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Fêtes communales : gare à l’électricité !

Cour de Cassation, chambre criminelle, 11 juin 2003, N° 02-82622

Le maire peut-il être tenu responsable d’un accident survenu à l’occasion d’un bal organisé par le comité des fêtes ?

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Le comité des fêtes d’une commune rurale de huit cents habitants organise son traditionnel bal "disco", avec cette année un brin de fantaisie - une projection de mousse - qui se révélera facteur aggravant d’un court-circuit électrique meurtrier.

En effet, au cours de la soirée, trois jeunes s’électrocutent en s’appuyant sur les barrières métalliques délimitant la piste de danse. L’un est tué, les deux autres blessés. L’enquête démontre "que le fait générateur de l’accident provenait d’un défaut d’isolement du matériel de sonorisation non relié à la terre et branché en amont du disjoncteur différentiel par la société chargée de la sonorisation, ainsi que du défaut de la mise à la terre des éléments conducteurs du podium, installé par la municipalité".

Le maire est traduit devant les juridictions pénales pour homicide et blessures involontaires. Dans un arrêt rendu le 11 juin 2003, la Cour de cassation confirme sa condamnation à 15 000 euros d’amende qui avait été prononcée par la cour d’appel de Montpellier le 19 mars 2002.
Le raisonnement des magistrats est à double détente :

 dans un premier temps ils considèrent que l’élu n’a pas "violé de façon manifestement délibérée, l’obligation à lui imposée par l’article 53 du décret du 14 novembre 1988, de faire procéder, lors de leur mise en service et à chaque remontage, par une personne qualifiée, à la vérification du coffret installé sur le podium, et de son branchement au réseau". Ils reconnaissent en effet que l’élu pouvait tout à fait ignorer l’existence de ce texte.

 si l’élu n’est pas relaxé pour autant c’est que les magistrats considèrent qu’il a commis une faute caractérisée "en s’abstenant de faire procéder à une quelconque vérification de l’installation électrique, voire même de se préoccuper de la conformité de cette installation aux normes de sécurité".

À l’appui de leur raisonnement les magistrats héraultais relevaient :

1) "qu’il appartient au maire d’une commune de s’enquérir des règles de sécurité applicables et de veiller à leur respect, cette mission entrant dans les devoirs les plus élémentaires résultant du mandat dont le maire est investi ;

2) "que, maire depuis 1983 de la commune le prévenu aurait dû se préoccuper de la vérification des installations électriques de sa commune" ;

3) "que pendant cette même période de 18 ans il ne s’est jamais préoccupé, alors que chaque année il organisait une fête, des conditions de la sécurité à observer lors de manifestations sur la voie publique dont il autorisait formellement la tenue en sa qualité de maire" ;

4) "que maire d’une commune de 870 habitants n’ayant que 4 employés communaux, il se doit d’être d’autant plus présent que sa commune est plus petite" ;

5) "qu’en déléguant comme il le précise l’organisation des manifestations festives au comité des fêtes à qui la commune verse des subventions, il s’est complètement désintéressé de l’organisation de ces manifestations et des termes des contrats signés par le comité des fêtes" ;

6) "qu’il ne s’est même pas fait présenter les contrats signés le 5 janvier 1988 par la présidente du comité des fêtes alors que ces contrats exigeaient des précautions précises en la matière" ;

7) que le prévenu "était présent sur les lieux le soir des faits mais n’a pas remarqué le coffret rénové attaché avec des fils électriques à la scène" ;

8) "que la séance de mousse qui peut être qualifiée "d’intempérie volontaire" devait attirer son attention alors que l’humidité ainsi créée se déposait sur des barrières métalliques garnies d’appareils électriques fonctionnant en courant triphasé".
Et les juges de conclure que l’élu a manifesté un "désintérêt total" pour les règles de sécurité et une "absence de contrôle quant à l’organisation d’une manifestation qu’il a formellement autorisée et pour laquelle il a mandaté le comité des fêtes".

Cour de Cassation, chambre criminelle, 11 juin 2003, N° 02-82622

[1Photo : © Dusan Jankovic