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Une autorisation à se tremper les pieds ne constitue pas une activité de baignade réglementée

Cour administrative d’appel de Versailles, 28 janvier 2025 : n°23VE01972

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Le fait pour un animateur d’un centre de loisirs d’autoriser des jeunes à se tremper les pieds constitue-il une activité de baignade soumise à la réglementation spécifique notamment en termes d’encadrement ?

 
Non juge ici la cour administrative d’appel de Versailles : aucune infraction à la réglementation sur l’encadrement des activités de baignade n’a été commise, l’animateur ayant seulement autorisé les jeunes à s’immerger jusqu’aux genoux avec interdiction formelle de nager. Cette interdiction n’a pas été respectée par quelques jeunes, dont la victime. Par conséquent, les ayants-droit de la victime ne peuvent s’appuyer sur les dispositions de l’arrêté du 20 juin 2003 alors applicable et fixant le taux d’encadrement pour l’activité de baignade pour caractériser une faute de la communauté de communes gérant le centre de loisirs. En outre l’animateur n’a commis aucune imprudence fautive. Il est resté à proximité des jeunes et a rappelé plusieurs fois les consignes principalement celle de rester dans l’eau jusqu’aux genoux en restant au bord du rivage. Enfin, il ne peut être reproché à l’animateur ni un manque d’autorité vis à vis des jeunes ni une gestion fautive de la situation. En effet les consignes ont été clairement et expressément émises et l’animateur a délivré de nombreux et insistants rappels à l’ordre aux jeunes. Ainsi ni l’animateur, ni la stagiaire au brevet d’aptitude aux fonctions d’animateurs (BAFA), n’ont commis de faute de nature à engager la responsabilité de la communauté de communes gérant le centre de loisirs.
 
 
Un adolescent âgé de 13 ans se noie dans un lac alors qu’il participait à un camp d’été avec onze autres enfants et adolescents, âgés de 10 à 16 ans. Ce camp était organisé sur une base nautique par un centre de loisirs géré par une communauté de communes.
 
Estimant que le décès de l’adolescent est imputable à une faute de service les parents et les frères de la victime recherchent la responsabilité de l’EPCI. Ils réclament 170 000 euros en réparation des préjudices subis. Le tribunal administratif d’Orléans rejette leur requête ce que confirme la cour administrative d’appel de Versailles le 28 janvier 2025.
 

 

Pas d’infractions à la réglementation sur l’encadrement des activités de baignade


Dans un premier temps le juge revient en détail sur le déroulement de la journée et de la soirée.
 
Au cours de ce séjour, plusieurs activités sportives ont été organisées sur la base nautique. Pour ces activités sportives le groupe était encadré par des éducateurs sportifs. En dehors de ces activités, un animateur et une stagiaire au brevet d’aptitude aux fonctions d’animateurs (BAFA) s’occupaient de l’encadrement des jeunes.
 
Dans l’après-midi, sous la surveillance des deux animateurs, les adolescents ont été autorisés à se baigner au niveau de la zone de mise à l’eau des embarcations du club de voile de la base nautique.
 
Après le dîner, un animateur est parti avec 9 des mineurs pour une balade au bord du lac. Les trois autres étant restés au gîte avec l’animatrice stagiaire pour faire la vaisselle. Au cours de cette promenade nocturne, l’animateur a autorisé les adolescents à se tremper les pieds au niveau de la zone de baignade de la plage mais en exigeant bien que les mineurs restent au bord du rivage et qu’ils ne s’immergent pas au-dessus des genoux.
 
Quatre jeunes ont désobéi aux instructions et sont partis nager au loin en direction du ponton situé à environ 30 mètres de la plage.

L’animateur les a rappelé à l’ordre plusieurs fois sans succès. Puis ce premier groupe a été rejoint par les trois mineurs restés au camp parmi lesquels la victime qui s’est jeté à l’eau pour retrouver le groupe.
 
L’animateur et l’animatrice stagiaire ont crié et sommé les adolescents de rejoindre la plage.
 
C’est en regagnant la plage que l’adolescent âgé de 13 ans s’est retrouvé en détresse. Et malheureusement, malgré les tentatives des ses camarades et de l’animateur pour lui porter secours, l’adolescent a coulé dans les eaux du lac.

Son corps a été retrouvé environ 1h plus tard non loin du ponton par les équipes de secours, rapidement appelées par l’animatrice stagiaire.
 
Les requérants invoquent une faute en raison du non-respect de la réglementation sur l’encadrement des activités de baignade telle que fixée par l’arrêté du 20 juin 2003 alors applicable  [1]. Or le taux d’encadrement fixé par cet arrêté est de 1 adulte présent dans l’eau pour 8 mineurs de 6 ans ou plus. 
 
