Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative
Image générée par l’IA

Autorisation de vente sur le marché municipal : l’avis de la commission des foires et marchés est consultatif

Cour administrative d’appel de Lyon du 31 octobre 2024 : n°22LY02523

Image générée par l’IA
 

Des commerçants, autorisés à vendre des fruits et légumes sur le marché municipal, sollicitent une autorisation pour vendre en complément du fromage sur leur étal. L’avis défavorable de la commission des foires et marchés lie-t-il le maire ?

 

Non : l’avis de la commission des foires et marchés est uniquement consultatif. De plus, le maire ne peut pas s’appuyer sur les refus opposés à d’autres demandeurs (ces refus ne sont pas opposables aux requérants). En examinant en détail la composition de l’offre proposée par les commerçants du marché municipal, la cour administrative distingue le marché du mardi et celui du samedi : 

  • Pour le marché du mardi, le juge relève qu’un seul commerçant vend l’ensemble des produits de crèmerie et fromages (et seulement trois autres vendent du fromage de chèvre, un seul commerçant vend quelques fromages espagnols). Le juge en tire la conséquence qu’une nouvelle offre complète de fromages ne compromet ni la diversité des produits ni le bon fonctionnement du marché. Par ailleurs, cette offre ne méconnaît pas l’objectif de meilleure utilisation du domaine public tel que fixé par le règlement du marché.
  •  En revanche, il en va différemment pour le marché du samedi, pour lequel le couple de requérants n’avait pas d’autorisation d’occuper un emplacement. La cour administrative estime que la décision de refus pour la vente de ces mêmes produits est légale car les besoins des usagers étaient déjà satisfaits pour ce type de produits.
 
Des commerçants demandent au maire de pouvoir vendre sur le marché du village, qui se tient le mardi, des produits laitiers et du fromage, en complément de la vente de fruits et légumes pour laquelle ils ont déjà une autorisation.

Premier refus du maire.

En mars 2021, le couple sollicite une nouvelle autorisation pour la vente de produits laitiers et de fromages, mais cette fois-ci lors du marché du samedi.

Nouveau refus du maire.

D’où la saisine du juge administratif. Le tribunal administratif les déboute. Mais en appel, ils obtiennent partiellement gain de cause, la cour administrative d’appel distinguant la configuration du marché du samedi de celle du mardi.
 

 

Les pouvoirs du maire

 
Le maire exerce la police des halles et des marchés (article L.2212-2 3° du Code général des collectivités territoriales (CGCT).
 
La réglementation des marchés relève de la compétence du maire au titre de l’article L. 2224-18 du CGCT :
 
 Le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et les marchés est défini conformément aux dispositions d’un cahier des charges ou d’un règlement établi par l’autorité municipale après consultation des organisations professionnelles intéressées ».

Ces dispositions confèrent au maire le pouvoir de fixer par arrêté le règlement du marché municipal hebdomadaire et notamment le régime d’attribution des emplacements (CAA Bordeaux, 7 juin 2011 : n°10BX01226).

Le maire délivre les autorisations d’emplacements en application des critères fixés par le règlement, en se fondant sur des motifs tirés de l’ordre public et de la meilleure occupation du domaine public.

En revanche, c’est bien le conseil municipal qui est compétent pour la création, le transfert ou la suppression de halles ou de marchés communaux, après consultation des organisations professionnelles intéressées (article L. 2224-18 alinéa 1 du CGCT).

 

Conditions d’attribution d’un emplacement 

 

En l’espèce, le règlement du marché précise que pour l’attribution d’un emplacement, il est tenu compte de l’assiduité et de l’ancienneté des commerçants y exerçant déjà, du rang de l’inscription des demandes, du commerce exercé et des besoins du marché.

Le règlement établit également un ordre de priorité pour l’attribution des emplacements vacants. Enfin, l’arrêté portant règlement du marché précise que la vente de marchandises non prévues dans l’attribution de l’emplacement est soumise à autorisation municipale.

