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Agent tué par arme à feu sur la voie publique : meurtre imputable au service ?

Tribunal administratif de Montpellier, 29 avril 2021 n° 1904412

Le décès d’un agent pendant son service, tué par arme à feu sur la voie publique, est-il imputable au service bien que le meurtrier ait choisi ses cibles au hasard ?

Oui : la circonstance que l’agresseur n’ait pas ciblé la victime en raison de sa qualité d’employé municipal est sans incidence. L’agent ayant été tué sur son lieu de service et pendant son temps de service, il s’agit bien d’un "accident imputable au service". L’imputabilité au service ne peut être contestée que si l’agression est due à un fait détachable du service telle qu’une initiative personnelle de l’agent pouvant être regardée comme détachable du service. Tel n’étant pas le cas en l’espèce, les parents de la victime sont fondés à soutenir que le décès de leur fils présente le caractère d’un accident de service. En l’espèce le tireur, avait d’abord tiré au fusil de chasse sur sa maîtresse et sa cousine, avant de tuer au hasard trois hommes dans le centre-ville, dont deux employés municipaux.

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Un agent territorial affecté aux services techniques d’une commune des Pyrénées-Orientales est mortellement blessé par arme à feu alors qu’il était en service. Son agresseur, qui, le même jour, a tué deux autres personnes et en a blessé grièvement deux autres, est reconnu coupable de meurtre et condamné définitivement à une peine de trente ans de réclusion criminelle, par un arrêt de la cour d’assises de l’Aude en date du 28 septembre 2018.

Les parents de l’agent demandent au maire de reconnaître que le décès de leur fils est imputable à un accident de service. Le maire refuse de faire droit à leur demande soulignant que si l’agent était bien en service au moment du drame, il n’avait pas été ciblé en raison de ses fonctions. En effet le tireur, avait d’abord tiré au fusil de chasse sur sa maîtresse et sa cousine, avant de tuer au hasard trois hommes dans le centre-ville, dont deux employés municipaux.

L’occasion pour le tribunal administratif de Montpellier de rappeler les conditions d’imputabilité au service d’un accident :

« Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d’une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l’absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet accident du service, le caractère d’un accident de service »

Ainsi une agression d’un agent public pendant son service constitue en principe un fait de service. L’imputation au service ne peut être contestée que si l’agression est due à un fait détachable du service telle qu’une initiative personnelle de l’agent pouvant être regardée comme détachable du service.

Or en l’espèce l’agression mortelle qui a coûté la vie à l’agent territorial s’est déroulée sur la voie publique alors qu’il effectuait son service. De fait la commune ne conteste pas que l’agression s’est déroulée sur le lieu et dans le temps de service de l’agent. Il n’est pas davantage contesté que la victime n’a commis aucune faute personnelle. Peu importe ainsi que la qualité d’employé municipal n’ait pas constitué l’un des motifs de l’agression et que le tireur ait choisi ses cibles au hasard. Cette circonstance ne suffit pas à détacher cet "accident" du service.

« Dans ces conditions, les requérants sont fondés à soutenir que le décès de leur fils présente le caractère d’un accident de service. »

La demande en réparation du préjudice moral (5000 euros) n’est pour autant satisfaite, faute pour les parents de la victime d’avoir préalablement présenté une demande en ce sens à la commune comme l’exige l’article R. 421-1 du code de justice administrative.

💥Ce drame n’est pas sans rappeler un autre survenu à un cantonnier d’une commune du Puy-de-Dôme (commune de moins de 300 habitants) qui avait été grièvement blessé par un tir à bout portant avec un fusil de chasse par un administré mécontent et alcoolisé. L’agresseur, condamné à onze ans de réclusion criminelle, était insolvable et ne pouvait indemniser l’agent. D’où l’intervention du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) qui, après avoir réglé l’addition (plus de 300 000 euros) s’était retourné contre la commune au titre de la protection fonctionnelle. Le tribunal administratif (Tribunal administratif Clermont-Ferrand, 22 septembre 2016, N° 1500537) avait validé le principe de cette action tout en soulignant que la nature et l’étendue des réparations incombant à une collectivité publique ne dépendant pas de l’évaluation du dommage faite par l’autorité judiciaire dans un litige auquel elle n’a pas été partie, mais doivent être déterminées par le juge administratif compte tenu des règles relatives à la responsabilité des personnes morales de droit public, indépendamment des sommes qui ont pu être exposées par le requérant à titre de provision, d’indemnité ou d’intérêts. En l’espèce la commune avait été condamnée à verser à verser 148894,56 euros sur les 314298,08 euros réclamés par le FGTI.

Tribunal administratif de Montpellier, 29 avril 2021 n° 1904412 (PDF)

[1Photo : Daniel ODonnell sur Unsplash