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La jurisprudence de la semaine

Semaine du 23 au 27 novembre 2009

Retrouvez une sélection de décisions de justice intéressant les collectivités locales et les associations (dernière mise à jour le 25/02/2010).


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Jurisprudence judiciaire

 Le juge judiciaire est-il compétent pour statuer sur la demande indemnitaire d’un propriétaire d’un moulin à l’encontre d’un syndicat intercommunal qui a installé un clapet semi-automatique à la place de l’ancien déversoir du moulin (la présence d’un cadenas sur ce clapet l’empêchant de réguler le niveau de l’eau ?

Oui dès lors que "la réalisation de l’ouvrage procédait d’un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont disposait l’autorité administrative". Dans cette hypothèse, si une procédure de régularisation appropriée engagée par l’autorité administrative rend effectivement les juridictions de l’ordre judiciaire incompétentes pour prescrire une mesure portant atteinte à l’intégrité ou au fonctionnement d’un ouvrage public, ces juridictions restent compétentes pour statuer sur les demandes indemnitaires.

Cour de cassation, chambre civile 1, 25 novembre 2009, N°08-18655


 Responsabilité des élus - Détournement de fonds - Abus de confiance - Emploi de travailleurs non déclaré

Le maire d’une commune du Sud-Est (2000 habitants) est condamné à 3000 euros d’amende pour avoir recouru à une personne exerçant un travail dissimulé. L’élu est en revanche relaxé des autres chefs de poursuite (abus de confiance et détournement de fonds). L’accusation affirmait que des fonds, qui devaient servir à des échanges culturels entre des écoliers de la commune et des écoliers italiens, avaient en fait servi à financer des actions municipales sans rapport avec leur destination initiale. La personne exerçant "un travail dissimulé" avait monté des dossiers dans le cadre de ces subventions sans être déclarée.

Tribunal correctionnel de Nice, 27 novembre 2009


Jurisprudence administrative

 Les arrêtés de péril doivent-ils être homologués devant le juge administratif ?

Non. Depuis l’ordonnance du 15 décembre 2005, entrée en vigueur le 1er octobre 2006, l’article L. 511-2 du code de la construction et de l’habitation dispose que l’arrêté de péril intervient à l’issue d’une procédure contradictoire et que si le propriétaire ne réalise pas les mesures ordonnées le maire peut après mise en demeure non suivie d’effet, les faire exécuter d’office aux frais de l’intéressé. Ces nouvelles dispositions ne ne prévoient plus une homologation des arrêtés de péril par le juge administratif.

Conseil d’État, 23 novembre 2009, N° 305172


 Egalité d’accès aux emplois publics

Si les dispositions de l’article 74 de la Constitution "permettent à la Polynésie française de réserver, pour favoriser l’accès des habitants de la Polynésie française aux fonctions publiques locales, une certaine proportion des postes à pourvoir dans la fonction publique aux personnes résidentes de la Polynésie française, en instaurant deux concours, dotés d’un jury commun, l’un réservé aux personnes justifiant d’une durée suffisante de résidence, l’autre ouvert aux personnes ne remplissant pas cette condition, elle ne peut le faire qu’en se fondant sur des critères objectifs et rationnels en relation directe avec la promotion de l’emploi local, sans imposer au principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics de restrictions autres que celles strictement nécessaires à la mise en œuvre de ces dispositions.

Ainsi "en réservant aux résidents de la Polynésie française, par les dispositions précitées, 95 % des postes à pourvoir par la voie de concours externes dans tous les cadres d’emplois des catégories D et C et dans la plupart de ceux des catégories B et A, sans qu’il ressorte de la « loi du pays » contestée ou des pièces du dossier que le choix de ce pourcentage et celui des cadres d’emplois auquel il s’applique auraient été opérés en fonction de critères objectifs et rationnels fondés sur les caractéristiques de l’emploi local et les nécessités propres à sa promotion dans chacun des cadres d’emplois concernés, l’assemblée de la Polynésie française a imposé à l’accès aux emplois publics en Polynésie française des restrictions excédant celles strictement nécessaires à la mise en œuvre de l’objectif de soutien de l’emploi local et méconnu le principe constitutionnel d’égal accès aux emplois publics ainsi que les dispositions précitées de l’article 18 de la loi organique du 27 février 2004".

Décision n° 328776 du 25 novembre 2009 du Conseil d’Etat statuant au contentieux (section du contentieux, 10e et 9e sous-sections réunies) sur le rapport de la 10e sous-section de la section du contentieux NOR : CETX0928569S


 Collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie - Mesures destinées à favoriser les emplois locaux - atteintes au principe d’égalité

Les mesures que peuvent prendre les collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie, en faveur de leur population, en matière d’accès à l’emploi, ne peuvent intervenir que dans la mesure strictement nécessaire à la mise en œuvre de leur statut d’autonomie dès lors qu’elles dérogent, notamment, au principe constitutionnel d’égalité.

