Immeubles fragilisés par l’inondation d’une cave résultant d’une fuite d’une canalisation d’assainissement sous la voirie : la collectivité, gestionnaire du réseau, engage-t-elle sa responsabilité ?
Oui, le maître d’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s’il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d’un cas de force majeure.
En l’espèce, une métropole est condamnée à réparer les préjudices subis par un syndicat des copropriétaires, un assureur, et un propriétaire d’un local commercial en raison de la fuite d’une canalisation d’assainissement située sous la voirie. Cette fuite a abouti à un déversement des eaux usées et des eaux pluviales dans la cave d’un immeuble causant une inondation de celle-ci et la fragilisation les structures de deux immeubles.
La métropole ne peut s’exonérer de sa responsabilité, même partiellement, en invoquant la fuite d’une canalisation privative d’eau potable dont il a été établi par expertise qu’elle ne présentait aucun lien avec les désordres. De plus, dans les circonstances de l’espèce, aucun défaut de surveillance de la cave ne peut être imputé aux victimes.
Les désordres structurels causés aux immeubles sont dus à la seule défaillance du réseau d’assainissement. La métropole est condamnée à payer plus de 300 000 euros aux requérants.
En l’espèce, une métropole est condamnée à réparer les préjudices subis par un syndicat des copropriétaires, un assureur, et un propriétaire d’un local commercial en raison de la fuite d’une canalisation d’assainissement située sous la voirie. Cette fuite a abouti à un déversement des eaux usées et des eaux pluviales dans la cave d’un immeuble causant une inondation de celle-ci et la fragilisation les structures de deux immeubles.
La métropole ne peut s’exonérer de sa responsabilité, même partiellement, en invoquant la fuite d’une canalisation privative d’eau potable dont il a été établi par expertise qu’elle ne présentait aucun lien avec les désordres. De plus, dans les circonstances de l’espèce, aucun défaut de surveillance de la cave ne peut être imputé aux victimes.
Les désordres structurels causés aux immeubles sont dus à la seule défaillance du réseau d’assainissement. La métropole est condamnée à payer plus de 300 000 euros aux requérants.
En 2016, face au risque d’effondrement de trois immeubles situés dans une rue du centre-ville, le maire prend un arrêté de péril imminent, assorti d’une mesure d’interdiction d’accès et d’occupation.
L’affaissement des immeubles, causé par des infiltrations d’eau, a été découvert suite à une expertise amiable concernant une fuite de canalisation d’eau potable dans un local commercial de l’un des immeubles.
Suite à cet arrêté de péril, un expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif conclut à l’existence d’un péril pour deux des immeubles. En effet, l’inondation de la cave de l’un des immeubles a entraîné des infiltrations sous le deuxième immeuble.
Par ailleurs, cette expertise révèle que l’inondation de la cave trouve son origine dans des infiltrations d’eaux usées et d’eaux pluviales provenant de la voie publique, sans toutefois déterminer l’origine exacte de ce phénomène.
Des travaux de mise en sécurité, de soutènement et d’étaiement sont rapidement réalisés.
En 2017, un expert judiciaire est nommé par le tribunal de grande instance de Rouen. Son rapport, rendu en 2020, impute les désordres (affaissement des voûtes et sape des piliers) au ruissellement des eaux de la voirie communale, ruissellement causé par la rupture d’une canalisation principale du réseau d’assainissement des eaux usées et des eaux pluviales située sous la voirie.
Sur la base des conclusions de l’expertise, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble dont la cave a été inondée et son assureur ainsi que le propriétaire d’un local commercial situé dans le deuxième immeuble concerné par l’arrêté de péril demandent en vain à la métropole gestionnaire de l’ouvrage public l’indemnisation de leurs préjudices.
Ils saisissent alors le tribunal administratif de Rouen d’une demande tendant à l’indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de la responsabilité pour dommages de travaux publics causés à un tiers.
Responsabilité sans faute de la métropole gardienne de la canalisation
« Le maître d’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement » rappelle le tribunal.
La responsabilité de la métropole est recherchée en tant que collectivité gestionnaire du réseau d’assainissement.
Les différentes expertises ont révélé deux sinistres :
- une petite fuite sur la canalisation d’eau potable d’un commerce situé au rez-de-chaussée de l’un des immeubles ;
- et une fuite plus importante causée par la rupture d’une canalisation principale du réseau d’assainissement EU/EP située sous la voirie.
La rupture de la canalisation a entraîné « un déversement des eaux usées et des eaux pluviales dans la cave de l’immeuble par un joint de maçonnerie dégradé, causant une inondation de celle-ci et, subséquemment, une importante fragilisation des structures maçonnées de l’immeuble, en particulier une sape des piliers et un affaissement des voûtes » selon l’expertise.
