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📢 Loi Asap : quels impacts pour les collectivitĂ©s territoriales ?

LOI n° 2020-1525 du 7 dĂ©cembre 2020 d’accĂ©lĂ©ration et de simplification de l’action publique

La loi Asap (Loi d’accĂ©lĂ©ration et de simplification de l’action publique) a Ă©tĂ© publiĂ©e au Journal Officiel le 8 dĂ©cembre. Panorama des principales mesures impactant les collectivitĂ©s territoriales (liste non exhaustive).

 [1]

Quels sont les objectifs de cette loi ?

Initialement ce texte s’articulait autour de trois axes prioritaires [2] :

  • une administration plus simple (suppression des commissions consultatives jugĂ©es inutiles)
  • une administration plus proche des Français (dĂ©concentration des dĂ©cisions)
  • une administration plus efficace et plus rapide (modernisation et simplification des dĂ©marches courantes).

Afin de prendre en compte les consĂ©quences de la crise sanitaire, le texte s’est enrichi de nombreuses mesures (parfois controversĂ©es) concernant notamment l’encadrement de la commande publique.

Dans sa dĂ©cision du 3 dĂ©cembre [3], le Conseil constitutionnel valide les dispositions phares de la loi Asap mais censure une vingtaine d’articles ne prĂ©sentant pas de lien avec les dispositions initiales du texte [4]

Quelles sont les principales mesures concernant la commande publique ?

* Relèvement du seuil de dispense de procĂ©dure pour les marchĂ©s publics - article 142 [5]

Pour accĂ©lĂ©rer la relance de l’économie, le seuil de dispense de publicitĂ© et de mise en concurrence pour la conclusion des marchĂ©s publics de travaux est relevĂ© Ă  100 000 euros HT jusqu’au 31 dĂ©cembre 2022. [6]

Il est prĂ©cisĂ© que ces dispositions sont applicables «  aux lots qui portent sur des travaux et dont le montant est infĂ©rieur Ă  100 000 € hors taxes, Ă  la condition que le montant cumulĂ© de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimĂ©e de tous les lots ». [7]


* Création d’un régime de circonstances exceptionnelles - article 132

Le dispositif s’inspire de celui mis en place pendant le premier état d’urgence sanitaire.
Les règles de la commande publique sont adaptées non seulement au profit des acheteurs mais également au bénéfice des co-contractants.

L’article crée un dispositif pérenne pouvant être mis en œuvre lors de la survenance de circonstances exceptionnelles (guerre, épidémie, pandémie, catastrophe naturelle ou crise économique majeure).

Pour les marchĂ©s publics, la deuxième partie du code de la commande publique est complĂ©tĂ©e par un livre VII « Dispositions relatives aux circonstances exceptionnelles » [8]

> Quelles mesures peuvent ĂŞtre prises par l’acheteur ?

L’acheteur peut :

  • Adapter en cours de procĂ©dure les modalitĂ©s de la mise en concurrence prĂ©vues dans les documents de la consultation des entreprises mais dans le respect du principe d’égalitĂ© de traitement des candidats
  • Prolonger les dĂ©lais de rĂ©ception des candidatures et des offres pour les procĂ©dures en cours (sauf prĂ©cise le texte « lorsque les prestations ne peuvent souffrir aucun retard »). L’article Ă©voque une durĂ©e suffisante pour permettre aux opĂ©rateurs Ă©conomiques de prĂ©senter leur candidature ou de soumissionner.

> Qu’en est-il des marchĂ©s publics dont le terme intervient pendant la pĂ©riode de circonstances exceptionnelles ?

Ils peuvent ĂŞtre prolongĂ©s « par avenant au-delĂ  de la durĂ©e prĂ©vue par le contrat lorsque l’organisation d’une procĂ©dure de mise en concurrence ne peut ĂŞtre mise en Ĺ“uvre ».
Toutefois, « la durĂ©e de cette prolongation ne peut excĂ©der la durĂ©e de la pĂ©riode de circonstances exceptionnelles, augmentĂ©e de la durĂ©e nĂ©cessaire Ă  la remise en concurrence Ă  l’issue de l’expiration de cette pĂ©riode ».

> Quelles sont les mesures pour les titulaires des marchĂ©s publics ?

– Des dĂ©lais d’exĂ©cution du contrat prolongĂ©s :

Le délai d’exécution du contrat est prolongé à la demande du titulaire lorsque celui-ci est dans l’impossibilité de respecter le délai d’exécution ou que cette exécution nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur le titulaire une charge manifestement excessive.
«  Le dĂ©lai est prolongĂ© d’une durĂ©e Ă©quivalente Ă  la pĂ©riode de non-respect du dĂ©lai d’exĂ©cution rĂ©sultant directement des circonstances exceptionnelles »
.
Attention : la demande doit ĂŞtre prĂ©sentĂ©e avant l’expiration du dĂ©lai contractuel et avant l’expiration de la pĂ©riode de circonstances exceptionnelles.

