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OGM : communication des lieux d’implantation et sécurité des exploitations

CJCE 17 février 2009 affaire C‑552/07

Le maire d’une commune peut-il refuser de divulguer le lieu précis des implantations de champs où sont cultivés des OGM par souci d’assurer la sécurité des exploitants ?


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Faits et procédure

En avril 2004, un particulier demande au maire d’une commune alsacienne (5500 habitants) de lui communiquer « pour chaque dissémination d’OGM ayant lieu sur le territoire de cette commune, l’avis au public, la fiche d’implantation, qui permet de localiser la parcelle complantée, et le courrier préfectoral accompagnant ces documents ». Il lui demande également les fiches d’information pour toute nouvelle dissémination qui aurait lieu en 2004.

Faute de réponse, il saisit la commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Le 24 juin 2004, cette commission rend un avis favorable s’agissant de la communication de l’avis au public et de la première page du courrier préfectoral d’accompagnement. En revanche, elle se prononce « contre la communication de la fiche d’implantation parcellaire et de la carte de localisation des disséminations, au motif que cette communication porterait atteinte au secret de la vie privée et à la sécurité des exploitants concernés ». Enfin la CADA déclare irrecevable la demande tendant à la communication des fiches d’information relatives à toute nouvelle dissémination.

Le maire communique en conséquence au requérant les avis au public relatifs aux cinq disséminations d’OGM effectuées sur le territoire de cette commune et les courriers préfectoraux d’accompagnement relatifs à deux de ces avis.

Le particulier saisit le tribunal administratif de Strasbourg d’une requête tendant, d’une part, à l’annulation de la décision implicite par laquelle le maire a rejeté sa demande tendant à obtenir la communication des courriers préfectoraux et des fiches d’implantation pour chaque dissémination d’OGM ayant eu lieu sur le territoire de cette commune et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint au maire de lui communiquer ces documents.

Par jugement du 10 mars 2005, le tribunal administratif de Strasbourg fait droit à sa requête sous la seule réserve des informations nominatives. Sur pourvoi de la Commune le Conseil d’Etat décide de surseoir à statuer et de poser à la Cour deux questions préjudicielles :

 « 1) Le lieu où la dissémination des organismes génétiquement modifiés sera pratiquée’, qui ne peut, aux termes de l’article 19 de la directive […] 90/220 […], être tenu pour confidentiel, doit-il s’entendre de la parcelle cadastrée ou d’une zone géographique plus large correspondant ou bien à la commune sur le territoire de laquelle la dissémination intervient ou bien à une zone plus étendue encore (canton, département) ?

 2) Dans l’hypothèse où le lieu devrait être entendu comme désignant la parcelle cadastrée, une réserve tenant à la protection de l’ordre public ou d’autres secrets protégés par la loi peut-elle être opposée à la communication des références cadastrales du lieu de la dissémination, sur le fondement de l’article [95 CE] ou de la directive 2003/4 […] ou d’un principe général du droit communautaire ? »


Les réponses de la Cour de justice

Que faut-il entendre par lieu de dissémination ?
Pour la commune et le gouvernement français le « lieu de la dissémination » « le lieu de la dissémination peut concerner une zone géographique plus large que la parcelle cadastrée, une telle zone pouvant être la commune ou le canton ».

La Cour de justice ne suit pas ce raisonnement dès lors que la directive établit un lien entre la procédure de notification et l’accès aux données relatives à l’opération de dissémination volontaire d’OGM envisagée. Ainsi « sauf dérogation prévue par ladite directive, le public intéressé peut demander la communication de toute information transmise par le notifiant dans le cadre du processus d’autorisation relatif à une telle dissémination ». Dès lors le « lieu de dissémination », au sens de l’article 25, paragraphe 4, premier tiret, de la directive 2001/18, est déterminé par toute information relative à la localisation de la dissémination soumise par le notifiant aux autorités compétentes de l’État membre sur le territoire duquel cette dissémination doit avoir lieu dans le cadre des procédures visées aux articles 6, 7, 8, 13, 17, 20 ou 23 de la même directive ».


L’information peut-elle rester confidentielle pour des motifs d’ordre public ou de sécurité publique ?

Pour la commune et le gouvernement français la localisation des essais relatifs à une dissémination volontaire d’OGM doit pouvoir rester confidentielle pour des motifs tirés de la protection de l’ordre public et de la sécurité publique.

Au contraire la Commission « relève que le droit communautaire ne prévoit aucune réserve d’ordre public ou d’autre nature pouvant être opposée à la règle énoncée à l’article 25, paragraphe 4, premier tiret, de la directive 2001/18 ».

Pour la Cour, il ressort des dispositions de l’article 25, paragraphes 1 à 3, de la directive 2001/18 « que ne peuvent être divulguées les informations confidentielles notifiées à la Commission et à l’autorité compétente ou échangées au titre de ladite directive, ainsi que les informations susceptibles de nuire à une position concurrentielle, et que les droits de propriété intellectuels afférents auxdites données doivent être protégés ». En aucun cas l’information relative au lieu de dissémination ne saurait rester confidentielle. 

 « Dans ces conditions, des considérations tenant à la sauvegarde de l’ordre public et à d’autres secrets protégés par la loi (...) ne sauraient constituer des motifs susceptibles de restreindre l’accès aux données énumérées à l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2001/18, au nombre desquelles figure notamment celle relative au lieu de la dissémination ». En effet, à défaut, « les éventuelles répercussions résultant d’une dissémination volontaire d’OGM pour la santé humaine et pour l’environnement ne sauraient être valablement appréciées ».
Et la Cour de conclure que « par conséquent, il y a lieu de répondre à la seconde question qu’une réserve tenant à la protection de l’ordre public ou à d’autres intérêts protégés par la loi ne saurait être opposée à la communication des informations énoncées à l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2001/18 ».

[1Photo :© Khomulo Anna