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Élagage et pouvoirs du maire : attention au respect des droits des administrés

Cour administrative d’appel de Nantes du 15 septembre 2025 : n°24NT01621

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Une simple remarque orale sur la nécessité d’élaguer la végétation débordant sur la voie publique suffit-elle à respecter la procédure contradictoire ?

 
Non répond la cour administrative d’appel de Nantes.

Pourquoi ? Parce qu’une indication trop générale ne permet pas au propriétaire :
✔ de présenter utilement ses observations (écrites ou orales),
✔ ni de se faire assister ou représenter par un conseil. 

De plus, la lettre de mise en demeure adressée ensuite par le maire n’invitait pas le propriétaire à formuler ses observations.

👉️ Conséquence : manquement à la procédure contradictoire prévue par le Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), entraînant l’annulation de l’arrêté imposant l’élagage et la coupe d’un pin dangereux.

 

Un administré est informé oralement par un agent du service espaces verts de la commune de la nécessité d’élaguer les pins dont les branches débordent sur la voie publique. Cette information verbale faisait suite à des préoccupations liées au risque de chute de branchages sur la chaussée et les réseaux aériens. Le propriétaire a alors indiqué qu’il n’élaguerait pas ses arbres.

Deux mois plus tard le maire adresse au propriétaire une mise en demeure, par courrier, lui enjoignant de procéder, à ses frais, à l’élagage des arbres surplombant le domaine public. 

 

Puis, quelques mois plus tard, constatant l’inertie du propriétaire, le maire prend un arrêté lui imposant : 

  •  la suppression d’un pin fortement incliné situé près de la gendarmerie ;
  •  la coupe de branches basses à grands déports et à risques sur trois pins (sur une hauteur d’environ 10 à 12 mètres) ; 
  •  la coupe de quatre à cinq grandes branches basses surplombant le chemin d’accès à la propriété.
 

L’intéressé conteste cet arrêté devant le tribunal administratif de Rennes, qui l’annule pour non-respect de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du Code des relations entre le public et l’administration. La cour administrative d’appel de Nantes confirme cette analyse en écartant les arguments de la commune. 

Pouvoirs du maire et fondements juridiques de la procédure contradictoire

Dans un premier temps, le juge rappelle les pouvoirs du maire en matière d’élagage.
 

En vertu des pouvoirs de police générale qu’il tient de l’article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le maire est garant du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité publiques sur le territoire communal. Le maire est notamment compétent pour « tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues (…) et voies publiques (…) ».

 

Le maire a le pouvoir de procéder à l’exécution forcée des travaux d’élagage pour mettre fin à l’avance des plantations privées sur l’emprise des voies communales (article L.2212-2-2 du même code). Les frais afférents aux opérations sont mis à la charge des propriétaires négligents. Toutefois, ces opérations ne peuvent intervenir qu’après une mise en demeure restée sans résultat.

 
Au titre de ses pouvoirs de police, le maire peut en effet enjoindre à un propriétaire de faire élaguer ses arbres qui empiètent sur la voie publique. Depuis la Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, le maire peut engager les travaux aux frais du propriétaire si celui-ci n’obtempère pas à la mise en demeure s’il s’agit de « voies sur lesquelles il exerce la police de la circulation en application de l’article L.2213-1 » (selon la nouvelle rédaction de l’article L.2212-2-2 issue de la loi « Engagement et Proximité » du 27 décembre 2019). Elagage de branches empiétant sur le domaine public routier : les pouvoirs du maire

 

 
Ce que dit le Code des relations entre le public et l’administration en matière de procédure contradictoire :
 

Article L.211-2 : obligation d’informer sans délai des motifs des décisions défavorables

 

Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives défavorables qui les concernent.

 Cela concerne notamment les décisions qui restreignent les libertés publiques ou qui sont des mesures de police.

 

Article L.121-1 : obligation de respecter le contradictoire avant toute décision individuelle défavorable

 

Avant de prendre une décision individuelle défavorable (comme celles visées à l’article L. 211-2), l’administration doit respecter une procédure contradictoire, sauf si elle statue sur une demande.

 

Article L.122-1 : obligation de permettre la présentation d’observations écrites et, sur demande, orales. La personne peut se faire assister ou représenter par un conseil.

 

La mise en demeure constitue une mesure de police soumise à ce titre à l’obligation de motivation, elle doit dès lors être précédée, sauf situation d’urgence, d’une procédure contradictoire en vertu de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 CAA Nantes, 30 novembre 2017 : n°16NT00747 
 

Une information orale jugée insuffisante

Dans cette affaire, l’administré a été informé verbalement par un agent du pôle espaces verts de la commune de son obligation de faire élaguer, à ses frais, les arbres de sa propriété dont les branches empiétaient sur le domaine public. 

Le juge considère que cette information était trop générale : elle ne comportait aucune précision sur le nombre exact d’arbres concernés ni sur leur localisation. Une telle indication n’a donc pas permis au propriétaire de présenter utilement des observations écrites ou, le cas échéant, orales ni de se faire assister ou représenter par un conseil de son choix.


Pas d’urgence avérée 

La commune soutenait que l’urgence justifiait de s’affranchir de la procédure contradictoire en raison du risque de chute des branches et de l’inclinaison très marquée du pin susceptibles d’entraver la circulation de véhicules de grande hauteur.
 
Le juge ne retient pas cet argument. La commune n’a pas démontré l’existence d’un danger imminent permettant une intervention sans procédure contradictoire : aucun incident, ancien ou récent, n’est constaté dans la rue du fait de la végétation débordante et aucun élément relatif à l’état sanitaire des pins n’établit une situation d’urgence.

En outre, dans la lettre de mise en demeure adressée par le maire, le propriétaire n’a pas été invité à présenter ses observations sur la mesure de police envisagée. Le principe du contradictoire n’a donc pas été respecté privant l’intéressé d’une garantie importante. 

L’arrêté en litige est entaché d’un vice de procédure justifiant son annulation.
La requête de la commune est rejetée.
 

 

A retenir :

👉️L’administration ne peut pas prendre une décision défavorable sans : 

✔Informer la personne concernée des motifs ayant conduit à cette décision ;

✔ Lui donner la possibilité de s’exprimer (écrit et/ou oral) ;

✔ Lui permettre d’être accompagnée ou représentée.

 

👉️ Une simple information orale ne suffit pas à respecter le contradictoire.

 

👉️La mise en demeure doit inviter à présenter des observations, faute de quoi la décision est entachée d’irrégularité.

 

👉️ Si l’urgence peut justifier une procédure accélérée, encore faut-il que l’urgence soit justifiée et avérée.