Un espace d’expression doit-il être réservé aux élus de l’opposition sur la page publique Facebook de la commune ?
Deux opposants exercent un recours pour excès de pouvoir contre une délibération adoptant le règlement intérieur du conseil municipal. Ils estiment que certaines dispositions du règlement intérieur portent atteinte au droit d’expression des conseillers municipaux tel que garanti par l’article L.2121-27-1 du code général des collectivités territoriales.
Les dispositions litigieuses concernent notamment la page Facebook de la commune et son site internet. La page Facebook ne contient en efft pas d’espace d’expression réservé aux conseillers n’appartenant pas à la majorité municipale. Quant au site internet, il ne prévoit pas la possibilité pour les élus de l’opposition de publier un article différent de celui publié dans le magazine de la commune.
Le tribunal administratif fait partiellement droit à la demande.
Droit d’expression des élus
Les communes de plus de 1000 habitants qui diffusent des informations générales sur les réalisations et sur la gestion du conseil municipal, sont tenues de réserver un espace d’expression réservé à l’opposition municipale.
Ce droit d’expression des élus de l’opposition est consacré à l’article L.2121-27-1 du Code général des collectivités territoriales (qui avait été modifié par la loi Notre n°2015-991 du 7 août 2015) :
L’obligation de réserver un espace d’expression s’applique aussi aux départements (article L.3121-24-1 du CGCT), régions (article L.4132-23-1 du CGCT), aux établissements publics de coopération intercommunale (par renvoi opéré par l’article L.5211-1).
Le règlement intérieur du conseil municipal doit définir l’espace d’expression consacré aux élus minoritaires.
Cette obligation s’applique aussi aux nouveaux supports d’information et de communication.
Espace d’expression réservé aux élus minoritaires sur la page Facebook d’une commune
La disposition litigieuse du règlement intérieur était ainsi rédigée : « La page Facebook de la commune ayant un statut « public » permet à chacun de pouvoir s’exprimer librement, et permet l’expression de tous les conseillers municipaux ».
Est considérée comme une diffusion d’un bulletin d’information générale « toute mise à disposition du public de messages d’information portant sur les réalisations et la gestion du conseil municipal, quelle que soit la forme qu’elle revêt ».
Le juge rappelle que la page Facebook d’une commune, dès lors qu’elle contient des informations sur les réalisations du conseil municipal, doit prévoir un espace d’expression réservé aux conseillers de l’opposition.
Le juge vérifie la nature des informations diffusées.
Au cas présent, le juge relève que la commune diffuse sur sa page Facebook des évènements tels que la construction d’une salle multi-sports, la mise en place d’une chaussée pour les circulations douces, l’utilisation des moutons pour l’entretien des espaces verts de la commune.
Ce média est donc un outil de diffusion des réalisations du conseil municipal, dès lors l’expression des conseillers municipaux doit être permise sur ce réseau social.
Et, la commune ne peut pas opposer aux conseillers de l’opposition la possibilité pour eux d’utiliser Facebook comme tout usager privé. Le statut « public » de la page Facebook ne peut pas permettre à la commune de se soustraire à cette obligation.
Cette disposition du règlement est donc jugée contraire à l’article L.2121-27-1 du code général des collectivités territoriales.
En conséquence, le juge annule la délibération litigieuse approuvant l’article du règlement intérieur qui ne prévoit pas d’espace d’expression des élus n’appartenant pas à la majorité sur la page Facebook de la ville. Et le juge d’enjoindre à la commune de réexamine son règlement intérieur.
Et le compte Twitter d’une commune ?
Le site internet de la commune est également concerné
Le site internet d’une commune entre dans le champ d’application des dispositions de l’article L.2121-27-1 du CGCT dès lors qu’il comporte des informations générales sur les réalisations, les actions du conseil municipal.
Ce support de communication doit donc réserver un espace d’expression aux élus n’appartenant pas à la majorité :
Mais au cas présent, le juge relève que le site internet, à la date de l’adoption du règlement intérieur, ne contient pas des informations d’une nature différente de celles publiées dans le magazine susceptibles d’appeler de la part de l’opposition un commentaire de nature différente de celui déjà publié dans le support papier. De plus, le site internet contient les procès-verbaux des interventions des élus de l’opposition lors des conseils municipaux.
Dans les circonstances particulières du litige, le juge considère que le droit d’expression des élus est préservé.
Mais, dès lors que le site internet de la commune contient des informations relatives aux réalisations et à la gestion du conseil municipal, la commune ne peut pas se borner à prévoir la simple reproduction sur son site internet (et sa page facebook) des articles publiés par les conseillers municipaux d’opposition dans le magazine municipal (CAA Marseille, 12 juin 2019 : n°18MA04529).
Newsletter mensuelle, réunions publiques et vœux du maire
Le juge lyonnais précise qu’une newsletter mensuelle diffusée par courriel qui contient seulement des informations pratiques et qui se borne à renvoyer vers des articles publiés sur le site internet de la commune n’entre pas dans le champ d’application de l’article L.2121-27-1 du code général des collectivités territoriales.
Enfin, contrairement à ce que soutiennent les opposants, les dispositions de l’article L.2121-27-1 du CGCT ne s’appliquent pas aux réunions publiques et vœux du maire prononcés lors d’une cérémonie ou diffusés par voie audiovisuelle car ils n’ont qu’un caractère ponctuel.
*Nous remercions le cabinet Itineraires-avocats du signalement de ce jugement.