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Faute personnelle, action récursoire et transaction

Conseil d’Etat 12 décembre 2008 n°296982

Cet arrêt du Conseil d’Etat précise le régime de la faute personnelle détachable non dépourvue de tout lien avec le service lorsque la collectivité a décidé de transiger avec les victimes. ? [1]

En juin 2001 un professeur des écoles est condamné pour des faits de violences commis sur des élèves à une peine d’emprisonnement avec sursis. Il lui est reproché d’avoir « exercé, pendant une période de deux ans, des violences consistant notamment en gifles et coups, sur une quinzaine d’enfants de l’école primaire où il travaillait ».

Les parents de deux enfants victimes de violences sont indemnisés par voie de transaction signée par le recteur. Estimant que le professeur avait commis une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, l’Etat émet un titre exécutoire de 7622 euros contre l’agent. Celui-ci conteste la base légale de ce titre.


Une collectivité qui a transigé avec des victimes peut-elle se retourner contre l’agent fautif ?

Le tribunal administratif de Strasbourg donne raison à l’enseignant dès lors que le titre ne faisait pas suite à une condamnation de l’Etat et que l’Etat n’avait aucune obligation de faire droit à la demande de transaction présentée par les ayants droit des victimes.

Le Conseil d’Etat sanctionne cette position :

 « Si les fonctionnaires et agents des collectivités publiques ne sont pas pécuniairement responsables envers ces collectivités des conséquences dommageables de leurs fautes de service, il ne saurait en être ainsi lorsque le préjudice qu’ils ont causé à ces collectivités est imputable à des fautes personnelles détachables de l’exercice de leurs fonctions » ;

 Peu importe « que le préjudice n’ait pas été établi par une décision juridictionnelle condamnant la collectivité mais corresponde à la réparation accordée par la collectivité publique à la victime de la faute personnelle de l’agent dans le cadre d’un règlement amiable formalisé par une transaction conclue entre la collectivité et la victime ou ses ayants droit ». Cette circonstance « ne fait pas, par elle-même, obstacle à la possibilité pour la collectivité de se retourner contre l’agent à raison de la faute personnelle commise par celui-ci ».


Des faits de violences volontaires sont-ils constitutifs d’une faute personnelle détachable ?

Dès lors que l’enseignant a agi dans l’exercice de ses fonctions il appartenait à l’Etat de réparer le préjudice subi par les victimes. En effet les victimes de fautes personnelles non dépourvues de tout lien avec le service peuvent rechercher la responsabilité de la collectivité. A charge pour celle-ci d’exercer une action récursoire contre l’agent fautif.

En l’espèce les agissements imputés à l’enseignant sont jugés « d’une gravité suffisante pour caractériser, bien qu’ils soient intervenus dans le service, une faute personnelle détachable de l’exercice par l’enseignant de ses fonctions (...). Si des rapports d’inspection font état d’un climat de confiance régnant dans la classe de M. H. ainsi que des qualités manifestées par celui-ci dans ses fonctions tant d’enseignant que de directeur d’école, ces circonstances ne sont pas de nature à retirer aux faits leur gravité ».

L’enseignant n’établissant pas, par ailleurs, que l’administration ait commis une faute de service ayant concouru à la réalisation du dommage, il doit supporter seul l’indemnisation des victimes.


Le juge administratif est-il lié par le montant de la transaction ?

Le Conseil d’Etat ne considère pas pour autant que l’enseignant doive supporter l’intégralité de la somme que l’Etat a accepté de verser aux victimes par voie transactionnelle : « indépendamment du montant des indemnités que l’Etat a allouées aux ayants droit des victimes dans le cadre de la transaction qu’il a conclue avec eux, il appartient au juge administratif de déterminer le montant du préjudice dont la réparation peut être demandée au fonctionnaire auteur des dommages que l’Etat a dû réparer ».

En l’espèce, le Conseil d’Etat apprécie le préjudice des victimes à 3000 euros, soit moins de la moitié de la somme réglée par l’Etat sur la base de la transaction.

[1Photo : © Jean Auvinet