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Référent déontologue : suites et pas fin...

Dernière mise à jour le 30 avril 2024

Depuis le 1er juin 2023 toutes les collectivités doivent avoir désigné un référent déontologue pour les élus. Dans une réponse ministérielle publiée le 23 avril 2024, la DGCL apporte des précisions sur la possibilité pour un élu d’interroger le référent sur la situation d’un autre élu. 

Depuis la loi 3DS du 21 février 2022 modifiant l’article L1111-1-1 du CGCT

 
« tout élu local peut consulter un référent déontologue chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés dans la (...) charte [de l’élu local]. »
 

Le décret n° 2022-1520 du 6 décembre 2022 a donné aux collectivité jusqu’au 1er juin 2023 pour se mettre en conformité. Mais sans prévoir de sanction en cas de non-respect de cette obligation.

 

D’où la tentation pour certaines collectivités de différer cette nomination ce d’autant que le décret d’application est loin d’avoir tout réglé et que de nombreuses questions restent en suspens notamment sur les modalités pratiques du paiement des indemnités et de facturation.


 

Il serait cependant hasardeux de trop différer une telle désignation. En effet le référent déontologue a pour objet de répondre aux interrogations des élus sur l’application des principes déontologiques de la Charte de l’élu local laquelle inclut tout un volet sur la prévention des conflits d’intérêts. Or cette problématique peut avoir des incidences pénales avec des poursuites pour prise illégale d’intérêts.

 

On peut penser que désormais les enquêteurs se poseront la question de savoir si un référent déontologue a été désigné, s’il a été consulté, et si son avis a été suivi d’effet. En cas réponse négative à l’une de ces questions, la bonne foi de l’élu risque d’être difficile à établir. Un peu comme si après un accident du travail, le maire n’était pas en mesure de produire le document unique d’évaluation des risques.

 

Le juge pourrait déduire de l’absence de désignation d’un référent déontologue une indifférence des élus de la collectivité aux règles déontologiques. On ne saurait donc que trop conseiller aux collectivités retardataires de ne pas trop trainer dans cette désignation.

 

Non pour simplement satisfaire sur le papier à une obligation légale, mais bien pour permettre aux élus, de disposer d’un référent identifié et accessible sur lequel ils pourront s’appuyer pour répondre de manière opérationnelle à leurs questions déontologiques.

 
Il est important de sensibiliser les élus sur les questions de délais qui sont nécessaires pour répondre utilement à une interrogation déontologique. Ce n’est pas à cinq minutes d’un conseil municipal consacré au vote des subventions aux associations qu’il faut saisir le référent déontologue ! L’anticipation participe de la prévention. Comme le rappelle régulièrement Christian Vigouroux [1], « la déontologie est l’art de se poser des questions avant qu’il ne soit trop tard » !
 

Quid des élus d’opposition ?


« Tout élu local peut consulter un référent déontologue chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés dans la présente charte.  »

Les élus d’opposition peuvent bien entendu avoir aussi des questions déontologiques qui les concernent directement. Ils peuvent, par exemple, se retrouver en situation de conflits d’intérêts en participant au vote d’une délibération à laquelle ils sont personnellement intéressés (pour un exemple de condamnation voir le résumé du jugement du Tribunal correctionnel de Toulon rendu le 7 juillet 2023). Ils doivent pouvoir à ce titre saisir le référent déontologue pour connaître l’attitude à adopter.

Mais peuvent-ils saisir le référent pour s’interroger sur la légalité de décisions prises par la majorité ? Ce serait un détournement de la finalité du référent déontologue qui n’est pas un organisme de contrôle.

Le rôle du référent déontologue est d’éclairer les élus qui sont personnellement confrontés à des questions déontologiques au regard de la Charte, non de faire office de contrôle de la légalité et encore moins de juge ou de procureur.

Et cela fonctionne aussi dans l’autre sens : le chef de l’exécutif ne doit pas pouvoir interroger le référent déontologue sur la situation d’un élu de l’opposition.

C’est un gage d’indépendance et limite le risque d’instrumentalisation de la fonction à des fins politiques. Une position contraire pourrait en outre placer le référent déontologue en situation délicate, notamment au regard de ses obligations relatives au secret professionnel, puisqu’il pourrait avoir été interrogé sur le même sujet par l’élu qui est directement concerné par la situation. 
 

Interrogé sur ce point la DGCL conforte cette analyse (réponse à la question N° 10580 publiée le 23 avril 2024) : "chaque élu local, sans distinction, doit pouvoir saisir le référent en cas d’interrogation ou de doute relatif à l’application de la charte de l’élu local le concernant. Ainsi, il ne peut pas saisir le référent déontologue de la situation d’un autre élu. La collectivité peut à ce titre prévoir des modalités de saisine du référent rappelant expressément l’exigence d’un lien entre l’objet de la consultation et la situation personnelle de l’élu." Une prise de position bienvenue qui renforce la confiance nécessaire à l’exercice indépendant des fonctions du référent déontologue.

 

La DGCL a par ailleurs publié en juillet 2023 un guide relatif à la désignation du référent déontologue (PDF). Une foire aux questions viendra compléter ce guide sur le site www.collectivités-locales.gouv.fr, et sera actualisée, en tant que de besoin, pour répondre aux interrogations relatives au statut du référent déontologue de l’élu local. Des précisions sur l’assurance des référents déontologues qui peuvent, dans le cadre de leur activité, engager leur responsabilité s’ils délivrent un conseil qui se révèle erroné, seraient notamment bienvenues. 
 

[1Ancien Président de section au Conseil d’Etat, membre du Conseil supérieur de la magistrature depuis janvier 2023 ;