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Réaffectation après un congé maternité suivi d’une reprise à temps partiel : discrimination ou banale réorganisation du service ?

Cour administrative d’appel de Nancy, 22 septembre 2016, N° 15NC01488

La circonstance qu’une fonctionnaire, après un congé maternité et une reprise du travail à temps partiel, soit réaffectée sur des fonctions, certes moins valorisantes mais qui correspondent bien à son grade, suffit-elle à écarter toute discrimination liée à son sexe ?

Non : dès lors que la réaffectation a pour conséquence de diminuer les responsabilités de l’intéressée et que les éléments produits par la collectivité ne permettent pas d’établir que la décision de changement d’affectation repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Peu importe que les nouvelles fonctions confiées correspondent bien au grade de l’intéressée. En l’espèce une fonctionnaire, jusqu’ici responsable d’un CCAS, est réaffectée après un congé maternité suivi d’une reprise du travail à temps partiel, sur de nouvelles missions : elle se trouve placée pour 50 % sous la responsabilité de son ancienne assistante (qui l’a remplacée comme responsable du CCAS), et est affectée, pour l’autre moitié, à des fonctions d’accueil du public.

Le maire justifie cette réaffectation par une réorganisation des services et des absences jugées trop fréquentes de l’intéressée pour assurer un suivi correct des dossiers. Mais ce contre l’avis unanime de la commission administrative paritaire. De fait, saisi de cette situation, le Défenseur des droits conclut que l’intéressée est victime d’un harcèlement moral discriminatoire en lien avec son appartenance au sexe féminin. Estimant, pour sa part, que les éléments produits par le maire ne permettent pas d’établir que la décision de changement d’affectation repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour administrative d’appel de Nancy annule en conséquence le refus du maire de réintégrer l’intéressée dans ses anciennes fonctions.

La responsable d’un centre communal d’action sociale (CCAS) est réaffectée sur un autre poste peu après son retour de congé de maternité. Ses missions se partagent désormais pour moitié de son temps comme assistante de la nouvelle responsable du CCAS, son ancienne collaboratrice, et pour l’autre moitié comme agent d’accueil du public.

Le maire justifie ce changement d’affectation par les nécessités d’une réorganisation du service. L’intéressée, qui se trouve désormais placée sous la responsabilité de son ancienne assistante, le vit mal. Elle s’en ouvre au médecin du pôle de santé - prévention du centre de gestion de la fonction publique territoriale qui alerte le maire. Sans effet : le maire refuse toujours de réintégrer l’intéressée dans ses anciennes attributions.

S’estimant victime d’une discrimination, la fonctionnaire saisit le tribunal administratif. Celui-ci donne raison au maire dès lors que la requérante a continué à exercer des fonctions correspondant à son grade. La cour administrative d’appel de Nancy infirme le jugement :


 "la décision du maire a eu pour conséquence de diminuer les responsabilités confiées à la requérante, quand bien même elle a continué à exercer des fonctions correspondant à son grade".

 "contrairement à ce que soutient la commune (...), la décision de modifier l’affectation de la requérante ne résulte pas seulement d’une réorganisation des services mais a été prise car le maire considérait qu’elle était trop souvent absente pour assurer un suivi correct des dossiers".

En effet la requérante a été en congé de maternité et en congé consécutif à un état pathologique résultant de sa grossesse du 15 avril 2010 au 14 novembre 2010 puis a ensuite bénéficié d’un temps partiel à 80 % jusqu’à ce que son enfant atteigne l’âge de trois ans. Elle a en outre pris ses congés annuels, au bénéfice desquels elle avait droit, lors d’une période distincte de son congé de maternité et a bénéficié de congés de maladie et de congés en raison de la maladie d’un de ses trois enfants.

Mais toutes ces absences, poursuit la cour administrative d’appel, étaient justifiées.

Par ailleurs l’intéressée, avant son congé maternité, était très bien évaluée notamment au regard de son implication et de sa grande disponibilité.

Les juges relèvent en outre que :

 le Défenseur des droits, saisi de la situation, a conclu que la fonctionnaire "a été victime d’un harcèlement moral discriminatoire en lien avec son appartenance au sexe féminin" ;

 la commission administrative paritaire, saisie très tardivement par le maire, a émis, à l’unanimité, un avis défavorable à la réaffectation de l’intéressée.

Et la cour administrative d’appel d’en conclure que les éléments produits par le maire ne permettent pas d’établir que la décision de changement d’affectation repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le jugement du tribunal administratif et la décision implicite du maire de rétablir l’intéressée dans ses anciennes attributions sont ainsi annulés.

Cour administrative d’appel de Nancy, 22 septembre 2016, N° 15NC01488