Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Le décret du 25 août 2011 : ce qui change pour les collectivités territoriales… et les autres

Par Jean- Pierre Jouguelet

En partenariat avec la Revue Lamy des Collectivités Territoriales, retrouvez l’éditorial de Jean- Pierre Jouguelet, Conseiller d’État.

Le décret n° 2011-1000 du 25 août 2011 modifiant certaines dispositions applicables aux marchés et contrats relevant de la commande publique mérite de retenir l’attention des responsables des collectivités territoriales, de leurs établissements publics mais aussi des entreprises à au moins trois titres.

Tout d’abord, le décret vise, dans le respect des principes de la commande publique, à permettre un meilleur accès des petites entreprises et des PME innovantes aux marchés passés par les collectivités territoriales et leurs établissements publics.

L’article 18 du décret vient compléter la liste des critères de sélection de l’offre économiquement la plus avantageuse en ajoutant un critère tiré des performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture.

Ce critère dit du « circuit court » qui repose sur une limitation du nombre de transactions précédant la livraison du bien ou la réalisation
du service et qui concernera en premier lieu la restauration collective s’ajoute donc aux critères qui ne sont pas directement économiques comme ceux relatifs aux performances en matière de protection de l’environnement ou aux performances en matière d’insertion professionnelle des publics en difficulté.

L’utilisation de ce critère qui doit être suffisamment lié à l’objet du marché, ne devra pas être discriminatoire. Ce qui invite donc les pouvoirs adjudicateurs à effectuer une pondération suffisante de ce
critère de façon à ce qu’il ne soit pas utilisé comme un droit de préférence en faveur des petits producteurs.

L’article 17, qui complète le III de l’article 51 du Code des marchés publics, autorise, pour les accords cadres et les marchés à bons de commande, la présentation d’une offre par un groupement conjoint alors
que chaque membre de ce groupement ne peut indiquer que la répartition des prestations qu’il peut effectuer, puisque le montant des prestations dépend des décisions que prendra le pouvoir adjudicateur
en cours d’exécution du marché. Avant cette modification, l’offre ne pouvait être faite que par un groupement solidaire, ce qui avait pour effet de dissuader des PME de participer à ce groupement en
raison de la solidarité financière entre ses membres.

L’article 16 permet par ailleurs, en modifiant le III de l’article 50, lorsque le règlement de la consultation rend possible de présenter des variantes, de ne pas présenter d’offre de base. Ceci afin de permettre aux entreprises innovatrices de présenter leur candidature alors même qu’elles n’ont pas les moyens de proposer une offre de base.

En outre, l’exécution des marchés est simplifiée. L’article 5 du décret modifie l’article 16 du Code des marchés publics relatif aux marchés reconductibles en prévoyant que, sauf stipulation contraire, la reconduction du marché est tacite et que le titulaire ne peut s’y opposer. Ceci pour lever l’incertitude qui existait en pratique en cas de négligence du pouvoir adjudicateur : si le texte dans sa rédaction
précédente exigeait une décision écrite de reconduire ou pas le marché, bien souvent le silence du pouvoir adjudicateur était interprété par les deux parties comme reconduisant le marché.

L’article 6 du décret a réécrit l’article 18 du Code des marchés publics pour préciser que l’actualisation du prix en cas de marchés à tranches conditionnelles, est opérée aux conditions économiques observées
trois mois avant le début d’exécution de la tranche, alors que le Conseil d’État avait jugé dans une décision, « Société 2 h Énergie » (CE, 18 nov. 2009, n° 311179) que cette actualisation ne s’appliquait
que jusqu’à la première date de mise en exécution du marché. Par ailleurs le même article a précisé les conditions de révision des prix des marchés de travaux qui nécessitent le recours à une part importante
de fournitures dont les prix dépendent des fluctuations des cours mondiaux.

Les délais de paiement des marchés publics des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, à l’exception des établissements publics de santé, ont été alignés sur ceux de l’État, le décret
marquant ainsi la fin de la période d’adaptation ouverte par les dispositions de l’article 98 du Code des marchés publics.

Enfin, le décret a ouvert un nouveau cas de recours au marché de conception-réalisation lorsqu’un engagement contractuel sur le niveau d’amélioration de l’efficacité énergétique rend nécessaire l’association de l’entrepreneur aux études de l’ouvrage, traduisant ainsi une exigence de Grenelle 1.

Il a aussi introduit dans le Code des marchés publics un nouvel article 73 consacré aux contrats globaux de performance. Il s’agit d’une des principales innovations prévues par ce décret. Ces marchés comportent des engagements de performance mesurables. Il peut s’agir de « performance énergétique », mais aussi comme le mentionne le décret de façon non exhaustive, des objectifs de performance en termes de niveau d’activité, de qualité de service ou d’incidence écologique. ◆


Découvrez le sommaire de la dernière livraison de la revue Lamy des collectivités territoriales