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Interdiction de circulation des poids-lourds, rupture d’égalité devant les charges publiques ?

Conseil d’État 4 octobre 2010 N° 310801 

Un maire peut-il interdire la circulation de poids-lourds sur un chemin rural desservant une entreprise de transports ?


 [1]

Oui, dès lors que l’interdiction répond aux exigences de sécurité publique et qu’il n’est pas possible de prendre une mesure moins contraignante. Cependant les propriétaires ont droit à la réparation de leur préjudice grave et spécial pour rupture d’égalité devant les charges publiques.


Un maire prend un arrêté interdisant la circulation aux véhicules de 3,5 tonnes sur un chemin rural constituant la seule voie de desserte d’une propriété.

Cette interdiction contraint la société, qui venait de louer l’ensemble immobilier pour ses activités de transports, à quitter les lieux.

Le conseil d’Etat confirme la légalité de la mesure de police dès lors que :

 le chemin rural supportait une fréquentation conséquente composée de véhicules poids lourds et présente, dans sa portion faisant l’objet de la mesure de police, une chaussée d’une largeur maximale de 3,60 mètres dont l’étroitesse fait obstacle au croisement de deux véhicules ;

 des accidents de la circulation mettant, notamment, en cause des poids lourds se sont produits sur cette voie ;

 l’arrêté répond aux exigences de la sécurité publique ;

 qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la sécurité des usagers aurait pu y être assurée par des mesures de police moins rigoureuses ou contraignantes que la mesure d’interdiction de circulation faite aux véhicules d’un tonnage supérieur à 3,5 tonnes ;

Et les juges d’en conclure "que la mesure, rendue nécessaire par les exigences de la sécurité publique n’a pas, en l’espèce, porté une atteinte excessive aux libertés d’aller et venir et du commerce et de l’industrie ni au droit de propriété".

Peu importe à cet égard que la circulation des véhicules agricoles sur le chemin litigieux n’ait pas été interdite ou que d’autres voies communales présentant des caractéristiques similaires n’auraient pas fait l’objet d’une mesure identique d’interdiction de la circulation.

Pour autant la commune engage sa responsabilité pour rupture d’égalité devant les charges publiques, le préjudice des propriétaires revêtant un caractère grave et spécial :

"l’ arrêté municipal, qui a été la cause directe de la résiliation du contrat de bail, a causé aux propriétaires un préjudice alors qu’ils avaient procédé à l’extension de leurs locaux industriels desservis par cet axe routier qui ne faisait pas l’objet d’une interdiction de circulation aux véhicules de plus de 3,5 tonnes".

La commune devra ainsi verser aux propriétaires plus de 140 000 euros, montant correspondant à la privation des loyers attendus et des impôts et charges que les propriétaires n’auraient pas supportés si le contrat de bail s’était poursuivi.

Conseil d’État, 4 octobre 2010, N° 310801

[1Photo : © Socrates