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La jurisprudence de la semaine du 4 au 8 octobre 2010

Retrouvez une sélection de décisions de justice intéressant les collectivités territoriales et les associations

(dernière mise à jour le 28/04/2011)

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Jurisprudence constitutionnelle

 Adoption : l’impossibilité pour les couples homosexuels d’adopter un enfant est-elle discriminatoire ?

Non :

 "le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit" ;

 l’impossibilité dénoncée [2] "ne fait aucunement obstacle à la liberté du parent d’un enfant mineur de vivre en concubinage ou de conclure un pacte civil de solidarité avec la personne de son choix" et "ne fait pas davantage obstacle à ce que ce parent associe son concubin ou son partenaire à l’éducation et la vie de l’enfant" ;

 "le droit de mener une vie familiale normale n’implique pas que la relation entre un enfant et la personne qui vit en couple avec son père ou sa mère ouvre droit à l’établissement d’un lien de filiation adoptive".

 il n’appartient pas au Conseil Constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur qui a estimé "que la différence de situation entre les couples mariés et ceux qui ne le sont pas pouvait justifier, dans l’intérêt de l’enfant, une différence de traitement quant à l’établissement de la filiation adoptive à l’égard des enfants mineurs".

Décision n° 2010-39 QPC du 6 octobre 2010 NOR : CSCX1025572S


 Les dispositions du code de l’urbanisme permettant aux commune d’intégrer dans le domaine public les voies privées ouvertes à la circulation publique sont-elles conformes à la Constitution ?

Oui dès lors qu’un tel transfert suppose que le propriétaire ait préalablement accepté à l’usage public de son bien et ait ainsi renoncé à son usage purement privé

Conseil Constitutionnel, 6 octobre 2010, Décision n° 2010-43 QPC


 Une association peut-elle se retourner contre l’Etat pour obtenir le remboursement des indemnisations versées aux victimes des infractions commises par les mineurs qui lui sont confiés ?

Uniquement si les mineurs lui ont été confiés au titre de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante. Et non si les mineurs lui ont confiés dans le cadre d’une mesure d’assistance éducative prise sur le fondement des articles 375 et suivants du code civil.

Conseil d’État, 6 octobre 2010, N° 330538


 Représentativité syndicale : l’avantage donné aux organisations syndicales catégorielles pour le calcul du seuil de 10 % est-il conforme à la Constitution ?

Oui dès lors que "les organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont vocation à représenter certaines catégories de travailleurs et qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale ne se trouvent pas dans la même situation que les autres organisations syndicales".

Ainsi "en prévoyant que, pour les organisations syndicales catégorielles, le seuil de 10 % est calculé dans les seuls collèges dans lesquels elles ont vocation à présenter des candidats, le législateur a institué une différence de traitement en lien direct avec l’objet de la loi" définissant les critères de représentativité des organisations syndicales.

Décision n° 2010-42 QPC du 7 octobre 2010 NOR : CSCX1025801S


 La loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 prohibant le port du voile intégral dans l’espace public est-elle conforme à la Constitution ?

Oui. En effet par ces dispositions qui ont pour "objet de répondre à l’apparition de pratiques, jusqu’alors exceptionnelles, consistant à dissimuler son visage dans l’espace public, le législateur a pu estimer :

 que de telles pratiques peuvent constituer un danger pour la sécurité publique et méconnaissent les exigences minimales de la vie en société

 que les femmes dissimulant leur visage, volontairement ou non, se trouvent placées dans une situation d’exclusion et d’infériorité manifestement incompatible avec les principes constitutionnels de liberté et d’égalité.

"En adoptant les dispositions déférées, le législateur a ainsi complété et généralisé des règles jusque-là réservées à des situations ponctuelles à des fins de protection de l’ordre public". ;

"Toutefois, l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public ne saurait, sans porter une atteinte excessive à l’article 10 de la Déclaration de 1789, restreindre l’exercice de la liberté religieuse dans les lieux de culte ouverts au public".

Décision n° 2010-613 DC du 7 octobre 2010 NOR : CSCL1025794S


Jurisprudence judiciaire

 Des travaux de construction sur un terrain privé peuvent-ils être qualifiés de travaux publics ?

Oui s’ils répondent à une fin d’intérêt général et s’ils comportent l’intervention d’une personne publique, soit en tant que collectivité réalisant les travaux, soit comme bénéficiaire de ces derniers. Tel est le cas lorsqu’une convention conclue entre une commune et une société prévoit que les équipements publics devront revenir à la commune et lui seront remis gratuitement après leur réception. Les juridictions judiciaires sont ainsi incompétentes pour connaître des litiges y afférent.

