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La jurisprudence de la semaine

Semaine du 22 au 26 février 2010

Retrouvez une sélection de décisions de justice intéressant les collectivités locales et les associations (dernière mise à jour le 22/11/2010).


 [1]

Jurisprudence constitutionnelle

  Le législateur peut-il rendre possible la transmission aux services de police et de gendarmerie nationales ainsi qu’à la police municipale d’images captées par des systèmes de vidéosurveillance dans des parties non ouvertes au public d’immeubles d’habitation sans prévoir les garanties nécessaires à la protection de la vie privée des personnes qui résident ou se rendent dans ces immeubles ?

Non. Le Conseil constitutionnel censure les dispositions de l’article 5 de la loi loi n° 2010-201 du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d’une mission de service public. Des sénateurs ont saisi le Conseil constitutionnel en faisant notamment remarquer "que le législateur a manqué aux mêmes exigences en conférant à la police municipale la possibilité d’être destinataire d’images se rapportant à des faits n’entrant pas dans ses compétences". Le Conseil constitutionnel leur donne raison :

1° La liberté proclamée par l’article 2 de la Déclaration de 1789 [2] implique le respect de la vie privée ;

2° Il "appartient au législateur, en vertu de l’article 34 de la Constitution, de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques ; (...) il doit, en particulier, assurer la conciliation entre le respect de la vie privée et d’autres exigences constitutionnelles, telles que la recherche des auteurs d’infractions et la prévention d’atteintes à l’ordre public, nécessaires, l’une et l’autre, à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle" ;

3° "Le législateur a permis la transmission aux services de police et de gendarmerie nationales ainsi qu’à la police municipale d’images captées par des systèmes de vidéosurveillance dans des parties non ouvertes au public d’immeubles d’habitation sans prévoir les garanties nécessaires à la protection de la vie privée des personnes qui résident ou se rendent dans ces immeubles ; (...) à l’égard de cette situation, qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 10 de la loi du 21 janvier 1995 (...), il a omis d’opérer entre les exigences constitutionnelles précitées la conciliation qui lui incombe ; que, dès lors, il a méconnu l’étendue de sa compétence ; qu’en conséquence, l’article 5 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution.

Décision n° 2010-604 DC du 25 février 2010 NOR : CSCL1005661S


Jurisprudence européenne

 Diffamation : les élus visés par des attaques doivent-ils faire preuve de tolérance particulière lorsque le débat porte sur un sujet émotionnel tel que le cadre de vie des riverains d’un projet immobilier ?

Oui. Lorsque "le débat porte sur un sujet émotionnel tel que le cadre de vie des riverains d’un projet immobilier, les élus doivent faire preuve d’une tolérance particulière quant aux critiques dont ils font l’objet et, le cas échéant, aux débordements verbaux ou écrits qui les accompagnent". En l’espèce le président d’une association s’opposant à un projet immobilier avait été condamné pour des écrits virulents publiés sur le site internet de l’association. La Cour européenne de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales condamne l’Etat français pour atteinte à la liberté d’expression.

Cour européenne des droits de l’homme, 25 février 2010, Requête no 13290/07


Jurisprudence judiciaire

 Responsabilité pénale - Favoritisme

Condamnation pour favoritisme à 4 mois de prison avec sursis et 4000 euros d’amende d’un directeur des services techniques d’un office public d’habitation à loyer modéré (OPHLM). Il lui est reproché d’avoir favorisé une entreprise dans l’attribution d’un marché public de construction-rénovation de deux résidences.

Tribunal correctionnel de Fontainebleau, 22 février 2010.


 Le délit de favoritisme est-il nécessairement prescrit lorsque plus de trois ans se sont écoulés depuis l’attribution du marché litigieux ?

Pas si les irrégularités commises ont été occultes. Dans ce cas, le délai de prescription ne commence à courir qu’à compter du jour où l’octroi d’avantages injustifiés a été dénoncé ou découvert.

Cour de cassation, chambre criminelle, 24 février 2010, N° de pourvoi : 09-83988


 Les juridictions de l’ordre judiciaire sont-elles compétentes pour
connaître de la demande d’interdiction d’installation d’antennes téléphoniques sur le clocher d’une église ?

Non. En effet "aux termes de l’article L.2111-17 du code générai de la propriété des
personnes publiques (CGPPP), les fréquences hertziennes relèvent, par
détermination de la loi du domaine public de l’Etat et, par application de l’article
L.2124-26 du même code, l’utilisation de ces fréquences constitue un mode
d’occupation privatif du domaine public de l’Etat
". Ainsi la demande d’interdiction "aurait pour effet, sur la partie du territoire couverte par cette station, de priver de tout effet les autorisations administratives obtenues par Orange France pour pouvoir utiliser le domaine public de l’état et le domaine public communal. La remise en cause d’une convention d’occupation du domaine public ressort de !a compétence des juridictions de l’ordre administratif, par application de l’article L.2331-1 du Code général de propriété des personnes publique". Peu importe, dans ces conditions, que l’opérateur de téléphonie soit une société privée et que le service de téléphonie ne soit pas un service public.

