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Associations : concession, mise à disposition et délégation de service public

Cour Administrative d’Appel de Paris, 25 mars 2010, N° 09PA01920

La concession à une association de l’occupation d’un complexe sportif peut-elle être requalifiée en délégation de service public (DSP) ?


 [1]

Oui*. "Pour apprécier si la concession à une personne privée de l’occupation d’équipements domaniaux affectés à une activité d’intérêt général doit être regardée comme emportant aussi la dévolution d’un service public, eu égard aux conditions de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu’aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il appartient au juge de prendre en compte non seulement les stipulations du contrat de concession, mais également l’ensemble des relations, organiques ou fonctionnelles, nouées entre cette personne et la collectivité propriétaire des équipements concédés, avant, pendant et après sa conclusion".

Tel est jugé le cas en l’espèce dès lors qu’il ressort de l’analyse de ces éléments que :

 les retombées espérées par la ville en matière de rayonnement sportif (ce qui justifie d’ailleurs les importantes subventions annuelles versées par la ville au club) "révèlent la volonté de la ville d’organiser, au sein d’un équipement municipal et sous son contrôle, une activité de divertissement et de spectacle sportif liée à la présence d’un club de rugby professionnel résident" ;

 l’ensemble des conventions annuelles d’objectifs contribuent à démontrer que l’autorité concédante [2], "a voulu conserver et effectivement utiliser les moyens juridiques et pratiques de définir (par ses décisions tant positives que négatives) les conditions d’exercice de cette activité d’intérêt général menée par l’occupant au sein de ses équipements domaniaux, d’en contrôler le respect et de corriger les éventuelles déviations" ;

 "les services de la ville continuaient à définir le calendrier général de l’utilisation du stade par le public scolaire et les conditions tarifaires de cette utilisation" ;

 la modicité de la redevance demandée à l’association [3], peut être regardée comme la contrepartie d’une obligation de service public ;

 qu’une clause de la convention [4] conforte "l’analyse selon laquelle la ville, en concédant l’occupation de ses équipements sportifs, n’a pas eu pour seul objectif de rentabiliser ou valoriser son patrimoine ou d’en assurer la sauvegarde, moyennant une redevance versée par l’occupant en contrepartie de son exploitation libre et privée, mais a voulu également confier à ce dernier la gestion, sous son pilotage , d’un grand complexe sportif , orienté vers l’ensemble des [habitants], sportifs ou spectateurs, avec pour objectifs principaux l’accueil d’ une équipe professionnelle de rugby résidente (et ses prolongements de formation et sélection de jeunes espoirs), l’offre de spectacles sportifs de qualité au plus grand nombre, l’encouragement de la pratique du sport notamment chez les scolaires ou universitaires et les handicapés et la formation de sportifs de haut niveau dans plusieurs disciplines ( tennis, notamment féminin, athlétisme, basket, rugby, et hockey)".

Peu importe que les recettes tirées par l’association de l’occupation des équipements par les scolaires et par le club de rugby professionnel seraient minimes au regard des recettes tirées de son activité statutaire , constituées pour l’essentiel des cotisations de ses adhérents ou d’autres contrats de sous-location (tel que celui conclu pour les arts martiaux et sports de combats). En effet :

 "la mission de service public confiée à l’association ne se limite pas aux deux mises à disposition susmentionnées"

 "les recettes dites statutaires de l’association proviennent en réalité de l’exploitation des installations concédées" ;

 "l’analyse à laquelle les dispositions précitées de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales invitent le juge a seulement pour objet de distinguer les marchés des délégations, dans lesquelles le délégataire court un risque en cas d’insuffisance des résultats de son exploitation, c’est à dire de la différence entre les produits qu’il encaisse et les charges correspondantes".

 il ressort des pièces du dossier et notamment de l’examen des comptes et budgets de l’association, que l’association, dont le montant des recettes n’était pas garanti par la concession (laquelle ne prévoyait pas le versement d’une subvention d’équilibre par l’autorité concédante), et dont les exercices 2004 et 2005 ont d’ailleurs donné lieu à un résultat déficitaire, était confrontée, eu égard aussi à l’importance du programme d’investissements prévu, à un risque réel d’exploitation. Ainsi la rémunération de l’association était substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du complexe omnisports qui lui avait été confiée par la concession.

Cour Administrative d’Appel de Paris, 25 mars 2010, N° 09PA01920

[1Photo : © Mitzy

[2qui s’était par ailleurs réservé le pouvoir d’autoriser l’organisation de toutes manifestations ou activités ne présentant pas un caractère exclusivement sportif et surtout toutes les sous occupations consenties pour une durée supérieure à trois mois

[3limitée à 59 000 euros pendant les premières années de la convention, puis fonction d’une partie du chiffre d’affaires réalisé, mais plafonnée à 100 000 euros

[4qui stipule qu’en cas de déséquilibre financier des comptes de l’occupant, les parties conviennent de se rencontrer, afin d’étudier les mesures propres à assurer la pérennité de l’association, la continuité des activités sportives et la préservation des biens concédés