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Jurisprudence

La mauvaise réputation

CE 3 mars 2003

Dans quelle mesure une collectivité peut-elle sanctionner un agent soupçonné d’avoir détourné des biens publics ?
Un arrêt du Conseil d’État rappelle aux collectivités, non seulement leur impossibilité de sanction sans fait significatif, sur la seule foi de la rumeur, mais encore leur obligation de protéger leurs agents contre les diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes (article 11 de la loi du 13 juillet 1983).

Un moniteur d’atelier stagiaire d’un centre communal d’aide par le travail fait l’objet de propos malveillants l’accusant de s’approprier certaines pièces remisées dans l’atelier de menuiserie où il travaillait, en vue de fabriquer des meubles et de les vendre pour son propre compte.

La rumeur se propage au-delà de l’enceinte de l’établissement. Alors qu’il était jusqu’ici très bien noté en sa qualité de contractuel, sa note administrative en fin de stage est brutalement abaissée à 10 sur 25. Motif : il aurait "fait circuler pendant ses heures de service, une pétition destinée à lui permettre d’engager une action en justice pour diffamation" et il aurait "pris à témoin un pensionnaire de l’établissement dans le conflit qui l’opposait à l’auteur des propos désobligeants à son égard". Dans la foulée il est licencié pour faute professionnelle.

Le moniteur saisit alors les juridictions administratives aux fins d’annuler :

1) la décision implicite par laquelle le directeur de ce centre a refusé d’accorder à l’intéressé la protection fonctionnelle ;

2) la décision arrêtant sa notation ;

3) la décision procédant à son licenciement.

Le Conseil d’État, dans un arrêt rendu le 3 mars 2003, lui donne raison : non seulement la collectivité ne pouvait pas sanctionner l’agent mais elle devait en outre le protéger contre les rumeurs dont il était l’objet. En conséquence le centre devra indemniser l’agent de la perte de revenus résultant du licenciement illégal et du préjudice moral qu’il a subi.

Ce qu'il faut en retenir

 Une collectivité ne peut pas prendre de sanctions fondées sur une simple rumeur. En l’espèce le juge administratif relève une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où aucun élément significatif n’a été relevé à l’encontre du fonctionnaire qui travaillait depuis trois ans au centre et qui avait été encouragé à se présenter au concours sur titres ouvert par ledit centre ;

 L’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligation des fonctionnaires oblige les collectivités à "protéger les fonctionnaires contre les (...) diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant le préjudice qui en est résulté". C’est dire qu’en l’espèce le centre aurait dû défendre l’agent mis en cause en lui payant, le cas échéant, un avocat pour qu’il l’assiste dans ses démarches judiciaires (dépôt de plainte avec constitution de partie civile par exemple). Ce n’est que si la collectivité disposait d’éléments de fait suffisants lui permettant de vérifier le bien-fondé des accusations portées contre l’agent qu’elle aurait pu légitimement décliner sa protection. Et ce nonobstant le principe de la présomption d’innocence. C’est ce qu’a jugé le Conseil d’État dans une autre espèce jugée le 28 décembre 2001 ;