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Responsabilité pénale - Protection fonctionnelle - Relaxe définitive après condamnation - Incidences

Cour administrative d’appel de Versailles, 20 juillet 2017, N° 15VE02910

Une collectivité qui a mis fin à la protection fonctionnelle d’un agent à raison de sa condamnation pénale en première instance peut-elle être tenue de l’accorder rétroactivement si l’intéressé est relaxé en appel ?

Oui si la décision de la collectivité était uniquement fondée, pour retenir l’existence d’une faute personnelle justifiant qu’il soit mis fin à la protection fonctionnelle accordée à l’intéressé, sur les faits dont il avait été reconnu coupable. Ces faits ayant été remis en cause dans leur existence en appel, la décision de la collectivité mettant fin à la protection fonctionnelle repose sur des faits matériellement inexacts et doit, par suite, être annulée.

En l’espèce une fonctionnaire (DGA) d’un conseil départemental était poursuivie pour des faits qualifiés de recel de détournement de fonds publics et de recel de faux en écriture publique. Initialement sa collectivité lui avait accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle avant d’y mettre fin après la condamnation de l’intéressée en première instance. En effet, dans le cas où la collectivité publique a accordé la protection fonctionnelle, elle peut mettre fin à celle-ci pour l’avenir (mais pas de manière rétroactive) si elle constate postérieurement, sous le contrôle du juge, l’existence d’une faute personnelle [1].

Par cette décision, la collectivité arrêtait donc la prise en charge des frais de défense du fonctionnaire qui a relevé appel du jugement le condamnant. Mais en appel, la fonctionnaire est finalement relaxée... Elle demande donc à la collectivité d’annuler la décision mettant fin à la protection fonctionnelle pour obtenir le remboursement des frais qu’elle avait dû engager. La cour administrative d’appel de Versailles lui donne raison dès lors que motifs de l’arrêt prononçant la relaxe s’imposent aux autorités et juridictions administratives compte tenu de l’autorité absolue de chose jugée qui s’attache aux constatations de fait mentionnées dans les décisions du juge pénal et qui sont le support nécessaire de leur dispositif. Or il résulte de la lecture de l’arrêt que :
 la cour d’appel n’a constaté à l’encontre du fonctionnaire l’existence d’aucun acte matériel de détournement de fonds publics ni d’aucune intention d’en détourner ;
 les factures reprochées à l’intéressée ne peuvent pas être considérées comme des faux reprochables pénalement.

Ainsi dès lors que les faits sur lesquels s’appuyaient la collectivité ont été remis en cause dans leur existence par l’arrêt de la cour d’appel, la décision de la collectivité repose sur des faits matériellement inexacts et doit, par suite, être annulée.

🚨 Si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d’un jugement ayant acquis force de chose jugée s’imposent à l’administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l’autorité administrative et au juge administratif d’apprécier si les mêmes faits sont suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction administrative (CAA Lyon, 26 septembre 2017, 15LY03707).

Cour administrative d’appel de Versailles, 20 juillet 2017, N° 15VE02910

[1Conseil d’Etat, 14 mars 2008, N° 283943