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Elus agressés, élus protegés

Dernière mise à jour le 26/01/2023

La loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023 (JO du 25 janvier) vise à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression. L’occasion dans cette FAQ de souligner les nouveautés et de rappeler quelques fondamentaux.

Que faire en cas d’agression ?

Lorsqu’un élu est agressé, outragé, menacé dans l’exercice de ses fonctions, il est important de déposer plainte. Le parquet, ayant connaissance de tels faits, peut aussi lui-même déclencher des poursuites même si l’élu ne dépose pas plainte ou si celui-ci, après réflexion, a décidé de retirer sa plainte.

Il faut également penser à faire une déclaration à l’assurance de la commune (pour la protection fonctionnelle) et/ou à son assurance personnelle. Les frais nécessaires à sa défense ne sont pas à la charge de l’élu.

Dès lors qu’un élu est attaqué dans l’exercice de ses fonctions, il doit bénéficier de la protection de la collectivité (article L2123-35 du CGCT). La collectivité doit en effet prendre en charge les frais de procédure qui sont nécessaires à la défense de ses droits :

« La commune est tenue de protéger le maire ou les élus municipaux le suppléant ou ayant reçu délégation contre les violences, menaces ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion ou du fait de leurs fonctions et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté.

La protection (...) est étendue aux conjoints, enfants et ascendants directs des maires ou des élus municipaux les suppléant ou ayant reçu délégation lorsque, du fait des fonctions de ces derniers, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.

Elle peut être accordée, sur leur demande, aux conjoints, enfants et ascendants directs des maires ou des élus municipaux les suppléant ou ayant reçu délégation, décédés dans l’exercice de leurs fonctions ou du fait de leurs fonctions, à raison des faits à l’origine du décès ou pour des faits commis postérieurement au décès mais du fait des fonctions qu’exerçait l’élu décédé. »

💥 Depuis la loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019, la commune est tenue de souscrire, dans un contrat d’assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l’assistance psychologique et les coûts qui résultent de l’obligation de protection à l’égard du maire et des élus . Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le montant payé par la commune au titre de cette souscription fait l’objet d’une compensation par l’Etat en fonction d’un barème fixé par le décret n° 2020-1072 du 18 août 2020.

Dans ce cadre « la commune est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs de ces infractions la restitution des sommes versées à l’élu intéressé. Elle dispose en outre aux mêmes fins d’une action directe qu’elle peut exercer, au besoin par voie de constitution de partie civile, devant la juridiction pénale. »

💥 L’élu victime d’une agression peut aussi actionner son assurance personnelle qui le couvre dans l’exercice de son mandat. C’est l’objet du contrat "Sécurité élus" que propose SMACL Assurances. Cela permet à l’élu assuré de se défendre de manière rapide (pas besoin de délibération du conseil municipal pour l’octroi de la protection) et évite une éventuelle politisation du dossier notamment lorsque l’élu porte plainte contre un opposant qui l’a diffamé ou injurié au cours d’un conseil municipal.

Que faire si la plainte est classée sans suite, fait l’objet d’un simple rappel à la loi ou si le parquet ne répond pas ?

Une circulaire du 7 septembre 2020 insiste en la matière sur « l’importance qui s’attache à la mise en œuvre d’une politique pénale empreinte de volontarisme, de fermeté et de célérité et d’un suivi judiciaire renforcé des procédures pénales les concernant. » De fait en principe les parquets sont réactifs sur ce type d’infractions.

Si toutefois le parquet ne répond pas dans les trois mois, ou s’il classe l’affaire sans suite, l’élu peut, comme toute victime directe d’une infraction, déclencher lui même l’action publique en portant plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction ou en faisant citer directement l’auteur de l’agression devant le tribunal correctionnel. Cette possibilité est aussi ouverte à l’élu lorsque le procureur de la République fait un simple rappel à la loi à l’auteur des faits (Cour de cassation, chambre criminelle, 17 janvier 2012, N° 10-88226).

L’élu peut également former préalablement un recours contre la décision de classement sans suite devant le procureur général de la cour d’appel sur le fondement de l’article 40-3 du code de procédure pénale. Le procureur général a en effet le pouvoir d’enjoindre au procureur de la République d’engager des poursuites.

En matière de délits de presse (diffamation, injures), l’élu ne doit pas attendre le procureur de la République pour agir. C’est une procédure particulière et il lui faut au contraire être très réactif compte-tenu du délai de prescription très court en la matière (3 mois).

Quelles sont les options de l’élu pour obtenir réparation de son préjudice ?

S’agissant de la réparation de son préjudice, l’élu victime dispose de deux options : soit intenter une action devant les juridictions civiles, soit demander réparation de son préjudice devant les juridictions répressives.

Attention : le choix de la voie civile est ferme et définitif. A moins qu’entre-temps le parquet ait décidé d’engager des poursuites contre l’auteur des faits, la victime de l’infraction ne pourra plus initier d’action devant les juridictions pénales (article 5 du code de procédure pénale). C’est que les spécialistes appellent la règle "electa una via, non datur recursus ad alteram" !

