Les bénévoles victimes d’un accident en prêtant leur concours à l’organisation d’une fête communale doivent-ils prouver une faute de la collectivité pour obtenir réparation ?
Non : la collectivité engage sa responsabilité même sans faute à l’égard des collaborateurs occasionnels du service public. Le seul moyen pour la collectivité de s’exonérer, en tout ou partie, est de prouver une faute du collaborateur ayant contribué à la réalisation de son propre dommage. En l’espèce une commune est déclarée entièrement responsable de l’accident mortel survenu à un participant à une manifestation nautique qui était chargé par la collectivité de tirer des feux de type " marrons d’air " depuis son bateau. Son embarcation a explosé et coulé après qu’il eût lâché la fusée qu’il avait en mains dans... la caisse des artifices. Mais aucune faute ne peut lui être imputée : c’est après avoir reçu à la poitrine un "marron d’air" en provenance d’une autre embarcation qu’il a lâché la fusée provoquant ainsi l’explosion de son bateau. La commune devra donc réparer l’entier dommage et verser près de 70 000 euros à la veuve et aux enfants de la victime.
Le 18 août 2001, un participant à une manifestation nautique et pyrotechnique organisée par une commune méditerranéenne [1] est mortellement blessé à la poitrine par un artifice de type " marron d’air " en provenance d’une autre embarcation. La fusée qu’il tenait est alors tombée dans la caisse des artifices, le bateau sur lequel il se trouvait a explosé puis coulé... Les autres passagers, dont son épouse, sont blessés.
L’adjoint au maire chargé de l’organisation de la manifestation est poursuivi et condamné pour homicide et blessures involontaires, plusieurs négligences lui étant imputées [2]. Mais au civil les juridictions judiciaires (Cour de cassation, chambre criminelle, 22 mai 2013, N° 12-81819) se déclarent logiquement incompétentes en l’absence de faute personnelle de l’adjoint et invitent les victimes à rechercher la responsabilité de la commune devant les juridictions administratives.
Par jugement du 14 mars 2014, le tribunal administratif de Toulon retient la responsabilité de la commune en raison des fautes de négligence et d’imprudence commises dans l’organisation de cette manifestation.
La cour administrative d’appel de Marseille confirme la responsabilité de la commune mais sans se prononcer sur la faute de la commune. Et pour cause : elle se fonde sur le régime de la responsabilité sans faute des collectivités à l’égard des collaborateurs occasionnels du service public. En effet :
– la commune a fourni le matériel de feux d’artifice pour les besoins de la fête nautique et pyrotechnique qu’elle a organisée à l’intention notamment de l’ensemble des habitants de la commune et qui répond à un but d’intérêt général ;
– les participants embarqués sur douze bateaux étaient chargés de tirer des feux de type " marrons d’air ", tandis qu’un feu d’artifice était tiré depuis une tour.
Aucune faute ne pouvant être imputée en l’espèce au collaborateur occasionnel du service public, la commune est bien responsable de l’entier dommage. Elle devra ainsi verser près de 67 000 euros (sur les plus de 250 000 euros réclamés par les requérants) dont un peu plus de 46 000 euros à l’épouse et 10 000 euros à chacun de des deux enfants.
Cour Administrative d’Appel de Marseille, 13 juillet 2016, N° 14MA02062
[1] Hyères les Palmiers
[2] Parmi les éléments à charge retenus il est relevé que :
– contrairement à ce qui s’était passé l’année précédente aucune démonstration de tir n’avait été effectuée et les participants n’avaient pas rencontré l’artificier ;
– seules quelques réunions avec rappel de consignes de sécurité avaient été organisées mais tous les participants n’étaient pas présents à chacune d’elles, aucun n’avait été informé de la portée des marrons d’air et des distances à respecter entre les navires ;
– dans sa déclaration de l’événement à la préfecture, l’adjoint n’a mentionné que le feu d’artifice tiré d’une tour, en s’abstenant de faire état du spectacle nautique concomitant. De fait aucun plan de sécurité n’a été mis en place et l’arrêté préfectoral pris le 14 août 2001 interdisait à tous navires et engins de toute nature excepté de la police et de surveillance de la manifestation de se trouver entre 22 heures et 23 heures sur le plan d’eau dans un rayon de 300 mètres. Or durant le spectacle tous les bateaux pirates de l’association se trouvaient à moins de 300 mètres du lieu de tir ;
– selon l’expert, les bateaux devaient être distants d’au moins 50 mètres, pour éviter les tirs entre eux ce qui n’était pas le cas ;
– les marrons d’air, en cause, étaient des artifices de classe K3 qui avaient été livrés avec une étiquette d’emploi collée sur chacun d’eux et sur laquelle il est spécifié la nécessité d’opérer un recul de quinze mètres par l’utilisateur après la mise à feu qui devait être électrique. La convention signée entre la commune et la société fixait, quant à elle, la distance à 30 mètres mais en fait, leur tir à partir d’un bateau rendait ce recul impossible ;
– le mortier prévu par le fabricant était un mortier en carton qui devait être enterré au 2/3, ce qui ne pouvait non plus être mis en œuvre, aussi des mortiers en acier avaient été confectionnés par les utilisateurs ;
– le fournisseur avait proposé des mortiers compacts douze coups de minuit avec déclenchement électrique qui avaient été refusés par l’adjoint bien que ce dernier avait été informé du fait qu’il valait mieux un tir électrique, la commande initiale avait été modifiée
– la livraison des marrons d’air a été effectuée en deux temps le jour de la représentation à l’artificier auprès de qui les membres de l’association se sont ravitaillés, la distribution n’a été soumise à aucun contrôle, ni aucune règle.