Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

La jurisprudence pénale des acteurs de la vie territoriale - Juillet/Août 2025

Dernière mise à jour le 02/10/2025

Retrouvez un résumé des décisions de la justice pénale recensées par l’Observatoire SMACL relatives à la responsabilité pénale des élus locaux, des fonctionnaires territoriaux et des acteurs de la vie associative. Certaines décisions ont été médiatisées, d’autres moins mais sont tout aussi instructives.

 

Les jugements et arrêts recensés ne sont pas tous définitifs. Ils peuvent donc être infirmés en appel ou annulés en cassation. Jusqu’à l’expiration des voies de recours, les personnes poursuivies bénéficient toujours de la présomption d’innocence. En attendant l’open data des décisions de la justice pénale, nous sommes tributaires des retours dans la presse, notamment locale, de certaines affaires évoquées dans cette rubrique. Malgré le sérieux et le professionnalisme des journalistes, des imprécisions sur la nature exacte des faits reprochés, des qualifications retenues et des moyens de défense invoqués ne sont pas à exclure. Le but de cette rubrique n’est pas de jeter le discrédit sur les acteurs de la vie territoriale et associative qui, comme le démontrent nos chiffres, sont intègres et diligents dans leur très grande majorité. Il s’agit de recenser et résumer les décisions de justice, en respectant l’anonymat des personnes impliquées, pour attirer l’attention des acteurs publics locaux et associatifs sur les risques juridiques encourus dans l’exercice de leurs fonctions et leur permettre de dégager des axes de prévention pertinents dans leurs pratiques quotidiennes.
 
Les symboles ❌ ou ✅ ne constituent pas un jugement de valeur mais sont de simples repères visuels permettant au lecteur d’identifier plus facilement l’issue favorable (✅) ou défavorable (❌) de la procédure pour les personnes mises en cause.
 

Tribunal correctionnel de Bergerac, 1er juillet 2025

Condamnation de quatre élus municipaux (commune de moins de 2 000 habitants) pour prise illégale d’intérêts, et pour deux d’entre eux, également pour abus de confiance.

Il leur est reproché d’avoir utilisé les ressources d’une association locale pour soutenir les finances de la commune. En 2013, l’association avait acquis un bâtiment communal (ancienne perception) pour y installer un médecin et une salle de catéchisme, à un prix (240 000 euros) largement supérieur à l’estimation des Domaines (135 000 euros), même en tenant compte des travaux réalisés en amont.

Le tribunal prononce des peines d’amende avec sursis : 4 000 euros pour deux prévenus, dont un adjoint, assorties de deux ans d’inéligibilité ; 2 000 euros pour les deux autres conseillers municipaux, également assorties de deux ans d’inéligibilité. Le maire en fonction à l’époque des faits, également mis en cause, est décédé en cours de procédure. 

Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 1er juillet 2025

Condamnation d’un maire (commune de moins de 10 000 habitants) pour abus de faiblesse.

Il lui est reproché d’avoir fait signer et certifier une procuration permettant la vente d’un bien immobilier au profit d’une ancienne relation personnelle, alors que le vendeur, hospitalisé et atteint de pathologies graves, se trouvait en situation de vulnérabilité. L’acte avait été signé sur un lit d’hôpital, dans un contexte où l’élu était à la fois partie prenante et garant de la légalité de la procédure. Le tribunal a estimé que l’état de santé du vendeur, aujourd’hui décédé, était incompatible avec une signature valable.
La cour confirme la culpabilité du prévenu et prononce une peine de 18 mois d’emprisonnement avec sursis, une amende de 30 000 euros, et trois ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. En application de l’article L.236 du code électoral, le préfet a pris acte de cette décision dès le lendemain par arrêté, entraînant la perte immédiate de ses mandats électoraux. La défense, qui contestait toute intention frauduleuse et plaidait la relaxe, a annoncé se pourvoir en cassation. 

 

Tribunal correctionnel de Marseille, 3 juillet 2025


Condamnation d’un ancien adjoint au maire (commune de plus de 10 000 habitants) pour violences volontaires en réunion.
Il lui est reproché d’avoir participé, avec trois autres personnes, à des violences commises contre deux militants politiques en janvier 2025, alors qu’ils collaient des affiches. Les faits, filmés par une caméra de vidéosurveillance, montrent un attroupement au cours duquel l’un des militants est roué de coups. L’affaire avait conduit à la suspension de l’élu de ses fonctions d’adjoint par le maire, dans l’attente du jugement.
Le tribunal prononce une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis et une amende de 5 000 euros, sans peine d’inéligibilité. Trois autres prévenus, dont un ancien député et un élu local, sont également condamnés à des peines allant de six mois à un an de prison avec sursis. 
 

❌ Tribunal correctionnel de Marseille, 7 juillet 2025

 

Condamnation d’un ancien adjoint au maire d’une commune de plus de 10 000 habitants pour homicides involontaires, après l’effondrement de deux immeubles vétustes ayant causé la mort de huit personnes.

Il lui est reproché, en sa qualité d’adjoint en charge du logement insalubre, de ne pas avoir mis en œuvre une politique de prévention suffisante face aux risques liés aux immeubles en péril. Le tribunal souligne l’absence de mobilisation et de mesures concrètes, malgré les alertes récurrentes sur l’état du bâti. Il retient que les fautes commises ne sont pas détachables de ses fonctions.

Le tribunal prononce une peine de deux ans d’emprisonnement avec sursis, une interdiction d’exercer une fonction publique pendant cinq ans, ainsi qu’une amende de 8 700 €. L’indemnisation est prise en charge par la collectivité, au même titre que les frais de défense. 

Dans le même dossier :

  • L’architecte ayant autorisé la réintégration des habitants est condamné à deux ans de d’emprisonnement avec sursis et à une interdiction définitive d’exercer ;
  • Trois copropriétaires sont condamnés à des peines allant jusqu’à quatre ans de d’emprisonnement, dont deux ans ferme sous bracelet électronique ;
  • Le syndic de copropriété est condamné à 100 000 € d’amende ;
  • Le bailleur social propriétaire de l’un des immeubles et ses dirigeants sont relaxés, faute de lien de causalité établi.

Plusieurs parties civiles, le parquet et des prévenus ont relevé appel.

 

✅ Tribunal correctionnel d’Annecy, 21 juillet 2025

Relaxe du maire d’une commune de moins de 7 500 habitants, poursuivi pour prise illégale d’intérêts dans le cadre de l’instruction d’un permis de construire.

Il lui était reproché d’avoir autorisé, en 2016, la construction puis l’exploitation sous forme hôtelière de plusieurs chalets de luxe, en contradiction avec le plan local d’urbanisme. Le bénéficiaire du permis, mécène important de la commune, avait contribué au financement de la rénovation de plusieurs chapelles. Plusieurs associations environnementales, constituées parties civiles, dénonçaient un traitement de faveur. Le tribunal a estimé que la culpabilité de l’élu n’était pas établie, en l’absence de preuve d’un accord préalable ou d’un intérêt personnel.

Le maire, en poste depuis 2001, a toujours contesté les faits. Il a été profondément affecté par la procédure, qu’il a qualifiée d’« épreuve destructrice ». Le tribunal a également relaxé son ancien adjoint, poursuivi dans le même dossier. Les constitutions de partie civile ont été rejetées.

 

Cour de cassation, chambre criminelle, juillet 2025*

Non admission du pourvoi formé par l’ancien maire d’une commune de plus de 10 000 habitants, condamné pour prise illégale d’intérêts.
Les faits concernaient le recrutement, en 2020, de la sœur d’une adjointe au poste de présidente d’une société publique locale chargée de la collecte des déchets, malgré l’avis défavorable du cabinet de recrutement et l’absence de compétences spécifiques dans ce domaine. La candidature avait été retenue avec un salaire supérieur à 5 000 € par mois, avant une démission sous la pression.
Le tribunal correctionnel avait condamné l’élu en 2022 à 6 mois d’emprisonnement avec sursis, 3 ans d’inéligibilité et 5 000 € d’amende. La cour d’appel, le 23 mai 2024, a confirmé la culpabilité et aggravé la peine : 8 mois avec sursis, 10 000 € d’amende et 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, entraînant la perte immédiate de ses mandats.
La non admission du pourvoi du prévenu par la Cour de cassation rend la condamnation définitive.