Si l’élu victime opte pour la voie répressive, deux hypothèses doivent être distinguées :

 il peut agir par voie d’intervention en joignant son action civile à l’action publique déjà engagée par le parquet soit devant la juridiction d’instruction, soit devant la juridiction de jugement.

 il peut aussi agir par voie d’action en cas d’inertie du parquet (y compris lorsqu’une affaire a été classée sans suite) en déclenchant lui-même l’action publique. Il peut, pour cela, soit se constituer partie civile devant le doyen des juges d’instruction, soit même faire citer directement la personne mise en cause devant la juridiction de jugement.

Lorsque la victime agit par voie d’action, une consignation lui est demandée afin de limiter le risque de plainte abusive (si la plainte se révèle abusive, le plaignant encourt une amende civile pouvant atteindre 15 000 euros).

Qui peut se constituer partie civile en cas d’agression d’un élu ?

Les dispositions de l’article 2 du code de procédure pénale réservent en principe l’action civile aux seules personnes qui « ont personnellement souffert du dommage directement causé par l’infraction ». En cas d’agression d’un élu, seul l’élu peut donc en principe se constituer partie civile.

Par dérogation, le code de procédure pénale (article 2-1 à 2-21) apporte une vingtaine de dérogations essentiellement au profit d’associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et qui œuvrent dans des domaines précis (ex : associations de lutte contre la corruption, associations de lutte contre le racisme ou les violences sexuelles, associations de défense de l’environnement...).

Jusqu’à présent, depuis la loi nº 2000-516 du 15 juin 2000, seules les associations départementales de maires pouvaient se constituer partie civile aux côtés de l’élu victime sous réserve d’avoir obtenu l’accord de celui-ci et que l’action publique ait préalablement engagée (les associations ne peuvent agir que par voie d’intervention et non par voie d’action). La même possibilité n’était pas ouverte aux associations nationales.

La loi n° 2023-23 du 24 janvier 2023 remédie à la situation. L’article 2-19 du code de procédure pénale est modifié en ce sens. Désormais peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, si l’action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée, et avec l’accord de cette dernière ou, si celle-ci est décédée, de ses ayants droit :

« 1° Pour les élus municipaux, l’Association des maires de France, toute association nationale reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus et, sous les mêmes conditions, toute association départementale qui lui est affiliée ;

« 2° Pour les élus départementaux, l’Assemblée des départements de France ainsi que toute association nationale reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus et, sous les mêmes conditions, toute association qui lui est affiliée ;

« 3° Pour les élus régionaux, territoriaux et de l’Assemblée de Corse, Régions de France ainsi que toute association nationale reconnue d’utilité publique ou régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans dont les statuts se proposent d’assurer la défense des intérêts de ces élus et, sous les mêmes conditions, toute association qui lui est affiliée ;

« 4° Au titre d’un de ses membres, le Sénat, l’Assemblée nationale, le Parlement européen ou la collectivité territoriale concernée.

L’objectif est de leur permettre d’être tenues informées du déroulement de la procédure, de faire appel à un avocat mandaté par leur soin, d’avoir accès aux pièces du dossier, d’être entendues sur l’affaire, de solliciter la réalisation d’actes d’investigation, d’aider à chiffrer le montant du préjudice et d’apporter tous les justificatifs nécessaires pour que le tribunal puisse prendre sa décision et de fixer une indemnisation.

💥A noter : l’association ne peut agir qu’à condition d’avoir reçu l’accord de l’élu. La loi du 24 janvier 2023 envisage aussi l’hypothèse dramatique où l’élu est décédé. Jusqu’ici les textes ne disaient rien. Désormais il est prévu que les ayants droit peuvent donner leur accord à la constitution de partie civile de l’association.

Qu’en est-il en cas d’agression d’un proche de l’élu ?

Si l’agression est en lien avec les fonctions exercées par l’élu, le législateur (loi du 24 janvier 2023) étend la possibilité pour les associations d’élus de se constituer partie civile en soutien du proche. Jusqu’ici les associations d’élus ne pouvaient se constituer partie civile que si l’élu était lui-même la victime et non son entourage.

« Il en est de même lorsque ces infractions sont commises sur le conjoint ou le concubin de l’élu, sur le partenaire lié à celui-ci par un pacte civil de solidarité, sur les ascendants ou les descendants en ligne directe de celui-ci ou sur toute autre personne vivant habituellement à son domicile, en raison des fonctions exercées par l’élu ou de son mandat. » ;

Rappelons ici que la protection de la collectivité est due « aux conjoints, enfants et ascendants directs des maires ou des élus municipaux les suppléant ou ayant reçu délégation lorsque, du fait des fonctions de ces derniers, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages. »

Quelles sont les infractions pour lesquelles les associations d’élus peuvent se constituer partie civile ?

