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Association subventionnée et marchés publics

Cour de cassation, chambre criminelle, 11 février 2009, N° de pourvoi : 08-84412

Une commune doit-elle respecter les règles de la commande publique lorsqu’elle confie une prestation à une association en conditionnant l’octroi de la subvention à la réalisation d’objectifs ?


 [1]

Par délibérations en date des 8 mars 1999 et 20 mars 2000, le conseil municipal d’une commune du Var (9000 habitants) adopte le principe d’une convention d’objectifs entre la collectivité et une association définissant les engagements réciproques en vue de la réalisation d’un programme annuel d’activités nautiques.

Le préfet analysant la prestation de l’association comme un marché public, demande l’annulation de la délibération aux motifs :

 qu’il s’agit pour l’association de réaliser l’objectif poursuivi par la commune (programme d’activités nautiques permettant de promouvoir la ville tant au plan national qu’institutionnel) ;

 que la subvention est fixée par le conseil municipal en fonction du programme d’activités arrêté par l’association et le maire ;

 que la somme allouée à l’association est exclusivement réservée à la réalisation des activités inscrites à la convention faute de quoi la Ville annulera la subvention et en demandera le remboursement et que cette convention constitue donc le prix de la prestation confiée à l’association.

Le préfet estime en outre que l’association est un organisme à caractère lucratif qui fonctionne comme un organisme écran et a permis de créer une situation privilégiée à une société privée (une SARL à qui elle sous-traite les prestations) grâce à des ressources provenant de fonds publics.

Le dirigeant de l’association est poursuivi pour recel de favoritisme et faux en écriture [2].

Il est condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis et 7 000 euros d’amende, ce que confirme la Cour de cassation [3].


Sur le délit de favoritisme

Pour condamner le directeur de l’association, les juges relèvent que l’analyse de l’activité de l’association montre :

 qu’elle s’est livrée à une activité commerciale, en organisant financièrement des événements (salon nautique, championnat du monde de dériveurs) à travers la recherche de sponsors ;

 que la quasi-totalité du budget de l’association a été absorbée par son principal sous-traitant (une SARL), les prestations effectuées par cette société représentant 55 % du total du poste de sous-traitance en 1998 et 45 % en 1999 ;

 bien qu’ayant déclaré son siège dans un bâtiment, l’association occupait un local communal situé au rez de chaussée du Casino de la ville ;

 elle comptait parmi les membres du conseil d’administration majoritairement des élus tels que les adjoints aux sports, au tourisme, à la communication et au commerce ;

 la rémunération du directeur a été arrêtée non par le conseil d’administration de l’association mais par la Ville ;

 les ressources de l’association provenaient principalement des subventions de l’Etat, de la commune et du département (les aides publiques s’élevaient à 56 % en 1998 et à 82 % en 1999) ;

 la ville était le principal client de l’association constituée dans le but de développer sa propre image de station touristique littorale ;

 la Direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, est d’avis que la prestation réalisée par l’association aurait dû faire l’objet d’un marché public précédé d’une mise en concurrence car la subvention constitue le prix versé en contrepartie d’une prestation.

Et les juges d’en conclure qu’il en résulte :

 que "l’association (...) a bénéficié de subventions, c’est à dire d’une contribution financière de la personne publique à une opération justifiée par l’intérêt général, alors que, d’une part, l’initiative du projet n’est pas venue de l’organisme bénéficiaire et, que d’autre part, une contribution directe était attendue par la Ville (...) du versement de la contribution financière".

 "qu’il s’agit donc d’un marché public dont l’objet répond à un besoin de la personne publique en matière de services" ;

 "que, dépositaire de l’autorité publique, le maire de la commune (...), a procuré à l’association (...) un avantage illicite en attribuant à celle-ci un marché au mépris des règles du code des marchés publics ;

 que le prévenu, "qui était le directeur salarié et le dirigeant de fait de l’association, par ailleurs gérant de la SARL (...), a bénéficié en termes de monopole, des retombées positives résultant de l’attribution irrégulière de marchés" et "’qu’il a ainsi sciemment recelé les fonds qu’il savait provenir du délit de favoritisme".

Le caractère intentionnel de l’infraction est bien caractérisé dès lors "que ces faits avaient fait l’objet d’observations préalables de la préfecture" et "qu’à cette occasion l’attention des élus avait été particulièrement attirée sur le principe d’une mise en concurrence et la nécessité de se conformer au code des marchés publics". Le directeur de l’association en ses qualités "d’ancien employé municipal, directeur de l’office du tourisme de la ville (...) et proche du maire de la commune ne pouvait ignorer les règles applicables de par son expérience et son implication dans le marché".


Sur le délit de faux en écriture

L’infraction de faux en écriture reprochée au dirigeant de l’association concerne l’embauche d’une stagiaire en contrat de qualification. Alors que celle-ci était officiellement salariée de l’association, l’enquête a pu établir qu’elle n’a pas effectué la moindre prestation pour cette association et passait seulement en fin de mois au siège de l’association pour récupérer sa fiche de paye et le chèque des salaires. Les juges en concluent qu’il s’agit d’une embauche fictive par l’association puisque celle-ci conservait son emploi pour le compte de l’office du tourisme et n’effectuait aucun travail pour l’association. Dès lors les différents contrats, certificats et bulletins de salaires délivrés par l’association à cette personne sont considérés comme des faux. Il est en notamment ainsi du contrat de qualification signé par le directeur de l’association.

Les magistrats relèvent également que l’enquête a permis d’établir que c’est à la demande du père de la jeune stagiaire (lequel est employé municipal et chauffeur du maire), qu’il a été convenu début 1999 d’une prise en charge de sa fille par l’association au cours d’une entrevue à laquelle était présent le directeur de l’association. Et les magistrats d’en conclure "que c’est donc en toute connaissance de cause que celui-ci a établi un faux contrat de qualification".

[1Photo : © Oksana Perkins

[2Ont également été poursuivis dans cette affaire :

 le président de l’association condamné définitivement (pas d’appel) par jugement du Tribunal correctionnel de Toulon en date du 2 avril 2007 à une peine de 4 mois de prison avec sursis.

 le maire a été condamné par le même tribunal à 15 000 euros d’amende pour favoritisme (décédé en cours d’instance, la Cour d’appel a constaté l’extinction de l’action publique à son encontre).

[3Cour de cassation, chambre criminelle, 11 février 2009, N° de pourvoi : 08-84412