– Sanctions et pĂ©nalitĂ©s contractuelles neutralisĂ©es :

Il est prĂ©vu une neutralisation des sanctions et des pĂ©nalitĂ©s contractuelles « lorsque le titulaire du marchĂ© est dans l’impossibilitĂ© d’exĂ©cuter tout ou partie d’un bon de commande ou d’un contrat » (soit parce qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou soit parce que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive).
De même sa responsabilité contractuelle ne peut être engagée.

A noter : dans ce contexte, la responsabilitĂ© contractuelle de l’acheteur ne pourra pas non plus ĂŞtre engagĂ©e s’il dĂ©cide de conclure un marchĂ© de substitution avec un tiers afin de « satisfaire ceux de ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard », nonobstant toute clause d’exclusivitĂ©.

A noter : l’application de l’ensemble de ces mesures est prĂ©vue par un dĂ©cret pour une durĂ©e ne pouvant pas excĂ©der vingt-quatre mois.

Dispense de procĂ©dure pour motif d’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral - article 131 :

Le législateur ajoute un nouveau cas de dispense de procédure au sein de l’article L.2122-1 du code de la commande publique. L’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables pour un motif d’intérêt général.

Cette mesure controversĂ©e a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©e par la Direction des affaires juridiques de Bercy (DAJ) : les motifs d’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral seront dĂ©finis par dĂ©cret en Conseil d’Etat. La DAJ explique : « il ne s’agit pas de permettre aux acheteurs de dĂ©cider eux-mĂŞmes de dĂ©roger aux procĂ©dures en fonction de leur propre apprĂ©ciation de l’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral Ă  un moment donnĂ© ».

Le Conseil constitutionnel relève que cette mesure est suffisamment encadrĂ©e puisque d’une part il revient au pouvoir rĂ©glementaire de dĂ©terminer les motifs d’intĂ©rĂŞt gĂ©nĂ©ral pouvant ĂŞtre invoquĂ©s et d’autre part parce que les cas de recours Ă  ces dĂ©rogations sont limitĂ©s (existence d’une première procĂ©dure infructueuse, urgence particulière, objet ou valeur estimĂ©e). LĂ  encore, ces dispositions n’exonèrent pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d’Ă©galitĂ© devant la commande publique et de bon usage des deniers publics.

Accès des entreprises en redressement judiciaire à la commande publique - article 131

L’article autorise les entreprises en redressement judiciaire à se porter candidates à un contrat de la commande publique si elles bénéficient d’un plan de redressement. Il ne sera plus nécessaire que ces entreprises démontrent qu’elles ont été habilitées à poursuivre leur activité pendant la durée prévisible du contrat (article L.2141-3 du code de la commande publique modifié).

Généralisation du dispositif en faveur des PME à tous les contrats globaux - article 131

Désormais l’acheteur doit tenir compte parmi les critères d’attribution des marchés globaux de la part d’exécution du marché que le soumissionnaire s’engage à confier à des petites et moyennes entreprises ou à des artisans (nouvel article L.2152-9).
 [9]

Exclusion des marchés publics de services juridiques aux règles normales de publicité et de mise en concurrence - article 140

L’exclusion des marchĂ©s publics de services juridiques aux règles normales de la publicitĂ© et de la mise en concurrence est Ă©largie Ă  deux domaines (transposition stricte des directives europĂ©ennes de 2014) [10].

Sont concernĂ©s :

  • les services juridiques de reprĂ©sentation lĂ©gale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procĂ©dure juridictionnelle, devant les autoritĂ©s publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d’un mode alternatif de règlement des conflits
  • les services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la prĂ©paration de toute procĂ©dure juridictionnelle ou lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilitĂ©s que la question sur laquelle porte la consultation fera l’objet d’une telle procĂ©dure
    Les acheteurs et les autoritĂ©s concĂ©dantes pourront passer de tels contrats de grĂ© Ă  grĂ© (Source : Direction des affaires juridiques de Bercy).

Marchés réservés - article 141

L’article L.2113-14 du code de la commande publique interdit à l’acheteur de réserver un marché ou un lot de marché à la fois aux entreprises adaptées, aux établissements et services d’aide par le travail d’une part et aux structures d’insertion par l’activité économique d’autre part.