Jusqu’à présent les associations départementales de maires ne pouvaient agir qu’en cas d’injures, d’outrages, de diffamations, de menaces ou de coups et blessures subis par les élus à raison de leurs fonctions. La loi du 24 janvier 2023 étend cette possibilité à d’autres infractions dès lors que l’élu est victime « en raison de ses fonctions ou de son mandat » (précision apportée par le législateur pour bien qu’il soit clair que la protection n’est pas réservée aux seuls élus titulaires d’une fonction exécutive).

Sont désormais visées de manière générale toutes les infractions prévues :
 au livre II du code pénal consacré aux crimes ou délits contre les personnes : atteintes à la vie de l’élu, atteintes à l’intégrité physique ou psychique de l’élu, mise en danger délibérée de la vie de l’élu, atteintes aux libertés de l’élu, atteintes à la dignité ou à la personnalité de l’élu. Ce qui inclut notamment l’article 223-1-1 du code pénal : cette infraction, créée par la loi du 24 août 2021, rend passible de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’un élu permettant de l’identifier ou de le localiser aux fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens

 au livre III du du code pénal relatif aux crimes et délits contre les biens : vol, extorsion, dégradation, destruction, dégradations...

 à loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (diffamation, injures).

La collectivité peut-elle se constituer partie civile ?

Dès lors qu’un élu (ou un agent) est attaqué dans l’exercice de ses fonctions, il doit bénéficier de la protection de la collectivité (article L2123-35 du CGCT). La collectivité doit en effet prendre en charge les frais de procédure qui sont nécessaires à la défense de ses droits.

Dans ce cadre « la commune est subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs de ces infractions la restitution des sommes versées à l’élu intéressé. Elle dispose en outre aux mêmes fins d’une action directe qu’elle peut exercer, au besoin par voie de constitution de partie civile, devant la juridiction pénale. »

Comme les associations d’élus, les communes peuvent donc se constituer partie civile en soutien de l’élu agressé. Il en est de même pour les agents. Mais attention la collectivité ne peut agir que par voie d’intervention et non par voie d’action, comme l’a rappelé la chambre criminelle de la Cour de cassation (Agent menacé et outragé : la collectivité peut-elle se porter partie civile ?) :

« l’action directe que peut exercer, au besoin par voie de constitution de partie civile devant la juridiction pénale, la collectivité publique subrogée aux droits de la victime pour obtenir des auteurs des menaces ou attaques la restitution des sommes versées au fonctionnaire intéressé suppose que l’action publique a été mise en mouvement, soit par la victime elle-même, soit par le ministère public »

💥L’article 2-19 du code de procédure pénale est aussi modifié par la loi du 24 janvier 2023 pour permettre aux collectivités de se constituer partie civile dans les mêmes conditions que les associations d’élus [1]. Cela a pour conséquence d’étendre la possibilité pour les collectivités de se constituer partie civile aux côtés des élus victimes. En effet jusqu’ici la collectivité ne pouvait se constituer partie civile que dans l’hypothèse où elle avait accordé la protection fonctionnelle à l’élu c’est-à-dire uniquement si l’élu a été victime de violences, menaces ou outrages. Or, comme nous l’avons souligné, les possibilités de constitution de partie civile prévues par l’article 2-19 du code de procédure pénale sont bien plus larges et couvrent notamment les atteintes aux biens des élus. On peut également envisager l’hypothèse où l’élu préfère faire jouer son contrat d’assurance personnelle au lieu de solliciter la protection de la collectivité. Cela n’empêchera pas pour autant la collectivité de se constituer partie civile à ses côtés, si l’élu le souhaite.

Les points clés à retenir

👉 Les associations nationales d’élus peuvent désormais se constituer partie civile aux côtés des élus victimes comme pouvaient déjà le faire les associations départementales de maires depuis 2000.

👉 La possibilité pour les collectivités de se constituer partie civile n’est plus limitée aux hypothèses où la collectivité a accordé la protection fonctionnelle à l’élu. Il peut y avoir décorrélation entre les deux.

👉 La possibilité pour les associations d’élus et les collectivités de se constituer partie civile est considérablement élargie : le champ des infractions concernées est beaucoup plus important et concerne désormais aussi l’hypothèse où c’est l’entourage de l’élu qui est victime.

👉 La constitution de partie civile suppose toujours l’accord de l’élu. Si l’élu est décédé il faut l’accord des ayants droit. Il faut toujours en outre que l’action publique ait préalablement été enclenchée par le ministère public ou par l’élu victime.

👉 La possibilité de constitution de partie civile n’est pas limitée aux élus qui détiennent des fonctions exécutives. Tout élu victime en raison de ses fonctions exercées ou de son mandat peut être soutenu par la collectivité par voie de constitution de partie civile à ses côtés.

LOI n° 2023-23 du 24 janvier 2023 visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression

[1« 4° Au titre d’un de ses membres, le Sénat, l’Assemblée nationale, le Parlement européen ou la collectivité territoriale concernée. »