 
Pour aller plus loin : Proposition d’arrêté portant règlement de marché L’AMF, la Fédération nationale des marchés de France et la Confédération générale de l’alimentation en détail ont procédé à l’actualisation du modèle de règlement de marché précisant les droits et les obligations des commerçants non sédentaires (novembre 2023).
 

Un refus illégal pour le marché du mardi

Pour refuser au couple de commerçants l’autorisation de vendre des produits laitiers et des fromages le maire s’est fondé d’une part, sur l’avis défavorable de la commission des foires et marchés et d’autre part sur les critères d’attribution fixés par le règlement du marché.
 
Ainsi, le maire a pris en compte notamment :
  • l’existence de demandes d’emplacements plus anciennes ; 
  •  la saturation de l’offre de ce type de produits (5 commerçants proposaient déjà ce type de produits) ;
  •  la nécessité d’un maintien de la diversité des commerces et des produits ;
  •  la proximité d’autres commerçants vendeurs de fromages ; 
  •  les refus déjà opposés à d’autres commerçants.
 
Dans l’attente de la libération d’un emplacement, le couple de commerçants avait alors été placé sur liste d’attente.
 
Mais, les arguments du maire ne convainquent pas le juge :
  •  sur les 30 commerçants présents le mardi seuls 5 vendent du fromage et seulement un commerçant vend l’ensemble des produits de crèmerie et fromages (3 vendent du fromage de chèvre et 1 commerçant vend des produits espagnols parmi lesquels quelques fromages) ; 
  •  la proximité entre deux activités de même nature n’empêche pas le bon fonctionnement du marché ; 
  •  l’avis de la commission des foires et marchés n’est que consultatif et cet avis ne peut permettre de justifier le refus opposé aux intéressés ; 
  •  les refus opposés à d’autres demandeurs ne sont pas opposables au couple.
Par conséquent l’offre d’une vente de fromages ne compromet ni la diversité des produits ni le bon fonctionnement du marché et ne méconnait pas l’objectif de meilleure utilisation du domaine public tel que fixé par le règlement du marché.
 
La décision du maire d’opposer un refus à l’activité de vente de produits laitiers et fromages lors du marché du mardi est donc entachée d’une erreur d’appréciation. Et le juge enjoint au maire d’autoriser le couple de commerçants à vendre des fromages lors du marché du mardi dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt.
 
Dans une autre commune il a été jugé, à l’aune des critères fixés par le règlement du marché (notamment ceux du respect de la diversité et de l’attractivité commerciale du marché), qu’un maire pouvait refuser une autorisation à un postulant (CAA Versailles, 19 décembre 2019 : n°18VE02574). En l’espèce, la décision litigieuse reposait sur la volonté de la commune de maintenir une diversité de l’offre commerciale proposée sur le marché de la commune en matière de boucherie et particulièrement de boucherie traditionnelle susceptible de commercialiser de la viande de porc alors que l’ensemble des autres détaillants présents sur ledit marché ne vendait pas ce type de produits.


Un refus d’autorisation justifiée pour le marché du samedi

 
L’attribution d’un emplacement permanent pour la vente des produits laitiers et fromages est refusée pour les raisons suivantes :
  •  absence d’emplacement vacant ; 
  •  la vente de produits laitiers et fromages est déjà proposée par trois commerçants sur 14.
La décision de refus a été prise dans l’intérêt du bon fonctionnement du marché supposant d’éviter la trop concentration de produits identiques soutient la commune.
 
Le juge confirme la légalité de la décision de refus car les besoins des usagers étaient déjà satisfaits pour ce type de produits.
 
La cour rejette également l’argument du couple de commerçants consistant à faire valoir qu’il existait des emplacements vacants sur ce marché du samedi. En effet, les photographies versées au dossier ainsi que le constat établi par un commissaire de justice ne suffisent pas à démontrer le caractère durable de la vacance constatée.
 
La décision de refus de bénéficier d’un emplacement le samedi matin n’est donc pas entachée de détournement de pouvoir.