Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Chute d’un bénévole en installant des guirlandes depuis une nacelle : la commune condamnée

Cour administrative d’appel de Nantes du 15 septembre 2025 : n° 24NT01588

Un bénévole chute d’une nacelle mise à disposition par la commune lors de la pose de guirlandes de Noël : la commune est-elle responsable alors qu’un autre bénévole avait omis de refermer la barrière de sécurité ?

 

Oui, répond la cour administrative de Nantes. La victime participait bénévolement à une activité d’intérêt général consistant à installer les décorations lumineuses pour les fêtes de Noël ; elle doit donc être regardée comme collaborateur occasionnel du service public, ce qui engage la responsabilité sans faute de la commune.

La circonstance que l’accident soit en grande partie imputable à la négligence d’un autre bénévole (qui n’avait pas refermé la barrière en quittant la nacelle) n’exonère pas la commune, la faute d’un tiers n’étant pas une cause d’exonération dans ce régime.

En revanche, la cour retient une faute de la victime, justifiant une exonération à hauteur de 20 %. En effet, le collaborateur disposait des compétences requises (certificat d’aptitude à l’utilisation de plateformes élévatrices), et a fait preuve d’imprudence en travaillant à plus de 7 mètres du sol sans harnais de sécurité et sans vérifier la fermeture de la barrière.

 
Deux bénévoles participent à la mise en place des décorations de Noël pour une commune, en utilisant une nacelle prêtée par celle-ci. En tendant du matériel à son coéquipier, qui avait quitté la nacelle pour passer un câble sans refermer la barrière, l’un des bénévoles qui ne portait pas de harnais, fait une chute de 7 mètres.

La victime et ses ayants-droit recherchent la responsabilité de la commune lui reprochant un manquement dans les mesures de sécurité nécessaires. En première instance la commune est condamnée à verser près de 400 000 euros au bénévole et aux assureurs. 

En appel, la cour administrative d’appel confirme la responsabilité de la commune sur le fondement de la responsabilité sans faute applicable aux collaborateurs occasionnels du service public. Elle retient également une faute de la victime, mais en porte la part d’exonération de la commune à 20 %, contre 10 % en première instance.
 

Collaborateur occasionnel : la commune responsable sans faute


Le collaborateur occasionnel bénéficie d’un régime protecteur. Lorsque la qualité de collaborateur occasionnel est reconnue à la victime, cette dernière peut engager la responsabilité sans faute de l’administration.
 
Exemples où la qualité de collaborateur occasionnel a été retenue :
  • Un particulier qui participe à l’animation d’une fête organisée par la commune doit être regardé comme un collaborateur bénévole du service public communal (fête de Noël à destination des enfants défavorisés de la commune) -  Conseil d’Etat, 5 juin 2009 : n°312103
  • Une commune est déclarée entièrement responsable de l’accident mortel survenu à un participant à une manifestation nautique qui était chargé par la collectivité de tirer des feux de type " marrons d’air " depuis son bateau - Cour Administrative d’Appel de Marseille, 13 juillet 2016, N° 14MA02062
 
Au cas présent, la cour administrative d’appel confirme la qualité de collaborateur occasionnel du service public : l’intervention effective du bénévole répondait à un intérêt général (décoration festive pour la collectivité).
 

Imprudence du collaborateur : une faute qui exonère partiellement la commune

Pour le requérant et ses ayants-droits (épouse et enfants) la responsabilité de la commune est pleine et entière celle-ci n’ayant pas, selon eux, pris les mesures de sécurité nécessaires.

La cour administrative de Nantes, comme le tribunal administratif de Rennes, retient toutefois une faute du collaborateur.

Le bénévole disposait en effet des compétences requises pour utiliser la nacelle (certificat d’aptitude à la conduite de plates-formes), il a manqué de vigilance. Alors qu’il se trouvait à plus de sept mètres du sol, il ne portait pas de harnais de sécurité disponible dans la nacelle (présence attestée par le loueur) et n’a pas vérifié la fermeture de la barrière de sécurité.

Ces imprudences justifient une réduction de responsabilité portée à 20 % (contre 10 % en première instance), la commune restant responsable à hauteur de 80 %. La cour rappelle que la faute d’un tiers (en l’espèce, l’autre bénévole qui n’avait pas rabaissé la barrière) n’exonère pas la commune.

La commune devra verser près de 34 000 euros aux ayants-droit (la victime est décédée quelques jours avant l’audience) et environ 309 000 euros aux assureurs.
 
La cour administrative d’appel de Douai avait retenu la faute d’imprudence des collaborateurs occasionnels dans une affaire où deux administrés, volontaires pour élaguer des arbres menaçant la sécurité publique, avaient chuté de la nacelle mise à disposition par la commune , l’un était décédé, l’autre est grièvement blessé. En dépit des pictogrammes apposés sur le chariot, les règles élémentaires de sécurité relatives au déploiement sur une hauteur de 17 mètres n’avaient pas été respectées (pas de port de casque, ni de harnachement, non respect du poids maximum requis à bord). De plus, le chariot avait été utilisé un jour de vent fort, principal responsable du basculement de la nacelle. La cour administrative avait estimé que cette faute réduisait la responsabilité de la commune à hauteur de 30% - Cour administrative d’appel de Douai, 3 février 2015, n° 13DA01456 et n° 13DA01434
 
 

À retenir pour les collectivités

✔ Collaborateur occasionnel  : Un bénévole participant à une activité d’intérêt général (ex. installation de décorations de Noël) bénéficie du régime protecteur de la responsabilité sans faute de la collectivité.
✔ Responsabilité de la commune : Engagée même si l’accident résulte en partie de la faute d’un tiers.
 Faute de la victime : Peut réduire l’indemnisation (ici, 20 %), notamment en cas d’imprudence (ici absence de harnais, non-vérification de la barrière de sécurité).
✔ Mesures de prévention : 
o Vérifier la conformité et l’adaptation du matériel prêté et les qualifications des bénévoles lorsque ceux-ci doivent utiliser un matériel qui nécessite des habilitations spécifiques. 
o Informer et sensibiliser les bénévoles aux règles de sécurité (port des EPI, procédures) et se montrer ferme sur le respect de celles-ci. 

Il est fortement recommandé de confier en priorité les travaux à risque à des agents de la collectivité habilités et formés ou à des entreprises spécialisées.