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La jurisprudence de la semaine du 15 au 19 décembre 2014

Elections / Hygiène et sécurité au travail /Marchés publics, DSP et contrats / Urbanisme / Voirie

(Dernière mise à jour le 30/01/2015)

Elections

 Une file d’attente particulièrement longue pour pouvoir voter (imposant un délai d’attente de 40 à 60 minutes) peut-elle être de nature à altérer la sincérité du scrutin ?

Oui eu égard au nombre élevé d’électeurs concernés et au faible écart de voix (75 dans le cas présent) qui a séparé les deux listes qui s’étaient présentées. En l’espèce l’affluence des électeurs a conduit, tout au long des opérations de vote, à rendre particulièrement longue l’attente pour accéder au deuxième bureau de vote de la commune. Pour ce motif, le scrutin n’a été déclaré clos, dans ce bureau, qu’à 20 heures au lieu de 18 heures. La file d’attente qui s’est formée, dès le début de la matinée, s’étendait non seulement à l’intérieur de ce bureau de vote, où il a été nécessaire de la cantonner par le recours à des barrières métalliques, mais aussi à l’extérieur des locaux. Du fait de la configuration des lieux et du climat général des opérations électorales résultant de la durée de l’attente, de très nombreux électeurs se sont faire remettre des bulletins de vote et des enveloppes par des tiers, ou ont inséré leurs bulletins dans les enveloppes en dehors des isoloirs soit qu’en raison de la file d’attente qui barrait l’accès à ces derniers, ils n’ont pu matériellement y accéder, soit qu’ils aient renoncé à atteindre ces isoloirs par crainte de devoir reprendre, depuis le début, la file d’attente dont il n’est pas contesté qu’elle imposait un délai de 40 à 60 minutes au moins selon les phases de la journée.

Conseil d’État, 19 décembre 2014, N° 382835

Hygiène et sécurité au travail

 Un conducteur de travaux qui a élaboré un plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PSPS) incomplet et inadéquat peut-il engager la responsabilité pénale de son entreprise en cas d’accident ?

Oui : les salariés d’une société titulaires d’une délégation de pouvoirs en matière d’hygiène et de sécurité, et comme tel investis dans ce domaine de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires à l’exercice de leur mission, sont des représentants de la personne morale au sens de l’article 121-2 du code pénal et engagent la responsabilité de celle-ci en cas d’atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité physique trouvant sa cause dans un manquement aux règles qu’il étaient tenus de faire respecter en vertu de leur délégation.
Une entreprise peut ainsi être déclarée coupable de blessures involontaires à la suite d’un accident du travail subi par un salarié intérimaire ayant fait une chute sur un chantier de l’entreprise depuis une passerelle qui n’était pas destinée au levage des personnes et était élinguée par une grue. En effet le conducteur de travaux et le chef de chantier, titulaires de délégations de pouvoir en matière d’hygiène et de sécurité, avaient l’un, manqué à ses obligations en élaborant un plan particulier de sécurité et de protection de la santé incomplet et inadéquat, ne correspondant pas aux moyens disponibles sur le chantier et l’autre, commis une faute de négligence en ne s’assurant pas de la faisabilité de ce plan sur place et de la bonne utilisation du matériel mis à disposition du personnel. De tels manquements caractérisent à la charge de la société poursuivie une faute d’imprudence et de négligence, commise pour son compte par ses représentants et en lien causal avec le dommage subi par la victime.

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 décembre 2014,
N° 13-87342

 Un élu local ou un fonctionnaire territorial peut-il être poursuivi du chef de prise illégale d’intérêts pour des ingérences remontant à plus de trois ans et alors même qu’il n’est plus en fonction ?

Oui si les faits qui lui sont reprochés ont été commis clandestinement et qu’il ont été découverts tardivement. En effet « si le délit de prise illégale d’intérêts se prescrit à compter du jour où la participation a pris fin, le délai de prescription de l’action publique ne commence à courir, en cas de dissimulation destinée à empêcher la connaissance de l’infraction, qu’à partir du jour où celle-ci est apparue et a pu être constatée dans des conditions permettant l’exercice des poursuites ». Appliquée ici à un professeur d’université ayant fourni des prestations de conseil rémunérées à un groupe pharmaceutique alors qu’il était dans le même temps président de la commission d’autorisation de mise sur le marché de l’Agence française de sécurité sanitaire du médicament, cette jurisprudence est naturellement transposable aux élus locaux et aux fonctionnaires territoriaux : quand bien même ceux-ci ne seraient plus en fonction, ils peuvent être rattrapés par leur passé s’ils se sont rendus coupables d’actes irréguliers qui ont été dissimulés ou accomplis de manière occulte.

