communes
verront in fine leurs compétences réduites à l’expression d’un droit
de véto au transfert intercommunal du PLU (25 % des communes
représentant 20 % de la population).

L’enchevêtrement des différents outils de planification urbaine
(SCOT, PLU, carte communale) conduit à une nouvelle hiérarchie
des documents d’urbanisme pour laquelle l’intervention de l’État
apparaît en filigrane avec l’exigence de compatibilité du schéma
de cohérence territoriale (SCOT) au schéma des carrières élaboré
par le préfet de région.

La question des réserves foncières ne manquera pas de susciter
des superpositions de périmètres entres les établissements publics
fonciers d’État et locaux comme en témoigne l’article 68 de la loi
permettant à l’État de créer un établissement public foncier dont le
périmètre est susceptible de se confondre avec celui d’un établissement
public foncier local créé avant la loi du 26 juin 2013.

Signe d’un examen hâtif, la réforme de l’urbanisme commercial est
esquissée alors même que le projet de loi relatif à l’artisanat, au
commerce et aux très petites entreprises est en cours d’examen
 [3]. Ainsi, la création de
« Drive » est désormais soumis au régime des autorisations d’exploitation
commerciales parallèlement à la suppression du document
d’aménagement commercial au sein des SCOT.

La dimension environnementale n’est pas absente de la loi ALUR,
qu’il s’agisse du coefficient de biotope, de la revitalisation en zone
naturelles des anciennes zones à urbaniser (zones « AU » au sein du
PLU) ou du traitement des sols pollués.

Le sentiment de perplexité et de complexité envahit le lecteur
comme le juriste devant l’avalanche des modifications ou ajustements
induits aux compétences des collectivités territoriales. Plus
que tout autre, le juriste territorial devra attirer l’attention [4] des nouvelles équipes
municipales et communautaires sur la rénovation des règles d’urbanisme
conduisant à une application progressive mais irréversible
des nouveaux documents d’urbanisme [5].

Parmi les pistes d’amélioration et de modernisation de l’action publique,
celle de la simplification du droit de l’urbanisme attendra
encore un peu.

Le sommaire de la Revue Lamy des Collectivités Territoriales d’avril 2014

[1Ord. n° 2013-888,
3 oct. 2013, relative à la procédure intégrée pour le logement ;
Ord. n° 2013-889, 3 oct. 2013, relative au développement de la
construction de logement ; Ord. n° 2013-890, 3 oct. 2013, relative
à la garantie financière en qualité de vente en l’état de futur
achèvement (VEFA)

[2Aubelle V., L’étrange défaite de la politique, où la métropole
qui oublie la métropolisation, RLCT 2014/100, n° 2679, Pintre S.,
De l’audace pour la décentralisation !, RLCT 2014/100, n° 2678,
Aveline A. et Goutal Y., Loi MAPAM et Métropole : le diable se
niche dans les détails, RLCT 2014/100, n° 2675

[3Projet de loi Sénat n° 376, 16 avr. 2014

[4lire
Villeneuve P., Loi ALUR : quelles perspectives pour les collectivités
territoriales ?, p. 27 de ce numéro

[5Traoré S., Les documents
d’urbanisme, Lamy Axe Droit, Éd. Lamy, 2012