1. Le maire peut-il être déclaré pénalement responsable d’un accident survenu lors de la fête au village organisé par le comité des fêtes où de l’alcool fort a été servi ?
Au cours de la traditionnelle fête au village organisée par le comité, un accident tragique a eu lieu vers deux heures du matin : une mère, qui promenait sa fille de deux ans dans une poussette pour l’endormir, s’est écartée de la fête à la recherche de tranquillité.
Elle n’a pas remarqué un trou, ce qui a causé sa chute et celle de la poussette dans la rivière locale. La fillette n’a pu être secourue que trop tard en raison d’un fort courant et de la profondeur de l’eau. Il est reproché au maire de ne pas s’être opposé fermement au déplacement de la fête à l’extérieur alors qu’initialement la manifestation devait se tenir dans la salle des fêtes conformément à son arrêté municipal. Le maire a expliqué avoir été mis devant le fait accompli, la décision d’organiser la fête à l’extérieur ayant été prise à midi. Il a exprimé son désaccord mais n’a pas osé annuler la manifestation à laquelle il n’a pas participé.
L’élu est condamné à huit mois d’emprisonnement avec sursis par le tribunal correctionnel (Tribunal correctionnel de Tarbes, 23 janvier 2024). Ecœuré par cette condamnation qu’il ne comprend pas, il a présenté sa démission après 23 années d’engagement au service de la commune. Il a reçu le soutien de l’association des maires.
Quant au comité des fêtes, et à son président, il leur était reproché d’avoir servi de l’alcool fort en toute illégalité et de ne pas avoir délimité un périmètre de sécurité alors que la buvette était à proximité de la rivière. Le président est condamné à dix mois d’emprisonnement avec sursis, le comité des fêtes à 1000 euros d’amende. La mère de la jeune victime, également poursuivie car elle était alcoolisée et avait fumé du cannabis, ce qui peut expliquer sa perte d’équilibre, est finalement relaxée.
2. Une commune est-elle responsable de l’accident survenu à l’occasion d’une manifestation organisée par une association avec autorisation de buvette ?
A l’occasion des feux de la Saint-Jean organisée par une association, un participant se brûle grièvement après avoir échoué dans sa tentative et être tombé dans le feu. Il ressort de l’enquête que la victime était en état d’ivresse manifeste et s’était déjà approché dangereusement du feu.
La Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) fait assigner le président de l’association et l’assureur de celle-ci aux fins d’entendre déclarer cette association responsable de l’accident et d’obtenir leur condamnation in solidum à lui payer la somme de 288.887,15€ en remboursement de ses prestations provisoires.
Condamnés en première instance, le président de l’association et son assureur font valoir en appel qu’il convient d’appeler à la cause la commune qui a délivré l’autorisation d’ouverture de la buvette et objectent que la victime a commis une faute à l’origine de son préjudice. Ils relèvent en outre que la victime a accepté les risques inhérents à ce type de manifestations.
La cour d’appel de Nîmes (Cour d’appel de Nîmes 6 octobre 2009) rejette l’argument relatif à la responsabilité de la commune. En effet la manifestation a été entièrement organisée par l’association et à la seule initiative de celle-ci, le maire ayant seulement autorisé cette personne morale à ouvrir un débit de boissons de deuxième catégorie jusqu’à quatre heures. En outre aucune délégation d’une mission de service public de la commune n’est intervenue. Enfin si les pompiers, présents pour éviter que le feu ne se propage, ont procédé à l’allumage du feu , c’est une personne de l’association qui a alors fait une annonce pour commencer à sauter au-dessus du feu et seule cette association était l’organisatrice de cette manifestation.
Il appartenait "aux organisateurs, c’est-à-dire à l’association, de prendre toute mesure pour empêcher les personnes visiblement incapables de réaliser ce saut ou de mesurer le danger, notamment en raison d’un état d’ivresse manifeste, de s’approcher du feu (...) Pourtant, aucune consigne ni aucune mesure de
sécurité n’a été élaborée par l’association".