Les ayants-droit soutiennent également que les diplômes habilitant les encadrants à surveiller une baignade n’ont pas été respectés. 
 
Mais l’activité autorisée par l’animateur au cours de la balade nocturne consistant à se tremper les pieds dans l’eau jusqu’aux genoux ne peut être qualifiée de baignade répond le juge administratif.
 
L’immersion était en effet très limitée dans l’eau. L’animateur n’a autorisé ni la nage ni le plongeon ni le moindre jeu aquatique. Au contraire, « il résulte de l’instruction que c’est en transgression de la consigne donnée par l’animateur..., puis en ne répondant pas aux multiples rappels à l’ordre hurlés depuis le rivage par les animateurs, que plusieurs jeunes sont partis nager jusqu’au ponton, ensuite rejoints par la victime ».
 
Par conséquent, la réglementation fixée par l’arrêté du 20 juin 2003 ne s’applique pas. Dès lors, les requérants ne peuvent s’appuyer sur les dispositions de cet arrêté pour caractériser une faute de la communauté de communes.
 

 

Aucune imprudence commise par l’animateur

 
Les proches de la victime estiment que l’animateur a commis une imprudence fautive en permettant aux adolescents de se baigner à la tombée de la nuit.
 
Pour exclure toute faute de l’animateur le juge retient que :
  •  aucune activité pouvant être qualifiée de baignade n’a été autorisée ;
  • le moniteur n’a pas exposé le groupe de jeunes à un risque de noyade dès lors qu’il a seulement autorisé les adolescents à entrer dans l’eau jusqu’au niveau des genoux. L’heure tardive à laquelle se sont déroulés les faits n’a pas d’importance ; 
  •  l’animateur a maintenu un contact visuel et auditif constant avec le groupe tout en rappelant plusieurs fois les consignes.
 
Les ayants-droit reprochent également à l’animateur de ne pas avoir tenu compte des faibles capacités de la victime pour la nage. Or, il ne s’agissait pas d’une activité de baignade.
 
« La circonstance que les aptitudes limitées de C... J... en matière de natation n’auraient pas été prises en considération par M. D... est dès lors, en l’espèce, sans incidence sur la caractérisation d’une imprudence de l’éducateur ».
De plus, le juge relève que la victime avait réussi son examen de natation et avait remis une attestation en ce sens au moment de l’inscription au camp.

Enfin, contrairement à ce que soutiennent les proches de la victime, il ne peut être reproché à l’animateur ni un manque d’autorité vis à vis des jeunes ni une gestion fautive de la situation.
 
S’appuyant sur les auditions réalisées au cours de la procédure pénale, la cour administrative d’appel relève les éléments suivants :
  • aucun incident de comportement ou d’attitude de la part des jeunes au cours du séjour ; 
  • aucun caractère turbulent ou profil psychologique particulier de nature à appeler une vigilance spécifique [2] ; 
  • aucun manquement quant à l’organisation du stage et son encadrement (selon l’adjoint au directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations) ; 
  • l’animateur avait une bonne connaissance du groupe puisqu’il avait déjà encadré ces jeunes en centre de loisirs. 
 
Les témoignages recueillis au cours des auditions confirment tous que les consignes ont été clairement et expressément émises et que l’animateur a délivré de nombreux et insistants rappels à l’ordre aux adolescents [3].
 
Certes, l’animateur ne s’est pas interposé physiquement dès le départ à la nage des quatre jeunes et il n’a pas tenté de les ramener un à un sur la berge. Toutefois, il a maintenu un contact visuel, ordonné aux jeunes de revenir, «  tout en surveillant les autres jeunes restés sur le rivage , puis s’est immédiatement mis à nager en direction de C... J... dès qu’il a été alerté des difficultés de ce dernier ».
 
Et la cour administrative d’appel de conclure qu’aucune faute n’a été commise par les éducateurs, la responsabilité de la communauté de communes n’est pas engagée.
 
 

[1Cet arrêté fixant les modalités d’encadrement et les conditions d’organisation et de pratique de certaines activités physiques dans les centres de vacances et les centres de loisirs sans hébergement a été abrogé. Les annexes de l’arrêté du 25 avril 2012 fixent les conditions particulièrement d’encadrement, d’effectif et de pratique de certaines activités physiques se déroulant en accueil de loisirs.

[2L’adolescent décédé est présenté par ses proches comme « un jeune garçon calme, attentif, respectueux de l’autorité, n’ayant pas l’habitude de se laisser entraîner »

[3Le TA d’Orléans a précisé que la victime avait été en mesure d’entendre les consignes données par l’animateur puisque celui-ci était en train de crier aux jeunes de revenir avant que l’adolescent ne se jette à l’eau pour rejoindre le groupe TA Orléans, 30 juin 2023 : n°2003428