Le retrait d’animaux effectué par une association, en présence de la police municipale, constitue-t-il une voie de fait engageant la responsabilité de la commune ?
Le juge exclut tant la voie de fait que l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité de la commune.
La notion de voie de fait subsiste dans les hypothèses suivantes :
– exécution forcée dans des conditions irrégulières d’une décision entraînant une atteinte à la liberté individuelle ou l’extinction du droit de propriété,
– ou décision manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir administratif produisant les mêmes effets (Jurisprudence du Tribunal des conflits, 17 juin 2013 : n°13-03.911).
En l’espèce, aucune décision implicite du maire n’a ordonné l’enlèvement « définitif » relève la cour administrative d’appel.
En tout état de cause, il n’appartient pas au juge administratif de connaître de la validité de ce contrat de cession conclu entre la propriétaire et l’association (contrat de droit privé). La contestation de la cession relève du juge judiciaire conclut donc la cour administrative.
Mais, estimant avoir subi un préjudice psychologique lié à cette perte définitive, les propriétaires reprochent à la police municipale plusieurs voies de fait : contrainte à signer sous menace de poursuites pénales et en l’absence du conjoint, atteinte grave au droit de propriété et violation de domicile. Selon les requérants, l’intervention ne se limite pas à l’exécution d’un contrat privé : elle révèle une décision implicite de la commune d’ordonner l’enlèvement définitif des animaux, ce qui, à leurs yeux, caractérise une voie de fait. Ils soulignent que les animaux étaient en bonne santé et n’avaient subi aucun mauvais traitement.
Le couple réclame 100 000 euros à la commune. Le tribunal administratif rejette la demande, décision confirmée par la cour administrative de Paris.
Critères de la voie de fait
La cour administrative d’appel rappelle les critères de la voie de fait tels que définis par le Tribunal des Conflits en 2013 [1].
La voie de fait suppose :
✔ Soit l’exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d’une décision (même régulière) portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l’extinction d’un droit de propriété ;
✔ Soit une décision manifestement insusceptible d’être rattachée à un pouvoir appartenant à l’autorité administrative, produisant les mêmes effets d’atteinte à la liberté individuelle ou d’extinction d’un droit de propriété.
La reconnaissance de la voie de fait entraine la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation.
Le juge estime non établi que la police municipale ait contraint l’intéressée à signer la cession ; la mention par les agents d’éventuelles poursuites pénales ne suffit pas à démontrer la violence ou la contrainte.
Par conséquent, les services de police n’ont commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de la commune ni aucune voie de fait en proposant à la requérante de signer l’acte de cession.
En outre, aucune décision implicite du maire n’a ordonné l’enlèvement « définitif » ; l’opération au cours de laquelle les policiers ont accompagné les représentants de l’association s’inscrit dans l’exécution de la cession, non dans l’exécution d’un acte administratif.
Aux termes de l’article L.212-10 : Avant toute cession (vente ou don), les chiens, chats et furets doivent être identifiés par un procédé agréé (puce ou tatouage).
Cette obligation vaut aussi, hors cession, pour :
– les chiens de plus de 4 mois,
- les chats et furets de plus de 7 mois (nés après le 1er novembre 2021).
L’identification est à la charge du cédant (vendeur ou donneur).
Pas d’exécution forcée irrégulière par la commune
Ces opérations ne peuvent dès lors être qualifiées ni de voie de fait ni de faute de nature à engager la responsabilité de la commune.
Enfin, la juridiction administrative n’est pas compétente pour apprécier la validité du contrat de cession conclu entre l’intéressée et la Fondation " Assistance aux animaux " ; ce contrat relevant du droit privé.
La requête est rejetée. Aucune voie de fait ni aucune faute de la commune n’est caractérisée.
Maltraitance des animaux et pouvoirs de police :
Dans une affaire examinée par la cour administrative d’appel de Nancy , un maire avait ordonné le placement de quatre chiens auprès d’une association en invoquant des mauvais traitements. Le juge annule l’arrêté, le maire n’était pas compétent pour prendre une telle décision sur le fondement des articles L. 214-23 et R. 214-17 du code rural et de la pêche maritime. La mesure ne relevait pas davantage des pouvoirs de police municipale prévus à l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales "dès lors que les mauvais traitements envers les animaux ne relèvent ni du bon ordre, ni de la sécurité ou de la salubrité publiques". En outre, il n’était pas établi que les animaux divaguaient ou troublaient la tranquillité publique. Enfin la commune ne démontrait pas l’existence d’un danger grave ou imminent justifiant l’exécution immédiate de mesures de sûreté au sens des dispositions de l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales.
Le maire doit signaler les cas de maltraitance constatés sur sa commune.
Sont considérés comme étant en état de divagation, les animaux errants sans détenteur, ou dont le détenteur refuse de se faire connaître, trouvés pacageant sur des terrains appartenant à autrui, sur les accotements ou dépendances des routes, canaux, chemins ou sur des terrains communaux (Article L.211-20 du code rural et de la pêche maritime).