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Sécurité des chantiers : quelles responsabilités pour le coordonnateur de sécurité ?

Cour de cassation, chambre criminelle, 9 juin 2009, N° 08-82847

Le coordonnateur de sécurité peut-il être déclaré pénalement responsable d’un accident survenu sur le chantier à un tiers ?


 [1]

Une commune de la Loire (10 000 habitants) entreprend de réhabiliter une salle de sports municipale. Au cours des travaux un enfant est victime d’un accident sur le chantier dont l’accès n’a pas été fermé au public. Il est mortellement blessé par la chute d’un panneau d’affichage qu’il était en train de consulter. L’enquête établit que les employés communaux ont descellé ce panneau, d’un poids de quatre-vingt kilos, et en ont scié les pieds pour pouvoir le déplacer en fonction de l’avancement des travaux.

La commune personne morale, l’entreprise qui assure la coordination du chantier en matière de sécurité, et son gérant sont renvoyés en correctionnelle pour homicide involontaire. La commune est relaxée, le coordonnateur de sécurité et l’entreprise qui l’emploie sont condamnés par la Cour d’appel de Lyon.

Relaxe de la commune

Les magistrats relèvent plusieurs fautes de nature à entraîner la responsabilité de la commune imputables :

 aux agents municipaux qui, après avoir retiré le panneau de son emplacement initial, l’ont réintroduit sur le chantier sans le fixer au sol ;

 au responsable du service de la voirie et des espaces verts de la commune, qui assurait la coordination des travaux ;

 au maire de la commune, qui a reconnu avoir été avisé de la réinstallation du panneau mais qui n’a pas pris l’initiative d’organiser cet affichage dans un autre lieu.

Si la responsabilité de la commune est néanmoins écartée c’est « qu’ il résulte des dispositions de l’article 121-2, alinéa 2, du code pénal que les collectivités locales ne sont responsables pénalement que des infractions commises dans l’exercice d’activités susceptibles de faire l’objet de conventions de délégation de service public ».


Condamnation du coordonnateur de sécurité et de son entreprise

Relaxé en première instance, le coordonnateur de sécurité a été condamné en appel. Les magistrats relèvent en effet que :

 celui-ci, « en qualité de coordonnateur en matière de sécurité par le maître de l’ouvrage, avait pour mission, non seulement de veiller à la sécurité des salariés des diverses entreprises intervenant en coactivité sur le chantier, mais également, en application de l’article R. 238-18, devenu les articles R. 4532-11 et suivants du code du travail, de prendre les dispositions nécessaires pour que seules les personnes autorisées puissent accéder audit chantier ».

 ayant effectué « de nombreuses visites de chantier, notamment l’avant-veille de l’accident, [il] ne pouvait ignorer l’existence du panneau d’affichage, présent dès le début des travaux et régulièrement déplacé par les salariés des diverses entreprises intervenantes, panneau que son absence de fixation et sa faible inclinaison rendaient intrinsèquement dangereux » ;

 «  conscient du risque dû au passage incessant de personnes fréquentant la salle de sports, au point qu’il avait émis des réserves à ce sujet, [il] n’a cependant pas pris les mesures nécessaires pour interdire l’accès du chantier au public  ».

Et les juges d’en conclure « qu’en laissant un panneau d’affichage en position instable en appui contre un mur dans l’enceinte d’un chantier dont il avait omis d’interdire l’accès aux personnes non autorisées, [il] n’a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des prérogatives propres à la mission que la loi lui confiait, et a commis une faute caractérisée ayant exposé autrui à un risque d’une particulière gravité qu’en sa qualité de coordonnateur de sécurité, titulaire d’une attestation de compétence, il ne pouvait ignorer ».

Quant à la société qui l’emploie, elle est pénalement responsable du délit d’homicide involontaire commis pour son compte par son gérant.

La Cour de cassation [2] confirme cette condamnation dès lors « qu’il incombe au coordonnateur en matière de sécurité, dans la phase de réalisation de l’ouvrage, d’anticiper les situations de risque pouvant résulter notamment des dispositions prises par les entreprises intervenant sur le chantier ».

[1Photo : © Julien Grondin

[2Cour de cassation, chambre criminelle, 9 juin 2009, N° 08-82847