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Procédure de contestation des amendes forfaitaires : la France condamnée pour excès de vitesse judiciaire

Cour européenne des droits de l’homme, 8 mars 2012, N° 12039/08

Infractions routières : la procédure permettant à un officier du ministère public de rejeter une requête en exonération présentée en bonne et due forme par un automobiliste verbalisé est-elle compatible avec le droit d’accès à un tribunal garanti par la Convention européenne des droits de l’homme ?

 [1]


Non dès lors que malgré la contestation de l’automobiliste verbalisé, le rejet de la requête en exonération par l’officier du ministère public, entraîne encaissement de la consignation comme mode de paiement de l’amende forfaitaire et conduit à l’extinction de l’action publique, sans qu’un tribunal ait examiné le fondement de l’accusation et entendu les arguments du requérant.

Après avoir reçu un avis de contravention pour excès de vitesse, un automobiliste sollicite l’obtention du cliché photographique permettant de constater l’infraction.

L’officier du ministère public ne pas donne pas suite à cette demande, faute pour le requérant de s’être acquitté du montant de l’amende forfaitaire à titre de consignation [2].

L’automobiliste objecte que la production du cliché photographique n’est nullement subordonnée à un règlement préalable et que cette pièce lui est nécessaire pour vérifier le bien fondé de la contravention.
Après s’être acquitté de la consignation exigée, il présente une requête en exonération en bonne et due forme [3]. Il fait valoir qu’en l’absence de tout élément de fait susceptible d’établir l’infraction, il ne peut se déterminer sur la reconnaissance ou la contestation des faits.

La requête est rejetée comme étant insuffisamment motivée et l’automobiliste est informé que la réalité de l’infraction est désormais établie par le paiement de l’amende forfaitaire et qu’en conséquence, un point serait retiré sur son permis de conduire...

Le contrevenant saisit alors la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), estimant avoir été privé de l’accès à un tribunal. Il observe notamment que la consignation qu’il a versée ne peut être assimilée au paiement de l’amende forfaitaire puisqu’elle était concomitante d’une requête en exonération formulée conformément aux dispositions des articles 529-10 et 530 du code de procédure pénale.

La CEDH accueille favorablement cette demande et condamne la France pour violation de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales :

 d’une part, l’officier du ministère public ne pouvait déclarer la requête irrecevable comme étant insuffisamment motivée, le requérant ayant clairement précisé ses motifs dans la lettre accompagnant comme il se doit sa requête en exonération [4] ;

 d’autre part la décision d’irrecevabilité de l’officier du ministère public a entraîné l’encaissement de la consignation équivalant au paiement de l’amende forfaitaire par application de l’article R. 49-18 du code de procédure pénale.

« Ainsi, nonobstant la contestation du requérant, l’amende était payée et l’action publique était éteinte, sans qu’un tribunal, au sens de l’article 6 § 1 de la Convention, ait examiné le fondement de l’accusation dirigée contre lui et entendu ses arguments ».

Les magistrats strasbourgeois refusent pour autant de condamner l’Etat français à rembourser à l’automobiliste les 68 euros acquittés estimant difficile de retenir un lien de causalité entre la violation constatée et le préjudice matériel allégué, sauf à spéculer sur l’issue qu’aurait eu la procédure si le requérant avait eu accès à un tribunal pour contester l’infraction qui lui était imputée.

Quant au préjudice moral invoqué, il se trouve suffisamment compensé par la conclusion de violation de la Convention européenne à laquelle le requérant est parvenu par son opiniâtreté. Bref, la satisfaction morale d’avoir obtenu gain de cause suffit !

Cour européenne des droits de l’homme, 8 mars 2012, N° 12039/08

[1Photo : © Frédéric Prochasson

[2Le montant de l’amende forfaitaire doit être réglé à titre de consignation, laquelle n’est pas assimilable au paiement de l’amende forfaitaire et n’entraîne pas de retrait de points du permis de conduire.

[3Articles 529-10 et R. 49-14 du code de procédure pénale. Une telle requête peut être présentée dans trois situations :

1° le vol ou la destruction du véhicule ;

2° le prêt, la location ou la cession du véhicule ;

3° « autre motif ou absence des justificatifs ou des documents demandés ». Il indique que, dans la troisième hypothèse, le formulaire doit être accompagné d’un exposé sur papier libre des raisons de la contestation ou de l’absence des renseignements ou documents requis, et envoyé dans les quarante-cinq jours suivant la date d’envoi de l’avis de contravention.

[4La Cour n’exclut d’ailleurs pas qu’en portant cette appréciation, l’officier du ministère public, dont le pouvoir d’appréciation se limite à l’examen de la recevabilité formelle de la contestation, ait excédé ses pouvoirs.