Le portail juridique des risques
de la vie territoriale & associative

Présidence d’une association en qualité de représentant d’une commune : les incidences par ricochet de la perte du mandat de conseiller municipal

Cour d’appel de Metz , 10 novembre 2016, n°15/01516

Le président d’une association, qui siège en qualité de représentant d’une commune, peut-il poursuivre ses responsabilités associatives s’il perd son mandat de conseiller municipal ?

Non et ce même si la durée du mandat des membres du bureau de l’association n’a pas expiré. En l’espèce la présidente d’une maison de retraite associative (EHPAD), représentante de la commune au sein de l’établissement, avait voulu conserver ses responsabilités associatives malgré la perte de son mandat de conseillère municipale. Soutenue par le bureau de l’association, elle avait continué à présider le conseil d’administration et une assemblée générale extraordinaire postérieurement à sa défaite aux élections municipales. La nouvelle municipalité obtient en justice l’annulation des délibérations prises par les instances de l’association postérieurement à la proclamation des résultats.

Pour faire droit à la demande de la collectivité, la cour d’appel de Metz prend appui sur les statuts de l’association. Il en résulte en effet que deux conditions cumulatives sont nécessaires pour représenter valablement la commune au sein du conseil d’administration : être élu de la commune et avoir été désigné par elle pour la représenter. Ainsi, dès la proclamation des résultats, l’ex-élue ne pouvait plus représenter la commune au sein de l’association. Peu importe que la commune n’avait pas encore désigné de nouveaux représentants.

En tout état de cause, l’application des dispositions de l’article L2121-33 du Code général des collectivités territoriales relatives aux représentations des communes au sein des organismes extérieurs auraient neutralisé des statuts prévoyant une prolongation des responsabilités associatives au-delà du terme du mandat d’élu local. Ce d’autant que le Conseil d’Etat a déduit de ces dispositions que le conseil municipal disposait "d’un large pouvoir d’appréciation pour décider de procéder, sous le contrôle du juge de l’élection, à de nouvelles désignations de ses délégués dans un organisme extérieur".

Tout au plus les statuts auraient-ils pu prévoir, comme le suggère la cour d’appel, un dispositif transitoire permettent aux anciens élus de continuer à représenter la commune au sein des instances dirigeantes afin de gérer les affaires courantes de l’association en attendant la désignation par la collectivité de ses nouveaux représentants.

Une conseillère municipale d’une commune mosellane (7000 habitants) préside le conseil d’administration d’une association ayant pour objet de gérer un établissement d’hébergement pour les personnes âgées (EHPAD). Elle exerce ses responsabilités associatives non à titre personnel mais comme représentante du conseil municipal.

Lors des élections municipales de mars 2014, elle n’est pas réélue au conseil municipal. Ce qui aurait dû, en principe, la conduire à cesser toute fonction de représentation au nom de la commune.

Pourtant, prétextant que la commune n’avait pas encore désigné de nouveaux représentants au sein de l’association, l’ex-élue préside un conseil d’administration de l’établissement. Et postérieurement à cette désignation, l’intéressée préside cette fois une assemblée générale extraordinaire de l’association en vue d’une modification des statuts... Et ce alors même que le nouveau maire lui avait signifié qu’elle ne pouvait plus représenter la commune au sein de l’EHPAD.

Les arguments en présence

Pour justifier son maintien en fonction, l’intéressée, avec l’appui du conseil d’administration de l’association, soutient que :

 le président de l’association est clairement élu par les membres du conseil d’administration au sein d’un bureau ;

 le bureau est un second organe collégial distinct du conseil d’administration qui obéit à ses propres règles. Or l’article 6 des statuts relatif au bureau (au contraire de l’article 5 relatif au conseil d’administration) ne fait nullement référence à une cessation immédiate des fonctions de membre du bureau lorsque le représentant n’est plus mandaté par son propre organisme ;

 le bureau a manifestement pour objectif d’assurer à l’association une certaine permanence et continuité dans son action ;

 la durée du mandat des membres du bureau, dont fait partie le président, n’a donc d’autre limite que celle de la durée maximum du mandat des membres du conseil d’administration, soit 6 ans en vertu de l’article 5 des statuts ;

 les circonstances ne permettaient pas de désigner à brève échéance un nouveau président ;

 lorsque s’est tenu le conseil d’administration qui a suivi les élections municipales, la commune n’avait pas notifié à l’association la perte de mandat de certains de ses représentants et n’avait pas désigné les nouveaux représentants de la commune.

La commune saisit le tribunal de grande instance d’une demande d’annulation des délibérations prises par l’association postérieurement aux élections municipales. A l’appui de sa requête, elle souligne que :

 les membres du bureau ne peuvent qu’être membres du conseil d’administration ;

 la durée du mandat des membres du bureau est limitée par celle des membres du conseil d’administration ;

 la perte du mandat d’administratrice de l’association faisait perdre à l’intéressée son mandat de membre du bureau et a fortiori celui de présidente de l’association.

