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Les collectivités territoriales face aux enjeux assurantiels et de gestion des risques : 5 questions en prélude au colloque du 6 novembre

En prélude au 23e colloque de l’Observatoire du 6 novembre 2024, trois intervenants ont accepté de répondre aux questions de SMACL Infos histoire de vous mettre en appétit. 

Transférer une compétence, est-ce transférer les contentieux ? 

Me Eric Landot, Avocat fondateur chez Landot et associés
 
Oui, mais uniquement pour les contentieux futurs, déclenchés après le transfert. Le juge a appliqué ce mode d’emploi simple aussi bien pour les intercommunalisations que pour les transferts de compétences opérés par la loi entre l’État, les régions et les départements, par exemple. Et encore y a-t-il quelques exceptions à ce principe simple… 
 

Des exceptions existent donc pour certains contentieux administratifs ? 

Oui. Ainsi les créances liées à des contrats publics achevés avant le transfert restent-elles entre les mains de la collectivité compétente au moment de la fin de la relation contractuelle, même si le contentieux naît après le transfert de la compétence. Et, surtout, la grande dérogation à tout ceci est celle du pénal. 
 

Le pénal fonctionne donc différemment ? 

En quelque sorte. Pour les infractions de négligence ou d’imprudence, par exemple, le juge pénal regardera qui a commis telle ou telle infraction au fil du temps, avec un lien entre cette faute et le préjudice causé, ce qui entraîne des mesures de prudence très différentes de ce qui résulte d’une seule analyse de ces questions en droit administratif. Avant tout transfert d’un ouvrage dangereux, une analyse au cas par cas s’impose. 
 
 
 

Peut-on réconcilier code de la commande publique et code des assurances ? 

Antoine Alonso Garcia, Avocat à la Cour, Spécialiste en droit public - Coral Avocats

La « rencontre » entre le droit de la commande publique et le droit des assurances découle d’une cohabitation forcée imposée par l’Europe en 1992. Et c’est rarement l’harmonie et la conciliation qui agrémentent une telle cohabitation. Cette marche forcée a atteint son paroxysme avec les arrêts récents du Conseil d’État qui obligent l’assureur qui a résilié la police d’assurance à pourtant maintenir ses garanties. La réconciliation doit s’inscrire dans une volonté de symbiose entre ces deux matières juridiques. Le droit de la commande publique et le droit des assurances doivent désormais se rapprocher afin d’arrêter des solutions réciproquement profitables aux acteurs locaux et aux assureurs investis dans la vie locale. Cela passe vraisemblablement par une utilisation offensive de la procédure négociée afin d’aboutir à des contrats équilibrés et discutés par les deux acteurs ; par des critères de choix qualitatifs ; et par des clauses types prenant en compte la spécificité du droit des assurances (comme il existe des CCAG types pour les maîtres d’œuvre ou les marchés informatiques). Le droit des assurances mérite mieux qu’un mariage forcé. 

 
 
 

Quelle est votre vision de la gestion des risques ? 

Déborah Claudon-Adam, Consultante en gestion des risques et assurances

Je crois en l’importance de la prévention et en la nécessité de confier cette mission à une personne dédiée, qu’il s’agisse d’un gestionnaire des risques ou d’un responsable assurance. L’essentiel est d’adopter la bonne démarche. Cependant, le gestionnaire des risques ne peut agir seul ; les élus locaux doivent être pleinement impliqués dans cette politique. Le rôle du gestionnaire des risques est de remonter les données et de traduire les risques auprès des partenaires, experts et assureurs. Une fois les risques identifiés, on peut anticiper les solutions. Le dialogue avec les assureurs doit être permanent, et non seulement lors des renouvellements de contrats. Contrairement aux entreprises, qui évaluent généralement le sinistre avant de le déclarer pour mieux gérer leur sinistralité, les collectivités doivent adopter une approche plus juridique de l’assurance, en prenant des décisions comme si elles étaient leur propre assureur. Ce pilotage est primordial afin d’avoir une meilleure maîtrise des risques et appréhender plus sereinement un marché assurantiel exigeant.