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Chronique de jurisprudence - sélection de décisions rendues entre mars et avril 2025

Dernière mise à jour le 7 mai 2025

Nous vous proposons une sélections de courts résumés de décisions de justice (classées par thématiques) intéressant les collectivités territoriales avec les points clés à retenir. 

Assurances

Action en répétition de l’indu contre un assuré auteur d’une fausse déclaration de sinistre

Pour rejeter la demande de restitution de l’assureur, la cour d’appel retient qu’il produit uniquement une capture d’écran d’un logiciel mentionnant le versement de la somme de 5 000 euros à titre d’acompte et ne verse pas aux débats la lettre adressée à l’assuré précisant si cette somme a été versée sous réserve de garantie.
La cour d’appel en déduit que l’assureur ne peut pas soutenir que la somme a été versée à tort.

L’arrêt est cassé pour avoir exigé une condition supplémentaire à la répétition et violé l’article 1235 (devenu 1302) du code civil, selon lequel « ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution », et l’article 1376 (devenu 1302-1) du code civil, selon lequel « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu ».

👉 Aucun préjudice n’était démontré, l’assureur n’était tenu à aucune dette. L’assureur est en droit de réclamer la restitution de l’acompte versé.

 
 
    

Assurance dommages-ouvrage - Frais de gardiennage (non)

 
Les frais de gardiennage pendant les travaux de réparation ne relèvent pas de la garantie de l’assureur DO.
 
Le contrat d’assurance dommages-ouvrage ne garantit, au-delà du paiement des travaux de réparation des dommages, que le paiement des travaux de démolition, déblaiement, dépose ou démontage éventuellement nécessaires".

Pour condamner l’assureur dommages-ouvrage à payer une certaine somme comprenant des prestations supplémentaires d’agents de sécurité pendant la durée du chantier de reprise, l’arrêt retient que ces frais, nécessaires, sont indissociables des travaux de reprise.

👉 En statuant ainsi, alors que ces frais ne font pas partie de ceux garantis de manière obligatoire par le contrat d’assurance dommages-ouvrage, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

 
 

Commande publique

Protocole transactionnel illicite

Une commune confie à une société un marché de fournitures et de livraisons de plats principaux dans les restaurants scolaires et accueils de loisirs de la commune. Ce marché est annulé.

Pour régler les conséquences de l’annulation, un protocole transactionnel est conclu entre les parties.
Par ce protocole la commune s’engage à verser à la société la quasi-totalité de sa rémunération fixée par le marché annulé par le juge.

Le juge souligne que le marché a été annulé et que, par suite, il est réputé n’avoir jamais existé. Il n’a donc pu faire naître aucune obligation contractuelle à la charge de la commune.Ainsi, la transaction visant en réalité à donner son plein effet à un marché résolu en assurant au cocontractant le versement de la quasi-totalité de la rémunération stipulée par ce marché, a un objet illicite et méconnaît l’autorité absolue de chose jugée résultant du jugement précité.
👉Le protocole litigieux comporte une libéralité (interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités). La cour administrative d’appel confirme le jugement du tribunal administratif de Versailles annulant le protocole conclu avec la commune.

 
 

Contentieux & procédures

Délai raisonnable Czabaj : le délai ne s’applique pas aux demandes indemnitaires formulées dans le cadre de l’exécution d’un contrat public.

Une communauté de communes s’oppose à une demande indemnitaire formulée par une société titulaire d’un contrat de délégation de service public. La communauté de communes soutient que l’action indemnitaire est forclose car le délai raisonnable de recours d’un an institué par la décision " Czabaj " est expiré (CE, 13 juillet 2016 : n°387763).

👉Le délai Czabaj ne s’applique pas aux demandes indemnitaires formulées dans le cadre de l’exécution d’un contrat public dit le juge.La cour souligne que les dispositions des articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de justice administrative (délais d’introduction d’un recours) sont inapplicables aux mesures prises pour l’exécution d’un contrat, ainsi que l’a depuis précisé l’article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue de l’article 24 du décret du 7 février 2019. En l’absence de stipulation contractuelle le prévoyant, aucun délai de recours n’a donc commencé à courir.