Les statuts de l’association comme arbitres

Le tribunal de grande instance (TGI) donne gain de cause à la collectivité : n’ayant pas été réélue, l’intéressée ne pouvait plus continuer à représenter la commune au sein de l’association. Le TGI annule en conséquence l’ensemble des décisions adoptées en assemblé générale extraordinaire et lors du conseil d’administration tenu postérieurement à la proclamation des résultats des élections municipales.

La cour d’appel confirme le jugement en s’appuyant sur les statuts de l’association [1] lesquels stipulent que :

 la fonction de représentation au sein de la Maison d’Accueil cesse immédiatement dès lors que ledit « représentant » n’est plus mandaté pour l’exercer par sa propre association ou son propre organisme ;

 deux conditions cumulatives sont nécessaires pour exercer valablement la représentation de la commune au conseil d’administration : être élu de la commune et avoir été désigné par elle pour la représenter ;

 la cessation des fonctions est immédiate en cas de perte de mandat.

En outre :

 aucune disposition statutaire ne prévoyait une prolongation du mandat pour favoriser la bonne administration de l’association, ce qui au demeurant, poursuivent les magistrats, n’aurait permis au président que d’expédier les affaires courantes et non pas de présider à un changement des statuts de l’association ;

 à la date de l’assemblée générale de l’association du 16 avril 2014 la présidente de l’association n’avait plus la qualité d’élue de la commune qu’elle représentait et avait été informée par courrier du 4 avril 2014 du maire de la commune qu’elle ne pouvait plus siéger au conseil d’administration :

 lors de l’assemblée générale extraordinaire de l’association du 6 mai 2014 toujours présidée par l’intéressée, la commune avait désigné dix nouveaux représentants.

Et les magistrats d’appel de conclure qu’ayant "perdu qualité pour représenter la commune, [l’intéressée] ne pouvait valablement présider les assemblées générales litigieuses". Peu importe qu’elle avait été élue présidente du bureau du conseil d’administration avant la perte de son mandat d’élue du conseil municipal et avant son remplacement sur la liste des représentants de la commune au sein de l’association. En effet "elle n’a rempli cette fonction élective au sein de l’association que comme représentante de la commune (...) au conseil d’administration de l’association et qu’en ayant perdu cette fonction de représentation, elle a en conséquence perdu sa fonction de présidente du bureau du conseil d’administration dont elle était le support".

Les règles du CGCT relatives à la représentation des communes au sein des organismes extérieurs

En tout état de cause, des statuts qui auraient prévu une prolongation du mandat des représentants de la commune au-delà de l’expiration de leur mandat auraient été difficilement conciliables avec les dispositions de l’article L2121-33 du Code général des collectivités territoriales relatives aux représentation de la commune au sein des organismes extérieurs :

"le conseil municipal procède à la désignation de ses membres ou de délégués pour siéger au sein d’organismes extérieurs dans les cas et conditions prévus par les dispositions du présent code et des textes régissant ces organismes. La fixation par les dispositions précitées de la durée des fonctions assignées à ces membres ou délégués ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse être procédé à tout moment, et pour le reste de cette durée, à leur remplacement par une nouvelle désignation opérée dans les mêmes formes".

De fait, le Conseil d’Etat a déduit de ces dispositions que le conseil municipal disposait "d’un large pouvoir d’appréciation pour décider de procéder, sous le contrôle du juge de l’élection, à de nouvelles désignations de ses délégués dans un organisme extérieur" [2].

Ainsi interrogé sur ce point par un parlementaire, le Ministère de l’intérieur (Réponse du 3 novembre 2016 à la Question écrite n° 15194 de M. Jean Louis Masson) a répondu :

 qu’à défaut "de dispositions particulières relatives à la fin des fonctions des délégués dans les textes régissant ces organismes, leur mandat est lié à celui de l’organe délibérant de la collectivité territoriale qui les a nommés" ;

 que "les mandats des conseillers municipaux, départementaux ou régionaux ayant été désignés pour représenter leurs collectivités respectives dans des organismes extérieurs prennent donc fin en même temps que les mandats des conseillers qui les ont désignés".

Cour d’appel de Metz, 1re chambre, 10 Novembre 2016, n° 15/01516

[1En Alsace-Moselle, c’est l’article 25 du code civil local qui dispose que la constitution d’une association est régie par les statuts. Le contenu des statuts est en principe, librement déterminé par les membres fondateurs, sous réserve de ne pas déroger aux dispositions du code civil local.

[2Conseil d’État, 17 décembre 2010, N° 339077.