De plus,il ressort du procès-verbal de synthèse établi par la gendarmerie la victime a été vu à plusieurs reprises tournant autour du feu et essayant de sauter les flammes encore hautes alors qu’il était manifestement ivre. Aucun membre de l’association n’est intervenu pour l’en empêcher alors qu’un tel comportement était prévisible, d’autant que l’association avait ouvert sur place un débit de boissons temporaire de sorte qu’elle devait prendre les mesures appropriées pour empêcher les personnes ivres de s’approcher du feu et qu’elle ne peut être totalement exonérée de sa responsabilité par la faute de cette nature reprochée à la victime.
La faute de la victime (qui après avoir trébuché n’a pu s’extraire rapidement du feu en raison de son état d’ébriété) est de nature à exonérer pour moitié l’association de sa responsabilité.
3. Une association peut-elle être tenue civilement responsable de l’accident survenu, après la clôture d’un festival, par un spectateur en état d’ébriété ?
Près de 3 heures après la clôture d’un festival organisé par une association, un participant qui "décuvait" allongé sur le sol d’un champ utilisé comme parking est écrasé par un véhicule conduit par un ami et lui même en état d’ébriété.
Après avoir indemnisé la victime grièvement blessée, l’assureur du responsable recherche la responsabilité de l’association lui reprochant :
– l’absence de déchaumage et d’éclairage du champ utilisé comme aire de stationnement ;
– la poursuite de la vente d’alcool au-delà des heures prévues par l’arrêté municipal autorisant l’ouverture de la buvette.
L’assureur poursuit en relevant que l’association "se trouvait tenue d’une obligation de sécurité à l’égard des participants et que cette obligation ne cessait pas à la clôture du festival, dès lors qu’il ne pouvait être exclu que certains conducteurs se maintiennent sur le parking après la fermeture, ne serait ce que pour éviter de conduire sous l’empire d’un état alcoolique".
L’assureur est débouté de son action par le TGI de Tours, ce que confirme la Cour d’appel d’Orléans (Cour d’appel d’Orléans 4 avril 2011, n°10/00174). Les magistrats écartent en premier lieu toute responsabilité contractuelle de l’association dès lors que l’accident s’est produit après la clôture du festival.
Seule demeurait donc envisageable, la responsabilité délictuelle de l’association ce qui suppose que soit démontrée une faute en relation avec l’accident.
Tel n’est pas jugé le cas en l’espèce dès lors que :
– si le déchaumage du champ a été préconisé par la commission de sécurité, c’est uniquement pour éviter un risque d’incendie. La faute commise par l’association n’a donc joué aucun rôle causal dans l’accident. Ce d’autant que les chaumes avait été largement aplanis par le passage des véhicules et des visiteurs durant les trois jours du festival et n’étaient pas ainsi d’une densité et d’une hauteur suffisantes pour dissimuler un corps au sol ;
– le parking était mis à la disposition des festivaliers uniquement le temps des festivités, lesquelles se sont closes à 3H00 du matin. Or l’accident s’est produit à 5H45, à une heure où l’association n’était plus tenue d’assurer l’éclairage des lieux. Ce d’autant plus que le jour s’était déjà levé et que l’éclairage naturel des lieux était ainsi suffisant.
Quant à l’état d’ébriété de la victime et du responsable, il ne résulte nullement du non respect par l’association des horaires d’ouverture de la buvette prescrits par l’arrêté municipal mais de la consommation d’alcool sur le parking avec des bouteilles de bières emmenées par les festivaliers dans le coffre de leur voiture. En outre c’est le conducteur lui même qui avait allongé son ami dans l’herbe après qu’il eut vomi dans son véhicule.
L’accident a donc pour cause exclusive "l’inconscience des protagonistes et la perte de lucidité provoquée chez eux par une consommation excessive d’alcool" conjuguée à une prise de cannabis, sans qu’aucune faute ne puisse être reprochée à l’association.
4. L’état d’ébriété d’un agent, qui a causé un accident mortel de la circulation avec un véhicule de service, constitue-t-il une faute personnelle ?
Un fonctionnaire est responsable d’un accident de la circulation avec un véhicule de service causant la mort de l’un de ses collègues. Après avoir indemnisé les ayants-droits de la victime, l’Etat exerce une action récursoire contre l’agent estimant que l’état d’ébriété du conducteur est constitutif d’une faute personnelle. Déjà sanctionné disciplinairement pour les faits, l’agent conteste cette position devant les juridictions administratives en invoquant principalement une violation des droits de la défense.
