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Permis de construire : incidences d’un vice de forme affectant un panneau d’affichage

Conseil d’Etat, 16 octobre 2020, N° 429357

Panneau d’affichage d’un permis de construire : l’absence de mention de l’adresse exacte de la mairie neutralise-t-elle automatiquement le déclenchement du délai de recours des tiers ?

 [1]

Non répond le Conseil d’Etat. L’absence de l’adresse précise de la mairie ne rend pas automatiquement irrégulier l’affichage et ne fait pas obstacle au déclenchement du délai de recours des tiers. Les tiers sont suffisamment renseignés par la mention, sur le panneau d’affichage, du nom de la mairie où le dossier peut être consulté. L’erreur ou l’omission d’une mention obligatoire sur le panneau d’affichage ne conduit en effet à faire obstacle au déclenchement du délai de recours que dans le cas où cette erreur est de nature à affecter la capacité des tiers à identifier, à la seule lecture du panneau d’affichage, le permis et l’administration à laquelle il convient de s’adresser pour consulter le dossier.

Saisi par un couple de riverains, le tribunal administratif de Bastia annule pour excès de pouvoir un arrêté par lequel un maire a délivré un permis de construire pour un immeuble collectif comportant neuf logements. Pourtant le délai de deux mois pour agir était expiré. Certes mais l’affichage du permis de construire litigieux sur le terrain est jugé irrégulier et n’a pu ainsi déclencher le délai de recours contentieux à l’égard des tiers, faute de précisions sur l’adresse exacte de la mairie où le dossier pouvait être consulté. Ainsi le délai pour agir était repoussé jusqu’à six mois après l’achèvement des travaux en application de l’article R. 600-3 du code de l’urbanisme.

Le code de l’urbanisme impose en effet plusieurs règles et modalités d’affichage du permis de construire sur le terrain. Outre celles relatives à la durée de l’affichage du permis, du choix du lieu d’implantation du panneau, de la forme et de la dimension du panneau, le code de l’urbanisme réglemente également le contenu de l’affichage. Aux termes de l’article A.424-16 du code de l’urbanisme le panneau d’affichage doit ainsi indiquer :

« le nom, la raison sociale ou la dénomination sociale du bénéficiaire, le nom de l’architecte auteur du projet architectural, la date de délivrance, le numéro du permis, la nature du projet et la superficie du terrain ainsi que l’adresse de la mairie où le dossier peut être consulté. Il indique également, en fonction de la nature du projet :
a) Si le projet prévoit des constructions, la surface de plancher autorisée ainsi que la hauteur de la ou des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel ;
b) Si le projet porte sur un lotissement, le nombre maximum de lots prévus ;
c) Si le projet porte sur un terrain de camping ou un parc résidentiel de loisirs, le nombre total d’emplacements et, s’il y a lieu, le nombre d’emplacements réservés à des habitations légères de loisirs ;
d) Si le projet prévoit des démolitions, la surface du ou des bâtiments à démolir. »

La mention du délai de recours contentieux doit également y figurer [2].

L’affichage a pour objet de permettre aux tiers, à la seule lecture du panneau d’apprécier l’importance et la consistance du projet [3], il n’a pas de conséquences sur la légalité du permis de construire : « l’objet de l’affichage n’est pas de permettre par lui-même d’apprécier la légalité de l’autorisation de construire » [4].

En revanche, la régularité de l’affichage a des effets sur le déclenchement du délai de recours contentieux pour les tiers [5]. Un affichage irrégulier peut ainsi faire obstacle au déclenchement du délai de recours contentieux si l’erreur « est de nature à empêcher les tiers d’apprécier l’importance et la consistance du projet » [6].

En l’espèce, le tribunal administratif de Bastia estimait qu’en raison de la taille de la commune et de la dispersion des services municipaux la mention relative à l’adresse de la mairie où le dossier pouvait être consulté revêtait un caractère substantiel de sorte que son absence entraînait l’irrégularité du panneau d’affichage et par voie de conséquence le non déclenchement du délai de recours contentieux.

Le Conseil d’Etat annule le jugement et renvoie l’affaire pour être à nouveau jugée conformément au droit :

« si les mentions relatives à l’identification du permis et au lieu de consultation du dossier prévues par l’article A. 424-16 du code de l’urbanisme doivent, en principe, figurer sur le panneau d’affichage, une erreur ou omission entachant l’une d’entre elles ne conduit à faire obstacle au déclenchement du délai de recours que dans le cas où cette erreur est de nature à affecter la capacité des tiers à identifier, à la seule lecture du panneau d’affichage, le permis et l’administration à laquelle il convient de s’adresser pour consulter le dossier ».

La haute juridiction estime que la seule mention de la mairie où pouvait être consulté le dossier renseigne suffisamment les tiers sur l’administration à laquelle s’adresser. Peu importe que la commune soit une grande ville et que les services de la mairie soient dispersés en plusieurs endroits sur le territoire de la commune.

Cet arrêt s’inscrit dans la droite ligne de sa jurisprudence « Danthony » [7] relativisant les effets d’un vice de forme qui n’a pas eu d’influence sur le sens de la décision prise, ni privé les intéressés d’une garantie [8].

Le Conseil d’Etat conforte également les positions adoptées par plusieurs cours administratives d’appel sur la régularité d’un affichage omettant de mentionner l’adresse de la commune. La cour administrative d’appel de Marseille [9] avait ainsi statué dans le même sens s’agissant d’un panneau d’affichage qui se bornait à indiquer comme adresse « mairie : ville de … » et jugé que cette imprécision n’était pas de nature à vicier la régularité de l’affichage, dès lors que les autres indications permettaient aux tiers d’identifier le permis et que la consultation de ce dernier n’en a pas été rendue de ce fait plus difficile.

[1Photo : Elvir K sur Unsplash

[2Article A.424-17 code de l’urbanisme. L’absence de mention du délai de recours avait jusqu’à récemment des conséquences plus importantes car elle avait pour effet de neutraliser indéfiniment le délai de recours contentieux des tiers. Le Conseil d’Etat (CE, 9 novembre 2018 n° 409872), au nom du principe de la sécurité juridique, applique désormais la jurisprudence "Czabaj" (CE. Ass. 13 juillet 2016, n° 387763) au contentieux du permis de construire et limite, en principe, à un an le recours contre les permis de construire qui ont été affichés sans mentionner le délai de recours.

[3CE, 25 février 2019 : n°416610

[4Conseil d’Etat, 16 octobre 2019, n°419756

[5Article R.600-2 : ce délai est deux mois à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain

[6CE, 16 octobre 2019 : n°419756

[7Conseil d’Etat, 23 décembre 2011, N° 335033

[8Principe également applicable en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte.

[9CAA Marseille, 16 mai 2012 : n°10MA03049