Stationnement gênant devant une entrée d’immeuble : la commune peut-elle être responsable si le maire a refusé de rétablir une ancienne signalisation supprimée lors de travaux de réfection de la voirie ?
Non répond le tribunal administratif de Nantes dès lors que le maire a mis en œuvre d’autres mesures de police pour réglementer le stationnement des véhicules dans la rue. En effet l’exécution de l’arrêté municipal réglementant le stationnement dans la rue a été matérialisée par plusieurs panneaux de stationnement interdit avec panonceau indiquant « hors places matérialisées », dont un placé à proximité de l’entrée du garage du requérant. Le refus du maire de faire droit à la demande du riverain (rétablissement des marquages antérieurs et des bornes inamovibles) ne caractérise pas une carence du maire l’exercice de ses pouvoirs de police. Ce d’autant que le requérant n’établit pas subir une gêne permanente ou régulière en raison des stationnements devant son garage. La circonstance que son épouse ait été empêchée un matin d’utiliser sa voiture pour se rendre à son travail ne suffit à démontrer la fréquence de tels faits et la carence du maire dans l’exercice de son pouvoir de police.
Suite à des travaux de réfection de la voirie, un propriétaire se plaint de stationnements illégaux de véhicules devant son garage dont le portail d’entrée donne directement sur la voie publique. Il impute ces troubles à la suppression non seulement des marquages jaunes au sol matérialisant l’interdiction de stationner mais encore des bornes souples inamovibles empêchant les véhicules d’entraver l’accès au garage.
Le riverain s’adresse en vain au maire de la commune afin qu’il rétablisse ces aménagements. La commune justifie son refus par le fait que les bornes étaient régulièrement endommagées et par le risque de confusion entre les différents marquages.
Le propriétaire saisit alors le juge afin qu’il annule la décision de refus du maire et qu’il enjoigne à la commune de réaliser les aménagements demandés. Il recherche également la responsabilité pour faute de la commune en raison de la carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police en matière de stationnement et réclame 9000 euros au titre du préjudice subi.
Droit d’accès des riverains des voies publiques
Le juge rappelle que :
– le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation « réglementer l’arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d’entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains » (article L. 2213-2 du Code général des collectivités territoriales) ;
– « tout véhicule à l’arrêt ou en stationnement doit être placé de manière à gêner le moins possible la circulation (article R. 417-10 I du code de la route) ;
– est considéré comme gênant la circulation publique, le stationnement d’un véhicule devant les entrées carrossables des immeubles riverains (article R. 417-10 III du code de la route).
Les propriétaires ou locataires d’immeubles situés en bordure de voirie jouissent d’aisances de voirie. Le juge souligne ainsi que « le riverain d’une voie publique dispose en principe d’un droit d’accès à son immeuble, par cette voie et y compris avec un véhicule automobile ».
Et au titre de son pouvoir de police de la circulation et du stationnement, le maire met en œuvre des mesures de police pour préserver le droit d’accès des riverains.
« Il appartient à l’autorité de police municipale de prendre les mesures destinées à réglementer la circulation et notamment l’arrêt et le stationnement en vue notamment de prévenir le stationnement des véhicules devant l’entrée des immeubles riverains » rappelle le juge.
Au titre de son pouvoir de police du stationnement, le maire met en œuvre des mesures de police pour préserver le droit d’accès des riverains et prévenir le stationnement des véhicules devant l’entrée des immeubles. Selon les dispositions de l’article R. 417-10, III, 1° du code de la route, est considéré comme gênant la circulation publique le stationnement d’un véhicule devant les entrées carrossables des immeubles riverains. |
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Absence de carence du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police
Aux yeux du juge le requérant n’établit pas subir une gêne permanente ou régulière en raison des stationnements devant son garage. Ni les photos (non datées) montrant des véhicules devant son garage, ni les échanges de courriels et de lettres avec la commune, ni le fait que son épouse ait été empêchée un matin d’utiliser sa voiture pour se rendre à son travail ne suffisent à démontrer la fréquence des faits.
En revanche, le juge nantais relève que plusieurs mesures de police ont été prises par la commune pour réglementer le stationnement dans la rue.
D’une part, il existe un arrêté municipal réglementant le stationnement dans la rue. Le texte réglementaire précise que le stationnement est interdit dans la rue, sauf aux emplacements délimités, le non-respect de ces dispositions étant considéré comme abusif et gênant et passible de mise en fourrière immédiate.
D’autre part, cette interdiction est matérialisée par plusieurs panneaux de stationnement interdit avec un panonceau indiquant « hors places matérialisées », dont un placé à proximité de l’entrée du garage du requérant. Or, le riverain avait demandé au maire de déposer ce panneau car selon lui ce dispositif était insuffisant et avait eu pour conséquence sa propre verbalisation.
🤔 Un automobiliste peut-il être verbalisé pour stationnement gênant sur la voie publique devant une entrée d’immeuble dont il a l’usage exclusif ❓ |
Le juge souligne également qu’en deux ans la police municipale a reçu seulement 9 appels pour stationnement gênant provenant du domicile du requérant.
Le tribunal en conclut que le refus du maire de faire droit à la demande du riverain (rétablissement des marquages antérieurs et des bornes amovibles) ne caractérise pas une carence du maire l’exercice de ses pouvoirs de police.
Enfin, le requérant « n’établit pas non plus qu’il se serait heurté à un refus d’intervenir caractérisé des services de la police municipale pour faire respecter la réglementation ».
Le juge rejette donc les conclusions à fin d’annulation et d’injonction ainsi que les prétentions indemnitaires du requérant.
🔎 La cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que le refus d’un maire d’interdire le stationnement en face du garage d’un riverain, même s’il a eu pour effet de l’empêcher de manœuvrer une caravane de tourisme, n’a pas porté au droit d’accès de l’intéressé une atteinte excédant celle qui pouvait lui être légalement imposée dans l’intérêt général, dès lors qu’il n’est pas établi ni même allégué qu’une voiture particulière ne pourrait pas accéder dans des conditions normales à ce garage (CAA Bordeaux, 28 février 2008 : n° 06BX00338) |
Tribunal administratif de Nantes, 1er décembre 2022 : n°2004054 (PDF)
Merci aux éditions Lexis Nexis de nous avoir autorisés à publier le jugement trouvé sur Lexis 360 (disponible sur abonnement)