Ce qui change :
Ce caractère exclusif est supprimĂ© afin notamment « d’ouvrir, d’allĂ©ger les contraintes des acheteurs dans la mise en Ĺ“uvre de leur politique d’insertion par la commande publique » selon l’amendement adoptĂ©.

Possibilité de modifier les contrats conclus avant 2016 - article 133

Les marchés publics et les contrats de partenariats conclus avant le 1er avril 2016 peuvent être modifiés sans nouvelle procédure de mise en concurrence dans les conditions définies par le code de la commande publique.

Quelles sont les principales autres dispositions intĂ©ressant les collectivitĂ©s territoriales (liste non exhaustive) ?

Droit de l’environnement

* L’information des maires sur les projets d’installations éoliennes est renforcée (article 53).
Un mois au moins avant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale, le porteur de projet adresse aux maires de la commune concernée et des communes limitrophes le résumé non technique de l’étude d’impact (L.181-28-2 code l’environnement).

* Droit d’initiative et concertation préalable (article 43)

Un droit d’initiative est prĂ©vu par l’article L.121-17-1 du code de l’environnement pour permettre au public de demander au reprĂ©sentant de l’Etat concernĂ© l’organisation d’une concertation prĂ©alable (pour les plans et programmes soumis Ă  Ă©valuation environnementale et ne relevant pas du champ de compĂ©tence de la Commission nationale du dĂ©bat public).
Ce droit d’initiative peut s’exercer lorsque la déclaration d’intention pour un projet a été publiée.
Les auteurs autorisĂ©s Ă  exercer ce droit sont mentionnĂ©s Ă  l’article L. 121-19 (il peut s’agir notamment d’un conseil municipal, dĂ©partemental, rĂ©gional).

Ce qui change :

  • le dĂ©lai pour exercer le droit d’initiative est dĂ©sormais de deux mois (au lieu de quatre) (article L.121-19 modifiĂ©)
  • les rĂ©gions, dĂ©partements et communes dans lesquels se trouve tout ou partie du territoire mentionnĂ© dans la dĂ©claration d’intention sont obligatoirement informĂ©s de la dĂ©claration d’intention (article L.121-18 du code de l’environnement modifiĂ©).

RĂ©serve citoyenne - article 113 :

« Lorsque l’état d’urgence sanitaire est dĂ©clarĂ©, la commune peut, sur dĂ©libĂ©ration du conseil municipal, Ă©tendre la durĂ©e des activitĂ©s Ă  accomplir au titre de la rĂ©serve citoyenne jusqu’à trente jours ouvrables pour l’annĂ©e civile engagĂ©e, sous rĂ©serve des dispositions de l’article L.724-7.
Les personnes qui ont souscrit un engagement Ă  servir dans la rĂ©serve de sĂ©curitĂ© civile peuvent demander Ă  ĂŞtre dĂ©gagĂ©es de cette extension et ne sont alors tenues d’accomplir que leur engagement initial de quinze jours »
(Article L.724-4 du code de la sécurité intérieure).

[1Photo : Ivan Timov sur Unsplash

[2Source : rapport fait au nom de la commission spĂ©ciale

[3DĂ©cision n°2020-807 DC

[4Est par exemple censurĂ©e la disposition relative Ă  l’allègement de la responsabilitĂ© des gestionnaires et propriĂ©taires de sites naturels pour les dommages causĂ©s dans le cadre des sports de pleine nature. L’article Ă©cartĂ© visait Ă  insĂ©rer dans le code du sport un nouvel article au terme duquel "Le gardien de l’espace naturel dans lequel s’exerce un sport de nature n’est pas responsable des dommages causĂ©s Ă  un pratiquant sur le fondement de l’article 1242 du code civil, lorsque ceux-ci rĂ©sultent de la rĂ©alisation d’un risque normal et raisonnablement prĂ©visible, inhĂ©rent Ă  la pratique sportive considĂ©rĂ©e".

[5Le Conseil constitutionnel relève que le lĂ©gislateur a encadrĂ© dans le temps la durĂ©e de la dispense et que "cette dispense n’exonère pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d’Ă©galitĂ© devant la commande publique et de bon usage des deniers publics".

[6Par un dĂ©cret du 22 juillet 2020 (n°2020-893) le seuil avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© relevĂ© Ă  70 000 euros jusqu’au 10 juillet 2021 inclus.

[7Les acheteurs demeurent toujours soumis à l’obligation de publier des informations sur les marchés conclus dès 25 000 euros.

[8Articles L.2711-1 et suivants

[9Cette obligation de réserver une partie de l’exécution des marchés aux PME et artisans existe déjà pour les marchés de partenariat (article L.2222-4).

[10Article 2512-5 du CCP modifié