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Divagation d’animaux errants : les pouvoirs du maire

Cour administrative d’appel de Nantes, 4 janvier 2019, N° 18NT00069

Un maire peut-il ordonner l’euthanasie sans délai d’une vache qui divague sur la voie publique et qui menace la sécurité des usagers de la route ?

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Uniquement en cas de danger grave et imminent et après avis d’un vétérinaire désigné par le préfet établissant que l’animal représente par lui-même un danger. Si ces conditions ne sont pas réunies et si le propriétaire ne présente pas toutes les garanties quant à l’application des mesures prescrites, le maire ne peut ordonner l’euthanasie de l’animal, après avoir ordonné son placement, qu’ à l’issue d’un délai franc de garde de huit jours ouvrés. Et là aussi l’euthanasie de l’animal ne peut intervenir qu’après avis d’un vétérinaire désigné par le préfet. A défaut de respecter cette procédure, le maire engage la responsabilité de la commune.

Le maire d’une commune de Loire-Atlantique (2300 habitants) est informé de la présence sur le territoire communal d’une vache en état de divagation. Plusieurs agriculteurs de la commune tentent en vain de récupérer l’animal agressif et dangereux. Un procès-verbal de gendarmerie fait état de l’impossibilité d’approcher l’animal.

L’éleveur propriétaire de la vache est finalement identifié. Le maire le met en demeure de " récupérer sa vache et de prendre toutes dispositions afin de prévenir tout risque pour les usagers du marais et des voies publiques ". Il informe l’intéressé qu’en cas d’inexécution des mesures prescrites dans un délai de 24 heures, l’animal considéré comme dangereux serait capturé et qu’il serait ensuite immédiatement demandé aux autorités compétentes de se prononcer sur les suites à donner, notamment son euthanasie.

Le propriétaire restant sans réaction, le maire fait procéder deux jours plus tard à la capture de l’animal et à son euthanasie. L’éleveur attaque la décision du maire devant les juridictions administratives et obtient l’annulation de l’arrêté et une indemnité de 900 euros en réparation de son préjudice.

La cour administrative d’appel de Nantes confirme l’illégalité de l’arrêté du maire.

Les juges reconnaissent que « compte tenu du danger grave et immédiat que représentait ce bovin pour la sécurité des personnes et de l’urgence à y remédier, le maire était ainsi légalement fondé à mettre en œuvre la procédure dérogatoire prévue par les dispositions du II de l’article L. 211-11, et à faire procéder sans délai ni autre condition à la capture de l’animal et à son placement dans un lieu de dépôt adapté ».

A cet égard l’arrêté du maire ordonnant la capture et le placement de l’animal est tout à fait justifié.

En revanche la décision d’euthanasier l’animal sans délai est illégale, faute pour le maire de produire l’avis qui aurait été émis par le vétérinaire désigné par le préfet avant qu’il soit procédé à l’euthanasie le jour même du placement de l’animal. En effet l’euthanasie ne peut être prononcée sans délai que si le vétérinaire établit que l’animal aurait représenté par lui-même un danger.

« Dans ces conditions, en prescrivant l’euthanasie sans délai de l’animal, alors qu’il n’est pas établi qu’une telle opération n’excédait pas les mesures nécessaires pour prévenir le danger représenté par cet animal déjà capturé, le maire (...) a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ».

Sur le montant de l’indemnisation, les juges de la cour administrative d’appel soulignent que « la responsabilité de l’administration ne saurait toutefois être engagée pour la réparation des dommages qui ne trouvent pas leur cause dans cette illégalité mais découlent directement et exclusivement de la situation irrégulière dans laquelle la victime s’est elle-même placée, indépendamment des faits commis par la puissance publique, et à laquelle l’administration aurait pu légalement mettre fin à tout moment ».

Or en l’espèce, l’éleveur n’a pas assuré une surveillance suffisante et adaptée pour éviter la divagation et ne démontre pas, comme il le soutient, qu’il aurait été victime d’actes de malveillance. Ce d’autant plus qu’informé de l’état de divagation de l’animal, il n’a pas mis en œuvre les mesures pour le récupérer rapidement, notamment dans le délai de 24 heures qui lui avait été imparti par l’autorité municipale. Et les juges de conclure que :

« Compte tenu de ces négligences qui lui sont imputables et à l’origine de l’état de divagation de l’animal, M. E...doit être regardé comme étant en partie responsable de la situation dont il demande réparation. Dans les circonstances de l’espèce, il sera fait une juste appréciation en limitant la responsabilité de la commune (...) à 75 % des préjudices subis par le requérant ».

En outre tous les postes de préjudice invoqués par l’éleveur ne sont pas retenus, notamment les préjudices, qui auraient résulté respectivement de la perte de temps liée à la recherche de son animal et de la perte de biodiversité du fait de la mort de sa vache, de race bretonne pie noire et sans descendance !

La commune devra tout de même verser 1350 euros de dommages-intérêts au requérant, dont 500 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d’existence du fait de la perte de sa vache dénommée... "Eternelle".

Cour administrative d’appel de Nantes, 4 janvier 2019, N° 18NT00069

[1Photo : Angelina Litvin sur Unsplash