Ainsi une collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie ne peut favoriser l’emploi des personnes justifiant d’une durée de résidence de cinq ans sur le territoire dès lors "qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la fixation d’une durée unique de résidence quel que soit l’activité ou le secteur d’activité professionnelle concerné soit justifiée par des éléments objectifs en relation directe avec les nécessités du soutien de l’emploi local, ces nécessités ne pouvant être regardées comme résultant de la seule situation globale de l’emploi dans le territoire".

Décision n° 329047 et autres du 25 novembre 2009 du Conseil d’Etat statuant au contentieux (section du contentieux, 10e et 9e sous-sections réunies) sur le rapport de la 10e sous-section de la section du contentieux NOR : CETX0928570S


 Fin de détachement sur emploi fonctionnel (FDEF) : le fonctionnaire a-t-il droit à la communication de son dossier ?

Oui. En effet une telle décision, motivée par la rupture du lien de confiance entre le maire et l’intéressé, est prise en considération de la personne. Elle ne peut donc être légalement prise sans que l’intéressé ait été mis à même de demander en temps utile la communication de son dossier.

Conseil d’État, 25 novembre 2009, N° 305682


 Prise en charge des frais de transports publics des agents (ou des salariés) : un employeur (public ou privé) peut-il exclure du dispositif les titulaires de billets journaliers ?

Oui. Il appartient aux employeurs publics ou privés de définir les titres de transport dont ils décident la prise en charge et dans quelle proportion celle-ci est effectuée. Les titulaires de billets journaliers ne sont pas, au regard de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause, qui est d’inciter les agents publics à l’emploi régulier des transports en commun pour se rendre à leur travail, dans des conditions permettant un contrôle effectif de la régularité de cette utilisation par l’administration, dans la même situation que les titulaires d’abonnements mensuels ou annuels. Ainsi, en l’espèce, en ne prévoyant pas le remboursement des billets journaliers, le décret attaqué n’a donc pas méconnu le principe d’égalité entre usagers des transports. En revanche, en ne prévoyant pas la possibilité de rembourser les cartes hebdomadaires d’abonnement, l’auteur du décret a méconnu le principe d’égalité.

Conseil d’État, 25 novembre 2009, N° 307197


 Une commune peut-elle céder un immeuble à une association à une valeur inférieure au prix estimé par le service des domaines ?

Oui si la cession est justifiée par des motifs d’intérêt communal, et comporte des contreparties suffisantes. La différence entre le prix de cession de l’ensemble immobilier et l’évaluation du service des domaines doit être regardée comme ayant le caractère d’une aide apportée à l’association [2]. Cette aide est, en l’espèce, jugée conforme à l’intérêt général dès lors qu’elle conduit "tant à une meilleure insertion d’habitants d’origine étrangère au sein de la commune par la création d’activités collectives qu’au renforcement de la sécurité publique notamment pour la circulation en centre ville". D’autre part, "elle a pour contreparties suffisantes, de permettre à ces associations de mener à bien, dans le cadre de leurs statuts, leurs projets et de disposer d’un lieu de réunion adapté à la réalisation de ceux-ci par sa dimension et ses accès".

Conseil d’Etat, 25 novembre 2009, N° 310208


 Une société HLM peut-elle se retourner contre l’Etat si celui-ci a refusé de prêter son concours à une expulsion ?

Oui. L’autorité administrative est normalement tenue d’accorder le concours de la force publique en vue de l’exécution d’une décision de justice revêtue de la formule exécutoire et rendue opposable à la partie adverse. S’il en va autrement dans le cas où l’exécution forcée comporterait un risque excessif de trouble à l’ordre public, un refus justifié par l’existence d’un tel risque, quoique légal, engage la responsabilité de l’Etat à l’égard du bénéficiaire de la décision de justice. Les dispositions de l’article 50 du décret du 31 juillet 1992, prévoyant que la réquisition est accompagnée d’un exposé des diligences auxquelles l’huissier a procédé et des difficultés d’exécution, ont pour objet non d’habiliter le préfet à porter une appréciation, qui n’appartient qu’à l’huissier, sur la nécessité de demander le concours de la force publique, mais de l’éclairer sur la situation et sur les risques de troubles que l’expulsion peut comporter.

Conseil d’État, 25 novembre 2009, N° 323359



Maîtrise d’ouvrage

 La prise de possession peut-elle valoir réception définitive ?

Oui : "sauf stipulation contraire du marché, la prise de possession de l’ouvrage ne peut valoir réception définitive qu’à la condition, d’une part, que l’ouvrage soit achevé ou en état d’être réceptionné, et que, d’autre part, la commune intention des parties ait bien été de réceptionner l’ouvrage". Tel est le cas en l’espèce dès lors que les travaux ont été achevés et réglés et que la commune a pris possession de l’ouvrage. Ainsi malgré l’absence de réception expresse des travaux, la commune, maître de l’ouvrage, peut mettre en cause la garantie décennale des constructeurs à raison des désordres constatés.

Tribunal administratif Orléans, 27 novembre 2009, n°0804525

[1Photo :© Gary Blakeley

[2Dont l’objet statutaire est, en l’espèce, de favoriser l’intégration de la population d’origine turque dans la commune par la création d’activités culturelles, sociales, éducatives et sportives.