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Marten Bjork sur Unsplash

Incidences pour un fonctionnaire d’une condamnation pénale à une interdiction d’exercer une fonction publique

Conseil d’Etat, 10 décembre 2020, n° 437034

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Un fonctionnaire condamné à une peine d’interdiction d’exercer peut-il être maintenu en activité si la peine prononcée peut encore être annulée en appel ou en cassation ?

 
Pas si le juge a prononcé l’exécution provisoire de cette peine. En effet l’autorité administrative est tenue de tirer les conséquences que doit emporter la condamnation pénale exécutoire d’un agent à une peine d’interdiction d’exercer un emploi public, même en l’absence de disposition de son statut prévoyant cette hypothèse. Le même raisonnement s’applique aux élus locaux condamnés à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire autorisant le préfet à ouvrir une procédure de démission d’office sans attendre l’issue des voies de recours.
 


 

Le secrétaire général d’une chambre des métiers et de l’artisanat est reconnu coupable des délits de détournement de fonds publics par une personne chargée d’une mission de service public et de prise illégale d’intérêt. Le tribunal le condamne à une peine d’emprisonnement de six mois assortie du sursis, au paiement d’une amende de 20 000 euros, et à la peine complémentaire d’interdiction d’exercer pendant une durée d’un an l’activité professionnelle ayant permis la commission de l’infraction.

 

Ce jugement étant assorti de l’exécution provisoire, le président de la chambre des métiers et de l’artisanat met fin aux fonctions de l’intéressé et le radie des effectifs de la chambre. L’intéressé conteste cette décision. Il est débouté devant le tribunal administratif mais obtient gain de cause en appel :

 

 d’une part la condamnation pénale, bien qu’assortie de l’exécution provisoire, n’était pas définitive ;

 d’autre part, sur la peine complémentaire d’interdiction d’exercice pendant un an de l’activité professionnelle ayant permis la commission de l’infraction n’impliquait pas une rupture définitive et automatique de tout lien de l’intéressé avec le service, alors que celui-ci pouvait être régulièrement faire l’objet, en application de l’article 68 de son statut, d’une suspension provisoire durant toute la période de mise en œuvre de cette peine complémentaire, assortie, le cas échéant, de l’engagement d’une procédure disciplinaire à raison des faits ayant donné lieu à la condamnation.

 

Le Conseil d’Etat annule cet arrêt estimant que la cour administrative d’appel de Nancy a commis une erreur de droit :

 « l’autorité administrative est tenue de tirer les conséquences que doit emporter la condamnation pénale exécutoire d’un agent à une peine d’interdiction d’exercer un emploi public, même en l’absence de disposition de son statut prévoyant cette hypothèse » ;

 l’intéressé « compte tenu de sa condamnation pour détournement de fonds publics par une personne chargée d’une mission de service public et prise illégale d’intérêt et de la nature de l’emploi de secrétaire général de l’établissement public qu’il occupait, ne pouvait bénéficier d’une mesure de reclassement sur un autre emploi au sein de la chambre quand bien même il aurait été suspendu en vue de l’exercice de poursuites disciplinaires. »

 
▪ Le Conseil d’Etat applique la même solution aux élus locaux qui sont condamnés à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire (Conseil d’Etat, 20 juin 2012, N° 356865)

▪ Si aux termes de l’article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires le fonctionnaire condamné peut solliciter auprès de l’autorité ayant pouvoir de nomination sa réintégration à l’issue de la période de privation des droits civiques, il reste que toute demande de réintégration doit satisfaire aux dispositions de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 excluant de la qualité de fonctionnaire toute personne déchue de ses droits civiques ou ayant à son casier judiciaire des mentions incompatibles avec l’exercice de ses fonctions. L’agent qui souhaite être réintégré doit préalablement obtenir la non inscription de la condamnation au B2 de son casier judiciaire et ce même si l’agent n’avait jamais fait l’objet d’une mesure de radiation des cadres (CAA Bordeaux 13 novembre 2008 N° 07BX01107.

▪ L’article 131-26-2 du Code pénal, inséré depuis la loi du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, prévoit le prononcé obligatoire, pour tous les crimes et pour une série de délits mentionnés à cet article (dont les manquements au devoir de probité), de la peine complémentaire d’inéligibilité. Il appartient au juge de prononcer explicitement cette peine et d’en fixer la durée. Toutefois, il peut écarter expressément le prononcé de cette peine, par une décision spécialement motivée, en considération des circonstances de l’infraction ou de la personnalité de son auteur.

▪ Une circulaire du 21 septembre 2017 (NOR : JUSD1726581C) rappelle que le Conseil constitutionnel (Décision n° 2017-752 DC du 8 septembre 2017, loi pour la confiance dans la vie politique) a précisé que la peine obligatoire d’inéligibilité encourue pour les délits visés par la loi ne saurait entraîner de plein droit l’interdiction ou l’incapacité d’exercer une fonction publique. Il appartient au juge pénal d’apprécier au cas par cas si la peine obligatoire d’inéligibilité doit être accompagnée de l’interdiction ou de l’incapacité d’exercer une fonction publique.