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Pas de délégation de pouvoir en matière de sécurité

Cass crim 20 février 2007 N° de pourvoi : 05-87570 Inédit

La désignation d’un coordonnateur de sécurité équivaut-elle à une délégation de pouvoirs exonérant le chef d’établissement de ses obligations en matière de sécurité ?


Un chantier sur un hangar appartenant à un Conseil général révèle la présence d’amiante dans la composition des tôles recouvrant la toiture. La direction départementale de l’équipement (maître d’oeuvre) lance un appel d’offres auprès de plusieurs entreprises locales eu égard à la manipulation spécifique que nécessite ce genre de matériau. Le caractère excessif des devis proposés amène le Conseil général à retenir la proposition plus intéressante du Parc matériel de la direction départementale de l’équipement.

Au cours des travaux un agent du Parc matériel passe à travers une plaque de fibre de verre et se blesse gravement en faisant une chute d’une hauteur de plus de trois mètres.

L’enquête pénale révèle plusieurs entorses au décret n°65-48 du 8 janvier 1965 :
 incompétence et absence de formation spécifique des agents présents sur le chantier alors que leur tâche comportait un risque anormal en violation des dispositions de l’article 98 du décret (la victime étant elle-même chauffeur de poids lourd...) ;

 aucun des ouvriers ne portait le casque exigé sur ce type de chantier par l’article 100 du décret ;

 aucun dispositif de sécurité (échafaudages, planches, plates-formes ou échelles) prévu par l’article 159 du décret pour les personnes occupées sur des toitures en matériaux d’une résistance insuffisante (tels que : vitres, plaques en agglomérés à base de ciment, tôles), ou vétustes, n’avait été utilisé.


LA DECISION DES JUGES DU FOND

Poursuivi des chefs de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité de travail pendant plus de trois mois et d’infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs, le directeur départemental de l’équipement est condamné à huit mois d’emprisonnement avec sursis, et à 5 000 euros d’amende (Cour d’appel de Nîmes 25 novembre 2005). Les magistrats relèvent en effet « qu’en matière de sécurité, il n’existait pas de délégation de pouvoir à la direction départementale de l’équipement du [département concerné], de sorte que Bernard X..., à qui il incombait de faire respecter de manière stricte et constante les dispositions législatives et réglementaires relatives à la sécurité des travailleurs, est seul responsable dans ce domaine ». Peu importe à cet égard qu’il existait un coordonnateur de sécurité.

Et les juges d’en déduire que le prévenu « a commis une faute personnelle constitutive d’une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence et de sécurité prévue par la loi ou le règlement (en l’espèce le décret de 1965), faute qui a exposé Serge Z... à un risque d’une particulière gravité que le prévenu ne pouvait ignorer au sens de l’article 121-3 du code pénal ».


LE POURVOI EN CASSATION

Le prévenu se pourvoit en cassation en relevant principalement :

1° qu’il ne peut être considéré comme chef d’établissement au sens du droit du travail et comme pénalement responsable d’un accident de chantier dès lors qu’il n’a ni conclu le marché de travaux, ni dirigé l’entreprise attributaire du marché, ni même connu l’existence, l’attribution et l’exécution du marché.
En effet le chantier de démolition a fait l’objet d’un marché conclu directement entre le Conseil général, maître de l’ouvrage, et le Parc matériel de la direction départementale de l’équipement, service déconcentré du ministère de l’équipement ayant un fonctionnement autonome. Le marché a donc été décidé et signé par le chef du Parc matériel.

2° Que les planches prévues par l’article 159 du décret du 8 janvier 1965 avaient été effectivement installées sur le chantier mais n’avaient pas été utilisées de façon adéquate et que les ouvriers disposaient également de casques de chantiers mis à leur disposition.
Il expose à cet égard que le directeur départemental de l’équipement ne peut pas vérifier personnellement sur tous les chantiers du département l’utilisation effective par tous les ouvriers de leur casque de protection et de l’installation correcte du matériel de protection.

3° Que pour le chantier litigieux, le Conseil général, maître de l’ouvrage, avait traité directement avec le Parc départemental, service déconcentré du ministère de l’équipement, dont le fonctionnement est autonome, de sorte qu’il n’avait pas été informé (et n’avait pas à l’être) de l’attribution de ce chantier au Parc départemental.

La Cour de cassation n’en confirme pas moins la condamnation du prévenu dès lors qu’en « sa qualité de directeur de la direction départementale de l’équipement, n’ayant pas délégué ses pouvoirs en matière de sécurité, il doit être tenu pour responsable des manquements constatés sur le chantier de démolition exécuté par ses agents » et qu’il « ne peut éluder sa responsabilité en arguant de la nomination d’un coordonnateur de sécurité ». Il résulte des manquements constatés « que le prévenu n’a pas pris les mesures qui eussent permis d’éviter le dommage et qu’il a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer ».