Le contexte d’une campagne électorale permet-il des attaques un peu vives sur la probité d’un candidat ?
Oui dès lors que les propos incriminés s’inscrivent dans un débat d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante dans un contexte de polémique politique opposant deux candidats à des élections. Les juges retiennent plus facilement l’exception de bonne foi pour des propos tenus par un adversaire politique dans le cadre d’une campagne électorale qui légitime des critiques et des échanges portant sur une question d’intérêt général concernant la gestion des deniers publics.
Le maire d’une commune de 8000 habitants porte plainte et se constitue partie civile pour diffamation, en dénonçant des propos lui imputant des pratiques relevant des délits de favoritisme et de corruption passive, à la suite de la diffusion, par un opposant politique d’un tract contenant les passages suivants :
« S’agit-il d’arrangements ou de sollicitations intéressées organisées par M. X... dans l’attribution des marchés publics ? Nous mettrons un terme à ces illégalités chargées de favoritisme ».
Le tribunal correctionnel relaxe l’opposant. Saisie du seul appel du maire [1] la cour d’appel doit pour se prononcer sur les intérêts civils rechercher si les éléments de l’infraction sont ou non réunis.
Si les juges retiennent que les propos incriminés, sont bien attentatoires à l’honneur de la partie civile, en ce qu’ils sous entendent la commission de délits, ils n’en retiennent pas moins la bonne foi de l’opposant ayant porté les accusations.
En effet celui-ci s’est fondé sur un rapport de la chambre régionale des comptes, qui liste les irrégularités commises par la ville dans la gestion des marchés publics, dont certaines ont remis en cause l’égalité de traitement des candidats et qui ont exposé la commune à de réels risques juridiques et contentieux.
Les juges, pour admettre l’exception de bonne foi, retiennent que les propos poursuivis ont été tenus par un adversaire politique et dans le cadre d’une campagne électorale qui légitime des critiques et des échanges portant sur une question d’intérêt général concernant la gestion des deniers publics, de sorte qu’ils ne dépassent pas les limites admissibles de la liberté d’expression.
La cour de cassation approuve les juges d’appel d’avoir statué ainsi dès lors que « les propos incriminés s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général et reposaient sur une base factuelle suffisante dans un contexte de polémique politique opposant deux candidats à des élections municipales » [2]
On peut y voir là une influence directe de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (suivre le lien proposé en fin d’article) qui privilégie la liberté d’expression en estimant notamment que « les limites de la critique admissible sont plus larges à l’égard d’un homme politique, visé en cette qualité, que d’un simple particulier : à la différence du second, le premier s’expose inévitablement et consciemment à un contrôle attentif de ses faits et gestes, tant par les journalistes que par la masse des citoyens ».
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 février 2017, 15-86343
[1] Faute d’appel du parquet, la relaxe de l’opposant est définitive.
[2] L’arrêt de la cour d’appel est revanche censuré en ce qu’il a condamné le maire à 1500 euros d’amende civile pour abus de constitution de partie civile. La Cour de cassation rappelle à ce titre que la personne relaxée ne peut demander la condamnation de la partie civile à des dommages-intérêts que lorsque cette dernière a elle-même mis en mouvement l’action publique par voie de citation directe, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.