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Nullité d’une clause d’adhésion obligatoire à une association loi 1901

Cour de cassation, chambre civile 1, 27 septembre 2017, N° 16-19878

Une clause d’adhésion obligatoire à une association régie par la loi de 1901 est-elle licite ?

Non. Toute personne est libre d’adhérer ou de ne pas adhérer à une association du type loi du 1er juillet 1901. L’adhésion automatique et obligatoire à une association est nulle en ce qu’elle méconnaît le principe de la liberté d’association. En l’espèce une société locataire d’un centre commercial obtient la nullité d’une stipulation statutaire lui imposant d’adhérer à une association de commerçants. Une telle clause est jugée illicite et contraire aux libertés fondamentales. Il est sans importance que le locataire ait payé les cotisations pendant plusieurs années, ce seul fait ne pouvant suffire à caractériser une manifestation expresse de volonté. Faute de pouvoir produire un bulletin d’adhésion, l’association est condamnée à rembourser au locataire le paiement de ses treize années de cotisations (près de 150 000 euros en l’espèce !) et devra, en outre, lui verser des dommages-intérêts. Une solution naturellement transposable à toutes les associations régies par la loi de 1901, quel que soit leur objet social... (en revanche l’adhésion libre à une association syndicale de propriétaires (ASP) régie par l’ordonnance de 2004 est toute théorique puisqu’elle ne concerne vraiment que le premier propriétaire, l’appartenance à une ASP étant liée à la propriété).

Une société loue un local dans un centre commercial. Le contrat contient une clause stipulant l’obligation pour le locataire d’adhérer à l’association des commerçants sans possibilité de s’en retirer. Les statuts de l’Association des commerçants disposent ainsi "qu’est membre actif de plein droit de l’Association toute personne physique ou morale exploitant une activité permanente dans l’enceinte du Centre Commercial concerné. L’exploitation d’une activité permanente dans ledit centre commercial entraînera automatiquement et obligatoirement adhésion de l’exploitant à la présente Association dont il sera membre, impliquant notamment adhésion aux présents statuts et aux décisions régulièrement prises par l’assemblée générale".

Après 13 ans d’exploitation, le locataire notifie son retrait à l’association et cesse de régler ses cotisations.

L’association réplique par une une requête auprès du tribunal du commerce en injonction de payer des cotisations ultérieures. En première instance, la requête de l’association est accueillie. Mais la cour d’appel donne gain cause à la société locataire en déclarant nulle la clause d’adhésion obligatoire et en condamnant l’association à rembourser l’ensemble des cotisations payées depuis la conclusion du bail, soit une somme totale de 144 778 euros !

L’association forme un pourvoi en cassation et fait valoir que :

 la société locataire avait librement choisi de s’implanter dans le centre commercial en signant le contrat de bail qui faisait de son adhésion à l’association une condition essentielle ;

 l’adhésion vise à répartir entre tous les commerçants exerçant leur activité dans le centre commercial le coût des prestations qu’elle leur rendait, dont la société locataire avait bénéficié pendant plusieurs années ;

 la volonté d’adhérer à une association n’a pas à être expresse et peut résulter d’acte manifestant sans équivoque la volonté d’y adhérer ;

 le paiement des cotisations pendant treize années montre que le locataire adhérait pleinement à l’association.

Cette argumentation est rejetée par la Cour de Cassation : l’association n’est pas en mesure de produire un bulletin d’adhésion et le seul paiement des cotisations pendant plusieurs années ne constitue pas l’expression libre d’adhérer. C’est ainsi à bon droit que les juges d’appel ont considéré que les statuts de l’association, qui imposent aux commerçants du centre commercial d’y adhérer, sans possibilité de démissionner, méconnaissaient les articles 4 de la loi du 1er juillet 1901 et 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Une position qui s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de Cassation [1]

La Cour de cassation censure en revanche l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il a refusé d’accorder des dommages-intérêts au locataire en plus du remboursement des cotisations : la méconnaissance, par l’association, de la liberté fondamentale de la société de ne pas y adhérer, constitue une faute civile engageant la responsabilité de l’association sur le fondement de l’article 1240 du code civil. Ainsi l’association devra non seulement rembourser les cotisations indûment perçues mais devra, en outre, verser au locataire des dommages-intérêts...

Une solution qui est naturellement transposable à toutes les associations, quel que soit leur objet social... Peut-être est-ce l’occasion de vous (re)pencher sur les statuts de votre association et de vérifier que vous avez bien... archivé les bulletins d’adhésion ? !

Cour de cassation, chambre civile 1, 27 septembre 2017, N° 16-19878

[1Cour de Cassation, Chambre civile 3, 12 juin 2003, 02-10.778 ; Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 mai 2010, 09-65.045