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Le mystère de la carabine à plombs

Cour Administrative d’Appel de Nantes, 31 octobre 2012, N°11NT01548

Enigme : un artisan chargé de la réfection d’un clocher fait une chute de plus de 8 mètres après s’être aventuré sur un faux-plafond où il n’avait rien à faire. Question : quelles étaient ses intentions ? Indice : il était muni d’une carabine à plombs...

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Un artisan travaille à la réfection du clocher d’une église du XIIème siècle.

Il s’aventure sur un faux-plafond situé au dessus du chœur de l’église. Pourtant ses missions ne doivent pas le conduire dans cet espace dont l’accès est en grande partie interdit par des gardes-corps. Et pour cause : le faux-plafond est constitué de plaques de placoplâtre et de laine de verre.

Ce qui devait arriver, arriva : le "plancher" cède sous le poids de l’intéressé qui fait une chute de plus de 8 mètres...

Grièvement blessé il recherche la responsabilité de la commune (350 habitants). La cour administrative d’appel de Nantes en admet le principe dès lors que :

 l’espace où a eu lieu l’accident se trouvait à proximité immédiate du clocher dans lequel l’intéressé ainsi que plusieurs autres ouvriers devaient intervenir ;

 si des madriers avaient été disposés en guise de garde-corps, l’endroit n’était pas totalement inaccessible, ni totalement sécurisé.

Pour autant, les juges estiment que la victime a commis une imprudence de nature à exonérer la commune de toute responsabilité. En effet l’artisan n’avait pas à emprunter ce passage pour accomplir les tâches qui lui étaient confiées.

Mais alors que diable est allé faire l’intéressé à cet endroit ? Assouvir une curiosité naturelle ? Prendre sa pause déjeuner ? Trouver les traces d’un éventuel trésor ?...

La présence d’une carabine à plombs sur les lieux du drame donne une autre piste aux enquêteurs. L’hypothèse d’une chasse aux pigeons qui a mal tourné est alors évoquée. Mais si l’artisan reconnaît être le propriétaire de l’arme, il ne se souvient plus de la raison de la présence de cet objet à ses côtés...

Aussi, dans le doute, les juges restent prudents. Toujours est-il que la commune ne paiera pas l’addition :

"en empruntant un passage inhabituel dans un but mal déterminé mais étranger à sa mission et alors qu’il ne pouvait raisonnablement ignorer l’existence d’un faux-plafond, M. X a commis une imprudence grave de nature à exonérer la commune de toute responsabilité".

Si les voies du Seigneur sont impénétrables, ce n’est pas forcément le cas des plafonds de sa maison. Quoiqu’il en soit, le juge de Nantes vous aura prévenu : si vous allez y tenter le diable, n’espérez pas pigeonner la commune pour autant !

Cour Administrative d’Appel de Nantes, 31 octobre 2012, N°11NT01548


[1Dessin : © Jean Duverdier