 
* date précise non déterminée

Tribunal correctionnel de Nice, 6 août 2025

Relaxe d’un ancien maire, du maire en exercice et de quatre agents municipaux (commune de moins de 2 000 habitants) poursuivis pour abandon de déchets en bordure d’un cours d’eau.
Il leur était reproché d’avoir, pendant plus de dix ans, déversé régulièrement les résidus issus des balayeuses municipales et les cendres de la chaufferie au bord d’un fleuve côtier. Les dépôts comprenaient principalement des matières naturelles (feuilles mortes, terre, gravier), mais aussi des déchets urbains (mégots, canettes, emballages). Cette pratique, tolérée de longue date, avait également favorisé l’abandon de déchets par des particuliers. En 2017, la commune avait installé une barrière et un panneau « dépôts interdits », tout en maintenant un accès pour le vidage des balayeuses. L’ancien maire soutenait qu’il s’agissait de "déchets non polluants" et que cette méthode aurait permis à la commune d’économiser 300 000 euros.
Le tribunal a jugé que les auditions des agents n’étaient pas recevables en l’absence de leur avocat, que les éléments matériels ne permettaient pas de caractériser l’infraction, et que certaines dispositions du code de l’environnement n’étaient pas applicables au moment des faits.
Le parquet a annoncé relever appel de la relaxe, à l’exception du maire en exercice, pour lequel la relaxe avait été requise. Celui-ci avait mis fin à la pratique et déclaré avoir découvert son existence lors de l’ouverture de l’enquête.

Tribunal correctionnel de Gap, 7 août 2025

Condamnation d’un sapeur-pompier volontaire, pour destruction de biens mettant en danger autrui

Il lui est reproché d’avoir allumé cinq incendies volontaires sur plusieurs communes. Les départs de feu suspects ont conduit les enquêteurs à identifier le prévenu, dont les motivations n’ont pas été établies. Suspendu dans un premier temps à titre conservatoire, il a été ensuite radié définitivement des effectifs.

Le tribunal prononce une peine de deux ans d’emprisonnement, dont quatre mois ferme, assortie d’une obligation de soins, d’une recherche d’emploi et d’une indemnisation des victimes. 

 

Tribunal correctionnel de Paris, 7 août 2025

Condamnation d’un ancien adjoint (commune de plus de 10 000 habitants), pour prise illégale d’intérêts et abus de confiance.

Il lui est reproché d’avoir participé à des délibérations attribuant des subventions à une association qu’il avait cofondée et pour laquelle il travaillait comme consultant rémunéré. L’affaire a débuté en 2021 à la suite d’une dénonciation anonyme, suivie d’un signalement au parquet par la collectivité sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale. Le prévenu avait auparavant réglé un redressement fiscal pour des revenus non déclarés.

Le tribunal prononce une peine de six mois d’emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d’amende, trois ans d’inéligibilité, ainsi que le versement d’un euro symbolique de dommages et intérêts et 1 500 euros de frais de justice à la collectivité, constituée partie civile. Le jugement va au-delà des réquisitions du parquet, qui avait demandé la relaxe pour les faits d’abus de confiance. Le prévenu a interjeté appel.

La défense conteste la décision, évoquant un dossier vide, un traitement discriminatoire et l’absence de plainte de la structure concernée. L’association bénéficiaire des subventions a exprimé son soutien au prévenu, saluant son action. Le prévenu dénonce une procédure marquée par l’acharnement, une absence d’accès au dossier pendant plus de trois ans, et affirme n’avoir tiré aucun bénéfice personnel des faits reprochés.

 

Cour d’appel de Bordeaux, 28 août 2025

Condamnation d’une commune de moins de 3 500 habitants pour blessures involontaires après un accident du travail survenu à un agent communal.

Le 12 mars 2021, un employé municipal fabriquait des jardinières en bois lorsqu’il a été grièvement blessé par une toupie à bois, entraînant l’amputation de deux doigts. L’enquête a révélé plusieurs manquements : absence de consignes de sécurité dans l’atelier, absence de coupe-circuit sur la machine et défaut de formation adaptée.

En première instance, le tribunal avait condamné la commune. Celle-ci a interjeté appel, contestant toute responsabilité et soutenant que l’activité en cause ne pouvait faire l’objet d’une délégation de service public. La cour d’appel rejette l’argument et juge « préoccupante » l’absence de conscience des risques par la collectivité.

La commune est condamnée à une amende et à verser 2 500 € au titre des frais de justice à l’agent. Aucun pourvoi en cassation n’a été formé.