Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Reclassement d’un agent contractuel après inaptitude définitive : droit au maintien du CDI

Conseil d’État, 13 juin 2016, N° 387373

Un agent contractuel employé en CDI déclaré inapte physiquement peut-il être reclassé sur un autre poste mais en CDD ?

Non. Si le reclassement est possible (dans le cas contraire l’agent peut être licencié), l’employeur doit conserver les caractéristiques du contrat initial : un maire ne peut ainsi reclasser une assistante maternelle déclarée définitivement inapte (suite à un accident de service) sur un poste d’animatrice en remplaçant son CDI par un CDD. Et ce malgré les nouvelles dispositions relatives au recrutement des agents contractuels issues de la loi du 12 mars 2012.

Une assistante maternelle recrutée par une ville en contrat à durée indéterminée (CDI) est victime d’un accident de service. La qualité de travailleur handicapé lui est reconnue mais son état de santé se dégrade au point qu’elle est déclarée inapte à exercer les fonctions d’assistante maternelle. Le maire prononce son licenciement pour inaptitude physique.

L’intéressée obtient la suspension en référé de cet arrêté. Le maire met alors fin au contrat à durée indéterminée de l’intéressée, tout en signant avec elle un nouveau contrat sur un poste d’animatrice mais cette fois à durée déterminée (CDD) par application du nouveau régime du recrutement des agents contractuels issu de la loi du 12 mars 2012 modifiant la loi du 26 janvier 1984.

L’intéressée introduit un nouveau recours devant le tribunal administratif estimant que la ville ne pouvait lui proposer un CDD pour remplacer le CDI initial.

Elle obtient gain de cause en première instance. Mais, faisant partiellement droit à l’appel de la ville, la cour administrative d’appel juge que les dispositions de l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 relatives aux recrutement des agents contractuels non permanents imposaient de ne proposer à l’intéressée, en vue de son reclassement, qu’un contrat à durée déterminée.

Le Conseil d’Etat censure cette solution et donne raison à l’agent contractuel.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle, dans la droite ligne de sa jurisprudence [1], que le droit au reclassement est un principe général du droit :

"il résulte d’un principe général du droit dont s’inspirent tant les dispositions du code du travail relatives à la situation des salariés qui, pour des raisons médicales, ne peuvent plus occuper leur emploi que les règles statutaires applicables dans ce cas aux fonctionnaires, que, lorsqu’il a été médicalement constaté qu’un agent non titulaire se trouve de manière définitive atteint d’une inaptitude physique à occuper son emploi, il appartient à l’employeur public de le reclasser dans un autre emploi et, en cas d’impossibilité, de prononcer, dans les conditions prévues pour l’intéressé, son licenciement."

Les agents contractuels de droit public déclarés inaptes bénéficient bien de ce principe général du droit comme l’avait déjà jugé, dans une autre espèce, la Cour administrative d’appel de Nancy [2].

Il s’agit là d’une confirmation. Mais le Conseil d’Etat ne s’arrête pas là et ajoute :

"dans le cas où un tel agent, qui bénéficie des droits créés par son contrat de recrutement, est employé dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, cette caractéristique de son contrat doit être maintenue, sans que puissent y faire obstacle les dispositions applicables le cas échéant au recrutement des agents contractuels".

Ainsi dès lors qu’un reclassement dans la collectivité était possible, le maintien du CDI s’imposait. Les dispositions de l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 relatives au recrutement des agents contractuels, telles que modifiées par la loi du 12 mars 2012, sont alors neutralisées.

Conseil d’État, 13 juin 2016, N° 387373

[1Conseil d’État, 28 mars 2011, N° 312658

[2Cour Administrative d’Appel de Nancy, 5 mai 2011, N° 10NC00599