Un agent agressé par un collègue peut-il rechercher la responsabilité pour faute de la collectivité ?
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Pontentiellement oui si la commune avait connaissance du comportement violent de l’agresseur et n’a pas pris les dispositions, notamment disciplinaires, qui s’imposaient.
Tel n’est pas jugé le cas en l’espèce, dès lors que l’auteur des faits, s’il avait pu être menaçant, n’avait jamais jusqu’ici exercé des violences physiques et a été immédiatement été suspendu après l’agression.
L’agent victime peut néanmoins obtenir, même en l’absence de faute de la commune, réparation des préjudices extra-patrimoniaux résultant de l’atteinte qu’il a subie dans son intégrité physique, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d’agrément subis. Il peut également obtenir une indemnité complémentaire en réparation des préjudices patrimoniaux d’une autre nature que ceux réparés par l’allocation temporaire d’invalidité ou la rente viagère, ou des préjudices personnels.
En l’espèce le tribunal va plus loin et indemnise l’agent victime d’une perte de revenus et une incidence professionnelle (poste de préjudice qui suppose en principe la reconnaissance d’une faute) en soulignant qu’il exerçait, en complément de son emploi au sein de la commune, une activité accessoire de distribution de magazines.
Si ce jugement devait être confirmé sur ce point, cela signifierait donc que les collectivités pourraient avoir à prendre en charge des pertes de revenus professionnels d’agents en situation de cumul d’activités et ce même en l’absence de faute.
Un agent de maîtrise exerçant les fonctions de chef de cuisine dans une commune est victime sur son lieu de travail, d’une agression physique et verbale par un de ses collègues. Il recherche la responsabilité pour faute de la commune, lui reprochant de ne pas avoir écarté du service son agresseur en temps utile et soutenant que la commune avait connaissance de son comportement violent. En effet l’auteur de l’agression avait déjà proféré des menaces et des insultes.
Circonstance jugée cependant insuffisante pour caractériser une faute de la collectivité. En effet l’agresseur n’avait jusqu’ici jamais fait preuve de violences physiques. Et dès le lendemain de l’agression, la commune a engagé une procédure disciplinaire à son encontre en le suspendant de ses fonctions.
Ce qui ne veut pas dire pour autant que la victime ne peut pas obtenir réparation de son préjudice auprès de la collectivité. En effet, rappelle le tribunal, les collectivités publiques ont l’obligation de garantir leurs agents contre les risques qu’ils peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions :
– « Même en l’absence de faute de cette collectivité, le fonctionnaire victime d’un accident de service peut obtenir de la collectivité qui l’emploie une indemnité réparant les préjudices extra-patrimoniaux résultant de l’atteinte qu’il a subie dans son intégrité physique, des souffrances physiques ou morales et des préjudices esthétiques ou d’agrément subis.
– « Le fonctionnaire qui subit, du fait de l’invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d’une autre nature que ceux réparés par l’allocation temporaire d’invalidité ou la rente viagère, ou des préjudices personnels, peut également obtenir de la personne publique qui l’emploie, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice. »
En revanche l’agent ne peut obtenir la réparation intégrale de son préjudice par une action de droit commun que dans le cas notamment où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l’état d’un ouvrage public dont l’entretien incombait à celle-ci.
En l’espèce la faute de la collectivité ayant été écartée, le tribunal recense les postes de préjudice qui pouvaient être indemnisés et condamne la commune à verser 20 000 euros à l’agent agressé, dont 4000 euros au titre de sa perte de revenus et de l’incidence professionnelle. Or, en principe ce poste de préjudice ne peut pas être indemnisé dans le cadre d’une responsabilité sans faute. Mais, poursuit le tribunal, la victime exerçait parallèlement, avant son agression, une activité accessoire de distribution de magazines qu’il n’a pu exercer pendant une période de deux ans, ce qui justifie une indemnité pour ce poste. Si ce jugement devait être confirmé sur ce point, cela signifierait donc que les collectivités pourraient avoir à prendre en charge des pertes de revenus professionnels d’agents en situation de cumul d’activités et ce même en l’absence de faute.
[1] Photo : Charl Folscher sur Unsplash