C’est donc bien le réseau d’assainissement qui est à l’origine des désordres estime le juge. Par conséquent, la métropole qui avait la garde de ce réseau est responsable des dommages.
Pas d’exonération possible
Pour tenter de s’exonérer de sa responsabilité, la métropole invoque la petite fuite sur les canalisations privatives d’alimentation en eau potable d’un des immeubles.
Et elle invoque une faute des victimes. Selon la métropole les dommages sont en grande partie imputables à un défaut de surveillance des équipements de l’immeuble et de l’état de la cave qui « n’aurait pas fait l’objet de contrôles réguliers ».
Le juge objecte que :
- l’expert a écarté expressément tout lien entre les désordres structurels et la petite fuite sur les canalisations privatives d’alimentation en eau potable du commerce ;
- aucun défaut de surveillance de la cave de l’immeuble ne peut être reproché au propriétaire du commerce, le commerce ne disposant pas d’accès à la cave ;
- aucune obligation de surveillance ne pesait sur le syndicat des copropriétaires.
La métropole se prévaut en vain du règlement du service d’eau potable :
A cet égard, le règlement du service d’eau potable de la métropole de Rouen, dont se prévaut la Métropole se borne à indiquer que les branchements privés d’eau potable sont placés "sous la surveillance et la responsabilité de l’abonné ", sans imposer une quelconque périodicité des visites de contrôle ».
Et le juge de conclure que les désordres subis par les immeubles résultent exclusivement de l’écoulement des eaux d’une canalisation fuyarde du réseau d’assainissement dans la cave de l’immeuble.
Indemnisation des préjudices
Le tribunal condamne la métropole à indemniser les requérants des préjudices subis du fait de la défaillance de la canalisation à hauteur de 314 360,69 euros.
- Pour le syndicat des copropriétaires
Les frais exposés au titre des travaux se sont élevés à plus de 200 000 euros. Le requérant justifie avoir perçu des indemnités d’assurance.
Le juge indemnise donc les frais exposés au titre des travaux demeurés à la charge du syndicat après le versement des indemnités d’assurance. Le préjudice est évalué à un peu plus de 26 000 euros. Les frais exposés pour la réalisation d’un constat d’huissier établi avant l’introduction de la requête sont également indemnisés.
Le juge indemnise donc les frais exposés au titre des travaux demeurés à la charge du syndicat après le versement des indemnités d’assurance. Le préjudice est évalué à un peu plus de 26 000 euros. Les frais exposés pour la réalisation d’un constat d’huissier établi avant l’introduction de la requête sont également indemnisés.
- Pour l’assureur
L’assureur réclame plus de 480 000 euros en indemnisation de ses préjudices.
Le juge accorde à l’assureur une indemnité d’un peu plus de 139 000 euros suite à l’indemnité versée au propriétaire d’un local commercial au sein de l’immeuble. Suite à l’arrêté de péril ayant entraîné une cessation d’activité une société louant un local commercial au sein de l’immeuble avait obtenu la résiliation judiciaire du bail commercial aux torts et griefs du propriétaire du local et l’indemnisation de la perte de son pas de porte.
Le juge accorde à l’assureur une indemnité d’un peu plus de 139 000 euros suite à l’indemnité versée au propriétaire d’un local commercial au sein de l’immeuble. Suite à l’arrêté de péril ayant entraîné une cessation d’activité une société louant un local commercial au sein de l’immeuble avait obtenu la résiliation judiciaire du bail commercial aux torts et griefs du propriétaire du local et l’indemnisation de la perte de son pas de porte.
En revanche, faute d’être justifié dans son principe et dans son montant le préjudice de 332 632,61 euros correspondant aux indemnités d’assurance versées au syndicat des copropriétaires au titre des travaux de reprise et de la perte de loyer ne peut donner lieu à indemnisation. Le juge reproche à l’assureur de ne pas avoir fourni « d’éléments permettant de démontrer l’imputabilité des sommes versées au fait générateur retenu, le "tableau des dommages" qu’elle a versé aux débats ne pouvant être regardé comme tel ». Or, il appartenait à la société « non seulement de communiquer au tribunal les pièces justifiant du paiement des sommes qu’elle avait réglées en application du contrat d’assurance qui la liait au syndicat, mais également de fournir des explications précises et circonstanciées mettant le tribunal à même d’apprécier la correspondance entre les diverses sommes ainsi exposées et ses prétentions indemnitaires au titre de la subrogation ».
- Pour le propriétaire du local commercial :
Par la production des contrats, quittances et décomptes afférents, le propriétaire justifie, tant de la réalité que du montant du préjudice (perte de loyers), en lien direct avec les dommages de travaux publics imputables à la métropole. Par suite, cette collectivité est condamnée à indemniser le requérant à hauteur de 147648,24 euros.
* Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement téléchargé
sur Lexis360 intelligence (disponible sur abonnement)