Cour de cassation, chambre civile 1, 6 octobre 2010, N° 09-15448


 Les instructions données par le procureur de la République aux fins d’enquête interrompent-ils la prescription de l’action publique ?

Oui. Interrompt ainsi la prescription de l’action publique, le procureur de la République qui, sur signalement d’un président de Conseil général, ordonne via une note, l’ouverture d’une enquête préliminaire concernant l’attribution de marchés publics.

Cour de cassation, chambre criminelle, 6 octobre 2010, N° 10-82839


 Un salarié peut-il mettre fin à la relation de travail aux torts de l’employeur faute pour ce dernier d’avoir pris les dispositions nécessaires visant à faire respecter l’interdiction de fumer dans les lieux publics ?

Oui : « l’employeur est tenu, à l’égard de son personnel, d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés ». Un barman est ainsi fondé à obtenir la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que son employeur a manqué à ses obligations relatives à l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Peu importe que le taux de nicotine relevé dans le sang du salarié soit relativement faible.

Cour de cassation, chambre sociale, 6 octobre 2010, N° 09-65103


Jurisprudence administrative

 Un maire peut-il interdire la circulation de poids-lourds sur un chemin rural desservant une entreprise de transports ?

Oui, dès lors que l’interdiction répond aux exigences de sécurité publique et qu’il n’est pas possible de prendre une mesure moins contraignante. Cependant les propriétaires ont droit à la réparation de leur préjudice grave et spécial pour rupture d’égalité devant les charges publiques.

Conseil d’État 4 octobre 2010 N° 310801


 L’administration peut-elle sanctionner disciplinairement un agent poursuivi pour violences sexuelles sur mineure sans attendre l’issue de la procédure pénale ?

Oui : "lorsque les faits commis par un agent public donnent lieu à la fois à une action pénale et à des poursuites disciplinaires, l’administration peut se prononcer sur l’action disciplinaire sans attendre l’issue de la procédure pénale". Si l’administration décide "néanmoins de différer sa décision en matière disciplinaire jusqu’à ce que le juge pénal ait statué, il lui incombe, dans le choix de la sanction qu’elle retient, de tenir compte non seulement de la nature et de la gravité des faits répréhensibles mais aussi de la situation d’ensemble de l’agent en cause, à la date à laquelle la sanction est prononcée, éclairée, le cas échéant, par les éléments recueillis, les expertises ordonnées et les constatations faites par le juge pénal".

Conseil d’État, 4 octobre 2010, N° 332626


 Une collectivité peut-elle sommer un fonctionnaire de quitter ses fonctions, tout en le maintenant comme agent titulaire de la commune, après qu’il ait dénoncé des faits de harcèlement moral ?

Non : aucune mesure ne peut être prise contre un fonctionnaire en prenant en considération le fait qu’il a engagé une action en justice pour harcèlement.

Cour administrative d’appel de Lyon, 5 octobre 2010, N° 09LY01851


 Une radiation des cadres pour abandon de poste peut-elle être prononcée sans que l’agent ait été mis en demeure de rejoindre son poste ?

Non : "une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l’agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste dans un délai approprié (...) Une telle mise en demeure doit prendre la forme d’un document écrit, notifié à l’intéressé, et l’informant du risque encouru d’une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable".

Conseil d’État, 6 octobre 2010, N° 323240


Une collectivité peut-elle discrétionnairement mettre fin au recrutement d’un CDD durant la période d’essai ?

Non : même pendant une période d’essai, l’autorité territoriale ne peut mettre fin discrétionnairement au recrutement d’un CDD. Il doit être précisément établi, sous le contrôle du juge, en quoi la période probatoire n’est pas jugée satisfaisante. En l’espèce, le juge considère qu’un délai de 4 jours n’est pas suffisant pour juger des réelles capacités professionnelles de l’intéressé, ce d’autant plus qu’il s’agissait d’une première expérience professionnelle pour un jeune travailleur souffrant d’un handicap auditif.

Cour administrative d’appel de Douai, 7 octobre 2010, N° 09DA00390

[1Photo : © treenabeena

[2L’article 365 du code civil interdit que par la voie de l’adoption simple, un enfant mineur puisse voir établir un deuxième lien de filiation à l’égard du concubin ou du partenaire de son père ou sa mère.