La cour administrative d’appel de Bordeaux (CAA Bordeaux 21 mars 2006 N° 03BX00225) donne raison à l’administration :
– "la décision litigieuse n’est pas constitutive d’une sanction disciplinaire et n’a donc pas à être précédée des formalités prévues par l’article 19 de la loi du 13 juillet 1983" ; il en résulte également que l’agent ne peut valablement soutenir qu’il a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits.
– "en tout état de cause, cette décision était (...) motivée, ce qui a permis à l’intéressé de faire valoir ses moyens de défense"
– l’état d’ébriété de l’agent au volant d’un véhicule administratif constitue une faute personnelle justifiant que l’administration exerce à son encontre une action récursoire.
– si le fonctionnaire "soutient que l’administration aurait commis une faute de nature à atténuer sa propre responsabilité, en ne l’informant pas des risques encourus en cas de faute commise dans la conduite d’un véhicule de service et non couverte par une assurance personnelle, cette circonstance est sans influence sur le bien-fondé de l’action récursoire de l’administration motivée par la faute personnelle caractérisée et détachable du service commise par l’agent".
5. L’accident mortel dont est victime un agent en état d’ébriété au retour d’un repas sur le temps de travail avec consommation d’alcool est-il imputable au service ?
Après avoir participé à un repas de service organisé pour fêter la période dite de fin de chauffe, un employé municipal regagne son domicile au moyen d’un scooter de service.
Sur le trajet de retour, il est victime d’un accident mortel après avoir perdu le contrôle de son véhicule, heurté un camion et été projeté sur un autre véhicule qui le suivait.
Il ressort de l’enquête qu’au moment de l’accident, l’agent était en état d’imprégnation alcoolique estimé entre 0,89 g et 1,07 g/l de sang, soit un taux supérieur au taux maximal autorisé pour la conduite de véhicules. De fait des boissons alcoolisées avaient été servies lors du repas organisé pendant le temps de travail.
La conjointe de l’agent décédé demande en vain à la ville la reconnaissance de l’imputabilité au service de l’accident. Le tribunal administratif rejette sa demande, ce que confirme la cour administrative d’appel : l’alcoolémie de l’agent est un fait personnel ne permettant pas de rattacher l’accident au service.
A l’appui de son pourvoi, la requérante objecte que l’alcool a été consommé à l’occasion d’un repas de service et s’est produit sur le parcours habituel et pendant la durée normale du trajet entre le lieu de travail de l’agent et sa résidence.
Peu importe répond le Conseil d’Etat qui confirme la position des juges d’appel :
Est réputé constituer un accident de trajet tout accident dont est victime un agent public qui se produit sur le parcours habituel entre le lieu où s’accomplit son travail et sa résidence et pendant la durée normale pour l’effectuer, sauf si un fait personnel de cet agent ou toute autre circonstance particulière est de nature à détacher l’accident du service (...) C’est sans erreur de qualification juridique, et par un arrêt suffisamment motivé, que la cour administrative d’appel a jugé que le choix délibéré de l’agent de conduire sous imprégnation alcoolique était constitutif d’un fait personnel rendant l’accident détachable du service. C’est sans erreur de droit qu’elle a jugé qu’était à cet égard sans incidence la circonstance que l’alcool ait été consommé à l’occasion d’un évènement festif organisé pendant le temps de travail. C’est enfin sans erreur de droit qu’elle en a déduit que, quand bien même l’accident s’était produit sur le parcours habituel et pendant la durée normale du trajet entre le lieu de travail de M. C... et sa résidence, cet accident ne pouvait être regardé comme imputable au service. »
6. Un chef de service qui participe à l’organisation d’un repas de fin d’année alcoolisé peut-il être déclaré pénalement responsable de l’accident de circulation survenu à l’un des convives qui a bu plus que de mesure ?
Un jeune étudiant se tue au volant de sa voiture après avoir heurté un camion roulant en sens inverse. L’enquête établit que l’intéressé était sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par un taux d’alcoolémie de 2,19 g d’alcool par litre alors qu’il regagnait son domicile après avoir participé à un repas de fin d’année organisé dans les locaux du Centre de formation des apprentis (CFA) où il étudiait.