Cour d’appel d’Angers, 24 février 2010, N° : 09/00645


 Les juridictions judiciaires sont-elles compétentes pour connaître de la demande d’interdiction d’installation d’antennes téléphoniques sur un terrain privé ?

Oui dès lors "que la mesure réclamée par une personne privée (l’objet même du référé) à l’encontre d’une personne privée a pour but de faire cesser un trouble anormal du voisinage" et ne peut "avoir pour but ou pour effet de contrarier les prescriptions de l’administration".

Cour d’appel de Paris 24 février 2010


Jurisprudence administrative

 La victime d’un accident peut-elle être indemnisée du préjudice résultant de la nécessité de recourir à l’assistance d’une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante lorsque cette assistance est assurée par un membre de sa famille ?

Oui. "Lorsque, au nombre des conséquences dommageables d’un accident engageant la responsabilité d’une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l’assistance d’une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée".

Conseil d’État, 22 février 2010, N° 313333


 La victime d’une chute occasionnée par la présence d’une excavation de 50 cm de profondeur peut-elle se voir opposer une faute de nature à exonérer partiellement la collectivité responsable de la voie ?

Oui. Tel est le cas d’un piéton qui, habitué des lieux, ne pouvait pas ignorer que la voie sur laquelle il était engagé faisait l’objet de travaux de réfection et n’était pas éclairée, Ainsi en s’abstenant d’apporter à sa marche toutes les précautions requises, il a commis une imprudence constitutive d’une faute de nature à exonérer la collectivité gestionnaire de la voirie, de 50 % de sa responsabilité.

Conseil d’État, 22 février 2010, N° 313333


 Marchés à procédure adaptée (MAPA) : les candidats doivent-ils être informés des critères d’attribution du marché ?

Oui. "Les marchés passés selon la procédure adaptée prévue à l’article 28 du même code sont soumis aux dispositions de son article 1er, comme tous les contrats entrant dans le champ d’application de celui-ci". Ils sont pleinement "soumis aux principes qui découlent de l’exigence d’égal accès à la commande publique, rappelés par le II de l’article 1er de ce code".

Il en résulte que :

1° "l’information appropriée des candidats sur les critères d’attribution d’un marché public est nécessaire dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ;

2° (...) dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d’autres critères que celui du prix, l’information appropriée des candidats doit alors également porter sur les conditions de mise en œuvre de ces critères ;

3° (...) il appartient au pouvoir adjudicateur d’indiquer les critères d’attribution du marché et les conditions de leur mise en œuvre selon les modalités appropriées à l’objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné".

Conseil d’État, 24 février 2010, N° 333569


 Marchés à procédure adaptée (MAPA) : les candidats doivent-ils être informés des critères de sélection des candidatures ?

Oui mais "cette information appropriée des candidats n’implique en revanche pas que le pouvoir adjudicateur indique les conditions de mise en œuvre des critères de sélection des candidatures". "Les marchés passés selon la procédure adaptée prévue à l’article 28 du même code sont soumis aux dispositions de son article 1er, comme tous les contrats entrant dans le champ d’application de celui-ci". Ils sont pleinement "soumis aux principes qui découlent de l’exigence d’égal accès à la commande publique, rappelés par le II de l’article 1er de ce code".

Il en résulte que :

1° "lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il lui appartient, y compris lorsqu’il met en œuvre une procédure adaptée sur le fondement de l’article 28 du code des marchés publics, d’assurer l’information appropriée des candidats sur les critères de sélection de ces candidatures dès l’engagement de la procédure d’attribution du marché, dans l’avis d’appel public à concurrence ou le cahier des charges tenu à la disposition des candidats ;

2° (...) cette information appropriée suppose que le pouvoir adjudicateur indique aussi les documents ou renseignements au vu desquels il entend opérer la sélection des candidatures ;

3° (...) par ailleurs, si le pouvoir adjudicateur entend fixer des niveaux minimaux de capacité, ces derniers doivent aussi être portés à la connaissance des candidats".

Conseil d’État, 24 février 2010, N° 333569


 Une commune peut-elle être tenue responsable d’une utilisation non conforme d’un équipement public ?

Non. Il incombe à l’usager d’utiliser les équipements publics conformément à leur destination. Une utilisation téméraire de l’ouvrage public exonère la collectivité en cas d’accident. Ainsi une commune n’est pas responsable de l’accident survenu à un baigneur qui, utilisant comme plongeoir un équipement non spécialement prévu à cet effet, ne s’est pas assuré au préalable de la possibilité de plonger sans danger, eu égard notamment à la faible profondeur de l’eau dans un site aménagé pour la baignade des personnes handicapées.

Conseil d’État, 26 février 2010, N° 306031


 La décision d’un maire refusant d’engager une procédure de révision du plan d’occupation des sols constitue-t-elle un document d’urbanisme au sens de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme ?

Non. Le particulier qui exerce un recours contre ce refus n’est donc pas
tenu de notifier à la commune le recours qu’il a formé devant le tribunal administratif contre cette décision.

Conseil d’État, 26 février 2010, N° 324521

[1Photo : © Gary Blakeley

[2«  Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression »