Une simple remarque orale sur la nécessité d’élaguer la végétation débordant sur la voie publique suffit-elle à respecter la procédure contradictoire ?
Pourquoi ? Parce qu’une indication trop générale ne permet pas au propriétaire :
✔ de présenter utilement ses observations (écrites ou orales),
✔ ni de se faire assister ou représenter par un conseil.
De plus, la lettre de mise en demeure adressée ensuite par le maire n’invitait pas le propriétaire à formuler ses observations.
👉️ Conséquence : manquement à la procédure contradictoire prévue par le Code des relations entre le public et l’administration (CRPA), entraînant l’annulation de l’arrêté imposant l’élagage et la coupe d’un pin dangereux.
Un administré est informé oralement par un agent du service espaces verts de la commune de la nécessité d’élaguer les pins dont les branches débordent sur la voie publique. Cette information verbale faisait suite à des préoccupations liées au risque de chute de branchages sur la chaussée et les réseaux aériens. Le propriétaire a alors indiqué qu’il n’élaguerait pas ses arbres.
Deux mois plus tard le maire adresse au propriétaire une mise en demeure, par courrier, lui enjoignant de procéder, à ses frais, à l’élagage des arbres surplombant le domaine public.
Puis, quelques mois plus tard, constatant l’inertie du propriétaire, le maire prend un arrêté lui imposant :
- la suppression d’un pin fortement incliné situé près de la gendarmerie ;
- la coupe de branches basses à grands déports et à risques sur trois pins (sur une hauteur d’environ 10 à 12 mètres) ;
- la coupe de quatre à cinq grandes branches basses surplombant le chemin d’accès à la propriété.
L’intéressé conteste cet arrêté devant le tribunal administratif de Rennes, qui l’annule pour non-respect de la procédure contradictoire prévue par les articles L. 121-1 et L. 122-1 du Code des relations entre le public et l’administration. La cour administrative d’appel de Nantes confirme cette analyse en écartant les arguments de la commune.
Pouvoirs du maire et fondements juridiques de la procédure contradictoire
En vertu des pouvoirs de police générale qu’il tient de l’article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), le maire est garant du bon ordre, de la sûreté, de la sécurité et de la salubrité publiques sur le territoire communal. Le maire est notamment compétent pour « tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues (…) et voies publiques (…) ».
Le maire a le pouvoir de procéder à l’exécution forcée des travaux d’élagage pour mettre fin à l’avance des plantations privées sur l’emprise des voies communales (article L.2212-2-2 du même code). Les frais afférents aux opérations sont mis à la charge des propriétaires négligents. Toutefois, ces opérations ne peuvent intervenir qu’après une mise en demeure restée sans résultat.
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Ce que dit le Code des relations entre le public et l’administration en matière de procédure contradictoire : Article L.211-2 : obligation d’informer sans délai des motifs des décisions défavorables Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives défavorables qui les concernent. Cela concerne notamment les décisions qui restreignent les libertés publiques ou qui sont des mesures de police. Article L.121-1 : obligation de respecter le contradictoire avant toute décision individuelle défavorable Avant de prendre une décision individuelle défavorable (comme celles visées à l’article L. 211-2), l’administration doit respecter une procédure contradictoire, sauf si elle statue sur une demande. Article L.122-1 : obligation de permettre la présentation d’observations écrites et, sur demande, orales. La personne peut se faire assister ou représenter par un conseil. |
Une information orale jugée insuffisante
Le juge considère que cette information était trop générale : elle ne comportait aucune précision sur le nombre exact d’arbres concernés ni sur leur localisation. Une telle indication n’a donc pas permis au propriétaire de présenter utilement des observations écrites ou, le cas échéant, orales ni de se faire assister ou représenter par un conseil de son choix.
Pas d’urgence avérée
En outre, dans la lettre de mise en demeure adressée par le maire, le propriétaire n’a pas été invité à présenter ses observations sur la mesure de police envisagée. Le principe du contradictoire n’a donc pas été respecté privant l’intéressé d’une garantie importante.
L’arrêté en litige est entaché d’un vice de procédure justifiant son annulation.
La requête de la commune est rejetée.
A retenir :
👉️L’administration ne peut pas prendre une décision défavorable sans :
✔Informer la personne concernée des motifs ayant conduit à cette décision ;
✔ Lui donner la possibilité de s’exprimer (écrit et/ou oral) ;
✔ Lui permettre d’être accompagnée ou représentée.
👉️ Une simple information orale ne suffit pas à respecter le contradictoire.
👉️La mise en demeure doit inviter à présenter des observations, faute de quoi la décision est entachée d’irrégularité.
👉️ Si l’urgence peut justifier une procédure accélérée, encore faut-il que l’urgence soit justifiée et avérée.