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Spoiler alert : un banc public est conçu pour s’assoir !

Cour administrative d’appel de Marseille, 20 octobre 2023 : n°22MA02411

Un usager qui, en montant debout sur un banc public, se blesse au visage avec une latte descellée par un effet levier peut-il rechercher la responsabilité de la commune ?

 
Potentiellement oui, la responsabilité de la commune pouvant être engagée pour défaut d’entretien normal si la commune ne démontre pas une inspection régulière et récente de l’état du banc. En l’espèce la latte était déboulonnée et le défaut d’entretien de l’ouvrage caractérisé. Pour autant un banc est conçu pour s’assoir non pour s’y tenir debout. La victime est donc seule responsable de son accident et n’obtiendra pas les 125 000 € réclamés à la commune.
 

En balade avec son chien dans un parc municipal, une promeneuse monte sur un banc public. Elle est blessée au visage après qu’une latte désolidarisée du banc sur lequel elle venait de poser son pied ait basculé par un effet de levier.

La victime recherche la responsabilité de la commune et demande au juge de condamner la collectivité à lui verser une somme de plus... de 125 000 euros.

L’occasion pour la cour administrative d’appel de Marseille de rappeler quelques règles par un raisonnement en trois temps.

1° Le banc fixé au sol est un accessoire de l’ouvrage public

La cour administrative d’appel relève en premier lieu que le banc est situé sur la voie publique du parc communal et que ses pieds sont fixés au sol par des écrous.

Ces éléments lui permettent de qualifier le banc d’accessoire de l’ouvrage public que constitue la voie publique sur laquelle la victime se promenait (a contrario un banc qui n’est pas fixé au sol n’est pas un élément de l’ouvrage public constitué par cet établissement scolaire ; il a en a été jugé ainsi pour un banc non fixé au sol de la cour de récréation d’un collège [1]).

La victime avait bien la qualité d’usager de l’ouvrage public puisqu’au moment de l’accident la requérante se promenait dans le parc où est implanté le banc.

 
Par suite, « en cette qualité elle ne peut engager d’action en responsabilité contre la commune, qui en a la garde, que sur le fondement du défaut d’entretien normal, et non, comme elle le soutient à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité de la commune à l’égard des tiers à l’ouvrage ».

2° Le banc n’était pas correctement entretenu

Dans un second temps, le juge estime qu’en l’espèce le défaut d’entretien normal est caractérisé :

 la latte du banc n’était plus boulonnée ;

 la commune ne démontre pas une inspection régulière et récente de l’état du mobilier urbain.

 
 Le défaut d’entretien normal de l’ouvrage dont une latte du banc litigieux n’était plus boulonnée est établi, la commune maître de l’ouvrage n’ayant pas démontré une inspection régulière et récente de l’état du mobilier urbain en cause qui aurait permis d’y remédier. »

Sur le principe, la responsabilité de la commune est donc engagée.

3° Un banc n’est pas conçu pour s’y tenir debout

Toutefois, la faute de la victime exonère totalement la commune de sa responsabilité : un banc est conçu pour s’assoir, non pour s’y tenir debout !

En montant subitement sur le banc, la jeune femme âgée de 19 ans a donc fait de cet équipement du parc municipal un usage non conforme à sa destination.

Par conséquent, « l’accident dont elle a été victime doit être regardé comme exclusivement imputable à son imprudence qui en est la cause adéquate ».

L’usage anormal d’un ouvrage public est en effet un moyen d’exonération de la puissance publique, étant assimilé à une faute d’imprudence de la victime (pour d’autres illustrations).

Inversement, dans un autre dossier, la responsabilité de la collectivité a été retenue suite à la rupture d’une latte de bois composant l’assise du banc sur lequel était assise une personne âgée [2].

Le bon entretien des bancs publics reste donc importante pour ceux qui en font un usage conforme à leur destination.

 

Pour ce qui est de savoir si les amoureux de Brassens qui se bécotent sur les bancs publics, font un usage conforme ou non de l’ouvrage, il faudra attendre une nouvelle jurisprudence.

 

[1CE, 26 septembre 2001, Département du Bas-Rhin : n°204575

[2CAA Bordeaux, 15 décembre 2005 : n°02BX00815