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 décembre 2014, N° 14-82939

 La commune peut-elle être tenue d’indemniser la victime d’un accident survenu lors d’un feu d’artifice alors que c’est le maire qui a été personnellement condamné au pénal pour blessures involontaires ?

Oui. La circonstance que le maire ait été condamné au pénal (prison avec sursis et amende) en raison des blessures causées à des spectateurs d’un feu d’artifice organisé par la municipalité ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de la commune soit recherchée devant le juge administratif au titre des fautes commises par le maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police. En l’espèce la délimitation de la zone de tir par un ruban n’est pas jugée suffisante pour assurer la sécurité du public. Des barrières de sécurité auraient dû être installées pour délimiter le périmètre de sécurité fixé par arrêté du maire à une distance minimale de 150 mètres de la zone de tir. Le fait que la victime, grièvement blessée à l’œil par la chute d’une fusée non allumée, se trouvait à l’intérieur de ce périmètre, ne constitue pas dans ces circonstances, une imprudence fautive de nature à exonérer la commune, même partiellement, de sa responsabilité.

Cour administrative d’appel de Lyon, 18 décembre 2014, n° 12LY22281

Marchés publics, DSP et contrats

 Une collectivité est-elle tenue, en cas de rupture d’une délégation de service public, par les engagements contractuels pris par le délégataire auprès d’usagers ?

Oui mais sous réserve que les engagements pris par le délégataire sont raisonnables au regard notamment de leur objet, de leurs conditions d’exécution ou de leur durée. Dans le cas contraire, la personne publique n’est pas liée par les contrats, sauf à ce qu’elle ait donné préalablement son accord à leur conclusion dans le respect de la réglementation applicable.

Conseil d’État, 19 décembre 2014, N° 368294


Urbanisme

 La démolition de constructions illégales peut-elle être ordonnée bien qu’une autorisation ait été délivrée postérieurement à l’achèvement des travaux ?

Non : lorsqu’une construction a été irrégulièrement édifiée sans autorisation, la délivrance ultérieure d’une autorisation, si elle ne fait pas disparaître l’infraction consommée, fait obstacle à une mesure de démolition ou de remise en état des lieux, tant qu’elle n’a pas été annulée. Ainsi une cour d’appel ne peut ordonner la démolition de chalets édifiés par une association dans le parc résidentiel de loisirs qu’elle a créé sans avoir obtenu les autorisations requises, après avoir constaté qu’un arrêté autorisant la création du parc résidentiel de loisirs comportant quinze habitations légères de loisirs avait été pris alors que les travaux étaient achevés depuis plus de deux ans.

Cour de cassation, chambre criminelle, 16 décembre 2014,
N°13-86482

Voirie

 La circonstance qu’un pont ne soit pas équipé de glissières de sécurité suffit-elle à engager la responsabilité de la collectivité propriétaire de l’ouvrage en cas d’accident ?

Non dès lors que la configuration des lieux ne présente aucun danger particulier. Ainsi en l’espèce un département n’est pas jugé responsable de la mort par noyade d’une automobiliste et de sa fille, après que le véhicule dans lequel elles se trouvaient ait dévié de sa trajectoire et franchi le garde-corps métallique du pont. En effet l’accident s’est produit sur une portion de chaussée en ligne droite, suffisamment large et ne marquant aucun rétrécissement, dont le bas côté d’une largeur d’un mètre comporte un trottoir et une barrière métallique. A supposer même que la présence d’une telle glissière de sécurité eut été de nature à prévenir la chute du véhicule (ce qui reste à démontrer dès lors que le véhicule s’est dirigé vers le garde-corps sans freiner), le département propriétaire de l’ouvrage ne saurait engager sa responsabilité.

Tribunal administratif de Nîmes, 18 décembre 2014, N° 130078


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[1Photo : © Treenabeena