 

 

Domaine & patrimoine

Désaffectation d’un bien du domaine public et changement de statut de l’activité

 
Une communauté urbaine est propriétaire et gestionnaire du marché de gros qui comprend une halle dite " aux grossistes ", accueillant des entreprises de commerce de gros ou de demi-gros en fruits, légumes et fleurs issus de la production locale. Le bureau de la la communauté urbaine autorise la vente de deux halls de la halle aux grossistes.
 

Plusieurs décisions sont prises :

  • une délibération par laquelle le conseil de la communauté urbaine prévoit le retrait de la halle aux grossistes du marché de gros et modifie en conséquence le périmètre dans lequel s’applique son règlement intérieur ;
  • une délibération par laquelle le conseil de la communauté urbaine constate la désaffectation des parcelles correspondantes et procède à leur déclassement du domaine public ;
  • les parcelles litigieuses sont ensuite vendues à une société.

L’association des producteurs du marché et d’autres entreprises demandent l’annulation de ces actes.

La cour administrative d’appel fait droit à la requête. Elle considère que la modification du règlement du marché ne pouvait entraîner la désaffectation puisque le site était toujours partiellement occupé par un commerçant.

La délibération «  qui modifiait le règlement du marché de gros en vue d’en réduire le périmètre, ne pouvait avoir pour objet ni pour effet d’entraîner la désaffectation de la halle aux grossistes ». La cour en conclut que « dans la mesure où les bâtiments en cause ne pouvaient être regardés comme entièrement désaffectés à la date de la délibération en raison de la persistance d’une occupation partielle de cet entrepôt par la société (…) , cette délibération était entachée d’un détournement de pouvoir ».

Tel n’est pas l’avis du Conseil d’État qui estime que la cour administrative a commis une erreur de droit.

La communauté urbaine « pouvait légalement modifier, pour des motifs de bonne administration, le périmètre sur lequel s’applique son règlement intérieur et prendre une mesure susceptible d’entraîner la désaffectation de tout ou partie de la halle aux grossistes au service public dont elle a la charge, quand bien même des entreprises continueraient d’y exercer une activité de commerce de gros ».

👉 Le changement de statut de l’activité (perte du statut d’activité de service public) peut valoir désaffectation matérielle.

 
 

Ecole & petite enfance

Crèche municipale - Usager blessé par une porte sans dispositif de ralentissement ni protection anti-pince doigts

Une grand-mère vient récupérer son petit-fils à la crèche municipale. Avec l’enfant tenu dans ses bras, elle franchit la porte séparant la cour de récréation des locaux de la crèche. La porte de cet établissement se referme brusquement sur sa main droite sous la poussée d’un groupe d’enfants jouant seuls dans la cour de récréation.
Le juge souligne que « l’ouvrant était équipé d’une poignée placée assez proche de son cadre et relevée à la verticale, configuration générant, pour la personne la manipulant, un risque de positionnement des doigts entre le bord de la porte et ce cadre et, ainsi, de survenue d’un accident ».
👉La porte n’était pas équipée d’un dispositif de ralentissement de sa fermeture ni d’un dispositif anti-pince doigts. Le juge retient également un défaut de surveillance des enfants constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité du centre communal d’action sociale.
 
 

Pouvoirs de police

Arrêté d’interdiction de stationnement des gens du voyage (pouvoir de police du maire) - Aire d’accueil occupée depuis plus de 3 ans par des familles sédentarisées - Mise en demeure de quitter les lieux (arrêté préfectoral annulé)


Des gens du voyage installés sans autorisation sur le territoire d’une commune sont mis en demeure par la préfète de quitter les lieux dans un délai de 24h. L’arrêté d’interdiction de stationnement pris par le maire de cette commune sert de fondement à l’arrêté préfectoral.
La décision de la préfète est annulée par la cour administrative d’appel de Versailles. La cour juge que l’interdiction de stationnement des résidences mobiles adoptée par le maire ne peut plus servir de base légale à la mise en demeure de la préfète de quitter les lieux . En effet, l’ aire d’accueil dont dispose la commune est occupée depuis plus de 3 ans par des familles sédentarisées.
👉Compte tenu de la durée de cette occupation, l’aire d’accueil ne pouvait plus être regardée comme ouverte à l’accueil des gens du voyage itinérants dont la durée maximum du séjour sur ces aires est fixée en principe à trois mois consécutifs rappelle le juge. Par conséquent, la commune n’était plus dotée d’une aire permanente d’accueil.
👉 L’interdiction de stationnement adoptée par le maire ne pouvait plus servir de base légale à la mise en demeure de la préfète de quitter, dans un délai de vingt-quatre heures, les lieux. L’arrêté préfectoral est annulé.
 
 

 

 

Santé & sécurité au travail 


Annonce du rejet d’une candidature à un poste dans un autre service - Choc émotionnel - Accident de service (non)

La requérante soutient avait été victime d’un accident de service lors de l’annonce du rejet de sa candidature à un poste dans un autre service (choc émotionnel alors que des échanges avec la cadre dudit service lui avait laissé comprendre le contraire). Cet évènement a déclenché un état anxio-dépressif.
Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’agent aurait reçu de telles promesses de la part de sa cadre de santé dans le but précis de ne pas les tenir ensuite, ni que les circonstances dans lesquelles s’est déroulée l’annonce du rejet de sa candidature auraient donné lieu à des comportements ou des propos inappropriés ou excessifs.
👉 Dans ces conditions, l’évènement ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent, susceptible d’être qualifié d’accident de service.
 
 
 

La rente accident du travail n’indemnise plus le déficit fonctionnel permanent.

 
La Cour de cassation annule un arrêt qui a jugé le contraire en se référant à la jurisprudence antérieure au revirement opéré par la Cour de cassation le 20 janvier 2023.

La rente ou l’indemnité en capital versée à la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle ne répare pas le déficit fonctionnel permanent (Cass. Ass. plén., 20 janvier 2023, n° 20-23.673 et 21-23.947, décision mentionnée dans Actualité Juridique Avril 2023).

👉 Il est désormais jugé que la victime d’une faute inexcusable peut prétendre à la réparation du déficit fonctionnel permanent, que la rente ou l’indemnité en capital n’ont pas pour objet d’indemniser (Cass., 2 Civ., 16 mai 2024 : n° 22-23.314).

 
 

Urbanisme

Avis du Conseil d’État : Refus d’autorisations d’urbanisme et prescriptions spéciales - Légalité

L’autorité administrative compétente dispose, sans jamais y être tenue, de la faculté d’accorder le permis de construire ou de ne pas s’opposer à la déclaration préalable en assortissant sa décision de prescriptions spéciales qui, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet, ont pour effet d’assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect.

👉Le pétitionnaire auquel est opposée une décision de refus de permis de construire ou d’opposition à déclaration préalable ne peut utilement se prévaloir devant le juge de l’excès de pouvoir de ce que l’autorité administrative compétente aurait dû lui délivrer l’autorisation sollicitée en l’assortissant de prescriptions spéciales.

 

 

Convention de mise à disposition des services instructeurs des autorisations d’urbanisme et clause de renonciation à recours

Après avoir autorisé l’aménagement d’un lotissement, puis délivré en 2018 deux permis de construire sur des parcelles de ce lotissement, le maire d’une commune a indiqué aux bénéficiaires de ces autorisations que le plan de prévention des risques naturels prévisibles, approuvé par arrêté préfectoral en avril 2016, classait leurs terrains en zone bleu foncé en raison d’un risque moyen de mouvement de terrain, que ces terrains étaient ainsi inconstructibles et que les travaux en cours de réalisation devaient être interrompus.

Les pétitionnaires demandent au juge de condamner la commune à leur verser une somme de plus de 270 000 euros en réparation des préjudices subis dans le cadre de cette opération d’urbanisme.

Le tribunal administratif condamne la commune à indemniser les bénéficiaires des autorisations d’urbanisme des préjudices subis par sa faute et l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) dont les services avaient instruit ces autorisations d’urbanisme, à garantir la commune des condamnations prononcées à son encontre. Sur appel de l’EPCI, la cour administrative d’appel annule le jugement. La commune se pourvoit en cassation.
 

Par convention, l’EPCI a mis à disposition de la commune son service instructeur du droit des sols sur le fondement des dispositions de l’article R.* 423-15 du code de l’urbanisme. La convention prévoit que la mise à disposition du service instructeur donne lieu à rémunération au profit de l’EPCI (contribution correspondant aux charges liées au fonctionnement du service mis à disposition et supportées par l’EPCI).

La convention contient également une clause de renonciation à exercer un recours contre l’EPCI en cas de contentieux. La clause est ainsi rédigée :

« Dans l’hypothèse où la commune (...) serait attraite dans un contentieux indemnitaire relatif à un permis, une déclaration ou un certificat d’urbanisme ayant été instruit par les services de la communauté urbaine mis à disposition dans le cadre de la présente convention, elle renonce à appeler cette dernière en garantie. La commune ...) restera seule responsable des éventuelles irrégularités commises par le service instructeur mis à sa disposition dans le cadre des opérations d’instruction des permis et des déclarations, et agissant sur l’instruction du maire (...). Seront également à la charge de la commune (…) l’ensemble des dépenses liées au contentieux de l’urbanisme, notamment les condamnations aux dépens, les frais irrépétibles et les condamnations d’ordre indemnitaire ".

Quelle est la portée de cette clause ?

La cour administrative d’appel de Toulouse avait estimé que la commune ne pouvait se prévaloir de l’article L. 2131-10 du code général des collectivités territoriales pour écarter l’application de la clause de renonciation à recours. Selon cet article " sont illégales les décisions et délibérations par lesquelles les communes renoncent soit directement, soit par une clause contractuelle, à exercer toute action en responsabilité à l’égard de toute personne physique ou morale qu’elles rémunèrent sous quelque forme que ce soit ".

Pour le juge d’appel : « la convention de mise à disposition en litige, qui prévoit le seul remboursement des frais de fonctionnement du service instructeur conformément au IV de l’article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales, si elle est conclue à titre onéreux, ne peut être regardée comme prévoyant une rémunération d’une personne physique ou morale au sens et pour l’application des dispositions de l’article L. 2131-10 ». La clause de renonciation à tout appel en garantie ne constitue pas une clause illégale.

Tel n’est pas l’avis du Conseil d’État.

👉Une convention de mise à disposition des services d’un établissement public de coopération intercommunale au profit d’une de ses communes membres qui prévoit, conformément aux dispositions du IV de l’article L. 5211-4-1 du code général des collectivités territoriales, le remboursement des frais de fonctionnement du service instructeur constitue un contrat prévoyant la rémunération d’une personne physique ou morale au sens des dispositions de l’article L. 2131-10 du même code. Une telle convention ne peut donc légalement contenir de clause stipulant que la commune concernée renonce à exercer toute action en responsabilité à l’égard de l’établissement public de coopération intercommunale.
Le Conseil d’État estime que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en écartant l’application de l’article L. 2131-10 du CGCT au motif que la convention de mise à disposition de services conclue entre l’EPCI et la commune n’aurait pas prévu de rémunération de l’EPCI au sens de cet article.

Le Conseil d’État renvoie l’affaire devant la cour administrative d’appel de Toulouse.

 
 

Voirie & sécurité routière

Chute d’un cycliste en raison d’un ralentisseur - Ralentisseur non conforme - Faute de la victime : exonération totale


Les règles de dimension et d’implantation des ralentisseurs sont fixées par le décret du 27 mai 1994 (décret relatif aux caractéristiques et aux conditions de réalisation des ralentisseurs de type dos d’âne ou de type trapézoïdal).
L’article 3 de l’annexe du décret du 27 mai 1994 dispose : " L’implantation des ralentisseurs :

 est interdite sur des voies où le trafic est supérieur à 3 000 véhicules en moyenne journalière annuelle,

 est également interdite en agglomération au sens du code de la route sur les voies dont la déclivité est supérieure à 4 p. 100.
Dans cette affaire, le juge relève que le ralentisseur est implanté sur une voie présentant une déclivité d’environ 11 %. Peu importe la circonstance invoquée par la commune selon laquelle la voie communale ne présenterait pas, pris dans son entièreté, un tel pourcentage.
Par conséquent, le ralentisseur n’est pas conforme à la réglementation en vigueur.
La cour administrative d’appel retient également que le ralentisseur ne comportait aucune peinture de revêtement.
Le requérant est donc fondé à soutenir qu’il a été victime d’un défaut d’entretien normal de la voie publique.
Mais, la faute de la victime exonère totalement la commune.
L’accident s’est produit en plein jour sans circonstances climatiques particulières.
👉La chute est exclusivement due à l’imprudence de la victime, qui connaissait les lieux, ainsi qu’à la vitesse excessive du cycliste (plus de 30 kilomètres par heure) lors de la descente du chemin.
Le requérant n’est pas fondé à engager la responsabilité de la commune.