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Faibles chances de succès d’une action en justice : un motif légitime de refus de protection fonctionnelle ?

Tribunal administratif de Besançon 13 juin 2019, n°1802084

Les faibles chances de succès d’une action en justice constituent-elles un motif légitime de refus de la protection fonctionnelle ?

Non : si les conditions d’application de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 sont remplies, la collectivité doit octroyer la protection fonctionnelle, sauf motif d’intérêt général. Cela ne veut pas dire pour autant que la collectivité doive soutenir l’agent victime dans toutes les actions en justice qu’il souhaite engager. Mais si elle estime que les moyens d’action envisagés par l’agent ne sont pas adaptés au but recherché ou à ses intérêts, l’administration doit l’orienter vers d’autres solutions plus adéquates. Cette appréciation de l’opportunité des mesures ne peut constituer un motif légitime qui exonérait la personne publique de son obligation de protection.

Un aide médico-psychologique, dans un foyer de vie d’un centre hospitalier, est dénoncé par des collègues pour des faits de discrimination, violence et harcèlement moral.

Le centre hospitalier déclenche une enquête interne dont les conclusions ne permettent pas d’établir avec certitude la réalité des faits imputés. L’enquête pénale se conclut par un classement sans suite.

L’agent blanchi dépose alors plainte pour dénonciation calomnieuse et sollicite la protection fonctionnelle qui lui est refusée, refus qu’il conteste devant le Tribunal administratif de Besançon.

Ce dernier tranche en faveur de l’agent et annule la décision de refus de protection fonctionnelle.

Au visa de l’article 11 de la loi de 1983 qui fait porter, sur l’administration, l’obligation de protection fonctionnelle des fonctionnaires lorsqu’ils ont été victimes d’attaques relatives au comportement qu’ils ont eu dans l’exercice de leurs fonctions, le juge administratif rappelle que ces dispositions législatives ne peuvent subir de dérogation, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d’intérêt général.

L’administration doit donc assister son agent dans le cadre des procédures judiciaires qu’il initie pour assurer sa défense, dont elle peut apprécier l’opportunité au regard de « l’objectif de défense recherché et [de] leur objet [...] conforme aux dispositions » de la loi de 1983.

L’administration, pour refuser la protection fonctionnelle à l’agent, soutenait que la procédure pénale introduite pour dénonciation calomnieuse n’était pas appropriée dans la mesure où il paraissait difficile d’établir que les accusateurs savaient que les faits qu’ils imputaient étaient totalement ou partiellement inexacts dès lors que l’enquête interne n’avait pas abouti et que le classement sans suite n’avait pas permis d’établir à lui seul la fausseté des dénonciations effectuées.

La décision du centre hospitalier est censurée par le juge qui rappelle que la collectivité ne peut refuser d’accorder la protection fonctionnelle que pour un motif d’intérêt général :

"s’il appartient à l’administration, pour apprécier les modalités les plus adéquates de la protection statutaire qu’elle est tenue d’assurer, d’évaluer les chances raisonnables de succès des poursuites judiciaires entreprises par le fonctionnaire, l’appréciation qu’elle porte sur les chances de succès de ces poursuites peut la conduire à choisir d’autres modalités, plus appropriées, pour assurer la protection de l’intéressé, mais non constituer un motif d’intérêt général lui permettant de déroger à l’obligation de protection qui lui incombe".

Ainsi si l’administration estime que les modalités d’actions choisies par l’agent ne sont pas appropriées, elle doit lui proposer des solutions plus adaptées mais ne peut lui refuser le bénéfice de la protection fonctionnelle en l’absence d’un motif d’intérêt général.

Tribunal administratif de Besançon, 13 juin 2019, n°1802084 (PDF)