Le repas, organisé à l’initiative des élèves, tous majeurs, avec l’aval d’un artisan qui enseigne sa discipline dans ce centre, avait débuté vers 12H30 pour se terminer une heure plus tard avant que les élèves ne procèdent au nettoyage des locaux. Le matin, l’enseignant s’était rendu, accompagné d’un élève, dans un magasin pour y acheter trois litres de vin et une bouteille de pastis.
La directrice de l’établissement, entendue lors de l’enquête, indique ne pas avoir été informée de l’organisation de ce repas et précise que la consommation d’alcool, interdite par le règlement intérieur, s’applique aux élèves majeurs. Elle ajoute que, selon les renseignements dont elle disposait, la victime a quitté l’établissement avant la fin des cours sans obtenir l’autorisation nécessaire à cet effet.
Un camarade de classe précise que la victime, qui avait bu au moins cinq verres de pastis, était ivre, euphorique, avait les yeux brillants et ne conservait pas son équilibre. Après être allé chercher un objet dans la voiture de son ami, il ne lui en avait pas restitué les clefs et les avait posées sur la table en informant l’enseignant que son camarade était ivre.
La plainte des parents contre l’enseignant ayant été classée sans suite par le procureur, ceux-ci le font citer directement devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire.
Pour sa défense, le prévenu fait valoir que la quantité d’alcool achetée n’était pas disproportionnée au regard du nombre de convives et qu’il ne s’était pas rendu compte de l’état d’ivresse de la victime.
Il est condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis, ce que confirme la Cour d’appel de Nîmes : le prévenu « a, tout à la fois, commis des actes positifs et volontaires, achat et introduction dans l’établissement de boissons alcoolisées, et des imprudences ou négligences, défaut de surveillance pendant et après le repas, absence momentanée que rien ne justifiait, qui, par leur accumulation, ont permis le départ de la victime qui a pu quitter le CFA au volant de sa voiture alors qu’il était sous l’empire d’un état alcoolique et inapte à conduire ledit véhicule ».
La Cour de cassation (Cour de cassation, chambre criminelle, 12 janvier 2010, N° 09-81799) , confirme cette condamnation : l’enseignant « qui a contribué à créer la situation ayant permis la réalisation du dommage et n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter, a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer, au sens de l’article 121-3, alinéa 4, du code pénal ». Un raisonnement transposable à l’hypothèse d’un accident subi et/ou causé par le participant à un pot de service avec alcool organisé dans une collectivité.
7. Un agent peut-il être déclaré pénalement responsable de l’accident survenu à un collègue après un repas de fin d’année un peu trop arrosé ?
Les faits se sont produits dans une entreprise privée mais auraient pu tout aussi bien avoir pour cadre une collectivité territoriale avec les mêmes conséquences.
A quelques centaines de mètres du dépôt, le salarié est victime d’un accident mortel de la circulation après avoir perdu le contrôle de son véhicule et monté sur le terre-plein central d’un rond point.
7 enseignements à retenir pour vos fêtes
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Respect des arrêtés municipaux : Assurez-vous que les événements se déroulent dans les lieux prévus et selon les modalités prévues par les arrêtés municipaux. Si des changements sont nécessaires, ils doivent être approuvés par les autorités compétentes.
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Sécurité des lieux : Vérifiez que les lieux de l’événement sont sécurisés, notamment en délimitant des périmètres de sécurité, surtout près des zones dangereuses à proximité de la buvette.
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Respect de la réglementation : Assurez-vous que la vente d’alcool respecte les réglementations en vigueur et l’autorisation de buvette délivrée.
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Présence de personnel de sécurité : Pour les évènements les plus importants, engagez du personnel de sécurité pour surveiller les participants et intervenir en cas de comportement dangereux, notamment pour empêcher les personnes en état d’ébriété de se mettre en danger ou d’exposer autrui à un danger.
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Formation et information : Informez et formez les organisateurs et les bénévoles sur les mesures de sécurité à prendre et les risques liés à l’alcool et aux comportements dangereux.
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Responsabilité des organisateurs : Les organisateurs doivent être conscients de leur responsabilité et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des participants. Cela inclut la mise en place de consignes de sécurité claires et leur communication aux participants.
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Surveillance continue : Assurez une surveillance continue pendant toute la durée de l’événement pour prévenir les accidents liés à l’alcool ou à d’autres comportements à risque.